Par Hmida BEN ROMDHANE Il était l'un des pays les plus stables et les plus sûrs du monde, même au plus fort de la guerre irano-irakienne de 1980-88, et à l'exception des quelques mois turbulents à la suite de l'intervention américaine de 1991. Depuis la deuxième intervention américaine de 2003, l'Irak est devenu incontestablement le pays le plus instable, le plus violent et le plus dangereux du monde. Le paradoxe tragique de la situation est que, sous prétexte de « lutte contre le terrorisme », l'ancien président américain, Bush fils, a transformé un pays gouverné par la dictature mais stable, en un pays ingouvernable. Sa décision de lancer son armée contre le régime de Saddam Hussein avait ouvert les portes de l'Irak à la nébuleuse terroriste d'Al Qaida et réveillé tous les démons qui y sommeillaient depuis des décennies. Le cours de l'histoire et le sort de millions d'êtres humains tient parfois à des détails futiles et dérisoires. Rappelons-nous l'élection présidentielle américaine de novembre 2000. Il a fallu de très longues semaines pour départager les deux candidats d'alors, George Bush fils et Al Gore. Il a fallu compter et recompter les quelques milliers de voix objet de contestation pour que le premier l'emporte finalement sur le second. Personne alors ne soupçonnait le prix que l'Amérique et surtout l'Irak allaient payer. Inutile de se perdre en conjectures en se demandant à quoi ressemblerait le Moyen-Orient, si le recomptage de ces quelques milliers de voix en cet hiver de l'année 2000 avait donné Al Gore gagnant ? Combien de vies irakiennes et américaines auraient été épargnées ? Combien de trillions de dollars l'Amérique aurait économisés ? Des questions, il est vrai, qui n'ont pas beaucoup de sens et qui ne changent rien au caractère incroyablement dramatique de l'Irak d'aujourd'hui. Cependant, il y a une question qui a énormément de sens, mais qu'on n'ose pas poser : comment qualifie-t-on un homme responsable de millions de victimes irakiennes entre morts, blessés et déplacés, sans parler du financement à coups de centaines de milliards de dollars d'une guerre déclenchée sur la base d'un mensonge ? Il y en a qui ont fait beaucoup moins de mal que George Bush et qui se sont trouvés honnis par la communauté internationale, traqués et trainés devant les tribunaux internationaux pour crimes de guerre ! Alors que depuis près de onze ans, l'Irak n'arrête pas de saigner et les Irakiens n'arrêtent pas de tomber, victimes du terrorisme implanté chez eux par la guerre de Bush, le responsable de ce malheur de proportions bibliques coule une retraite paisible au Texas où il a inauguré en avril dernier à Dallas la bibliothèque qui porte son nom... Alors que depuis près de onze ans, l'Irak est à feu et à sang, le premier responsable de son malheur se délecte de sa nouvelle passion : la peinture. Il a, paraît-il, une obsession pour les chiens. Il a fait le portrait de son chien Barney, le scottish terrier noir qui l'accompagnait partout, et, de son propre aveu, les portraits de 50 autres chiens. A côté de tous ces portraits canins, il n'a pas oublié d'aligner le sien. Son propre autoportrait. L'autoportrait que Bush a choisi de faire est très original et ne peut s'expliquer que par le recours à la psychanalyse freudienne. Il a choisi de se peindre sous la douche en train de se laver (*). C'est un signe qui ne trompe pas. Bush a la conscience surchargée, perturbée par la lourdeur des crimes commis contre des millions d'Irakiens et des milliers d'Américains victimes de sa guerre mensongère. L'autoportrait de Bush sous la douche ne peut être que le reflet d'un homme trainant depuis des années un complexe de culpabilité dont il veut se débarrasser en se lavant de ses crimes. Aux dernières nouvelles, le mois de janvier 2014 en Irak était particulièrement sanglant : 1.013 morts et 2.024 blessés selon les chiffres fournis par les ministères irakiens de la Santé, de l'Intérieur et de la Défense. Aux dernières nouvelles, et après son autoportrait sous la douche, Bush s'est attaqué aux paysages. Non pas les paysages sanglants du Moyen-Orient, mais les paysages paisibles du Texas. N'ayant pu trouver la paix en se lavant symboliquement à travers cet autoportrait original, il la cherche maintenant dans les paysages d'une beauté saisissante de Texas Hill Country. Si l'on en juge par son autoportrait sous la douche, Bush est un homme perturbé qui cherche à se laver d'un crime commis il y a onze ans et dont les conséquences ne cessent de s'aggraver de jour en jour, débordant les frontières irakiennes. Mais, pour paraphraser Shakespeare dans Macbeth, il y a toujours l'odeur du sang (en Irak). Tous les parfums d'Arabie ne laveront pas ces crimes commis contre des millions d'Irakiens dont la descente aux enfers continue onze ans après la chute du régime de Saddam Hussein. –––––––––––––––––––––––––––––––––––––– (*) Pour admirer cette œuvre du peintre Bush, il suffit d'aller sur google images et de saisir les trois mots clés : Bush autoportrait douche.