• «Discours double du gouvernement» dit le syndicat de l'enseignement de base • Revendications surtout morales et organisationnelles des hospitalo-universitaires Le climat social est loin d'être paisible dans le pays. Des négociations sociales avancent et au moment où l'on croit voir le bout du tunnel, voilà que le partenaire gouvernemental se rétracte pour faire machine arrière. A l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) la tension a atteint son paroxysme. En témoigne la situation dans le secteur de l'enseignement de base ainsi que celui de la santé. Les instituteurs entrent dès aujourd'hui en grève de deux jours. Il en est de même pour les médecins hospitalo-universitaires.
Hfaiedh Hfaiedh, secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé de la fonction publique situe la grève des enseignants de l'école de base dans son véritable contexte. Le blocage du dialogue dans l'enseignement de base ne fait pas exception à ce qui se passe dans les autres secteurs et les autres ministères. « Le Gouvernement provisoire cherche à gagner du temps, en faisant traîner démesurément les choses et en tenant un discours double. Le problème transcende les secteurs pour atteindre la crédibilité des négociations », précise le Secrétaire général adjoint. Il rappelle que samedi et dimanche derniers, les ministres de Finances et de la Réforme administrative n'avaient pas la même position. Le ministre des Finances, Houcine Dimassi était favorable à l'indemnité spécifique pour le personnel de son ministère. Mohamed Abbou la rejetait. La grève dans ce ministère aurait pu être évitée. Il en est de même pour le ministre de la Santé. Durant une réunion qui avait duré cinq heures, le ministre de la Santé avait manifesté une certaine compréhension. Toutefois, après avoir contacté le Gouvernement, il devait se raviser pour dire qu'il ne peut pas traiter des questions sectorielles.
De son côté le syndicat général de l'enseignement de base est arrivé à un projet consensuel avec le ministère de l'Education. Il ne restait qu'un seul point de divergence. Le ministre a présenté une proposition qui engage son département. Toutefois, le Conseil des ministres a rejeté sa proposition. « Ces faits mettent au grand jour le manque de sérieux des pouvoirs publics qui prennent à la légère l'UGTT. C'est une stratégie délibérée pour frapper notre organisation, en essayant de briser le rapport de confiance liant les bases syndicales à leurs structures », s'écrie Hfaïedh Hfaïedh.
Tahar Dhaker, secrétaire général du Syndicat, précise que la situation actuelle dans le pays est très grave. « C'est la loi de la jungle qui règne. Des groupes de bandits agissent comme ils veulent et font à leur tête dans plusieurs régions, sans que le Gouvernement ne bouge même le petit doigt, contrairement aux mouvements protestataires de la société civile qui sont réprimés. Espérons que nous ne nous engluerons pas dans une situation de guerre civile », prévient-il. Il ajoute que sur le plan social, la situation est la même. Avec sa politique le Gouvernement est en train de rendre la situation plus critique. Lors de la grève du 16 mai, le gouvernement avait essayé de dénigrer le combat des instituteurs. « Ce sont des pratiques qui nous rappellent l'ancien pouvoir », précise Tahar Dhaker. Il déplore que le Gouvernement soit revenu sur sa proposition juste une heure et demie après l'avoir avancée. « C'est une position irresponsable de la part du Gouvernement qui bat en brèche le dialogue social », dit-il. Contrairement à ce que certains tentent de faire circuler, les instituteurs pensent à l'intérêt des élèves et de l'institution éducative. La grève ne va en aucun cas les altérer. « Certaines personnes qui prétendent être indépendantes se rendent d'une école à une autre et essayent d'intimider les instituteurs pour qu'ils n'observent pas de grève. Ce sont des milices pro-gouvernementales », avertit le secrétaire général.
De leurs côtés les médecins hospitalo-universitaires et les médecins dentistes entrent eux aussi en grève de deux jours, aujourd'hui et demain. Les services d'urgence ne sont pas concernés par cette grève. Dr Habiba Mizouri, du Syndicat général des médecins hospitaliers et dentistes, précise que « le dialogue avec le ministère de la Santé a buté sur un blocage. Le ministère est en train de faire traîner les choses. Nos revendications ne sont pas uniquement matérielles. Elles sont surtout morales et organisationnelles. Nous revendiquons la mise à niveau des hôpitaux universitaires. Nous voulons des conditions de travail adéquates. Il n'est pas normal qu'un hôpital universitaire manque cruellement de moyens. Nous demandons l'élaboration d'un cahier de charges pour les hôpitaux ». Quelle a été la réponse du ministre ? « Nous allons engager un dialogue national sur la santé », dit-elle, une manière de renvoyer le commencement des projets aux calendes grecques. Elle ajoute : il est impératif de réformer les structures des hôpitaux, revoir leur financement…Le problème de la sécurité des médecins se pose. Est-il normal qu'un médecin soit agressé dans son lieu de travail ? Dr. Habiba Mizouri rappelle que les médecins avaient suspendu leurs revendications après la Révolution. Ils tiennent à ce qu'il soit mis fin aux démissions et que les compétences restent dans l'hôpital public. Le syndicat est contre les hôpitaux privés et l'enseignement privé de la médecine.