Le tourisme tunisien souffre d'une forte dépendance des TO, un budget extrêmement faible, comparé à la concurrence (Turquie 120 millions de dollars) Amel Karboul, première femme dans l'histoire de la Tunisie, à la tête du ministère du Tourisme. Elle a réussi à se voir confier cette valise, dans le 5e gouvernement post-révolution, mené par Mehdi Jomaâ. Elle aura des défis multiples à relever. Aurait-elle le courage de s'attaquer aux grands chantiers du tourisme ? Aurait-elle l'opportunité de trouver les remèdes nécessaires, à un secteur dont les maux persistent depuis plus d'une décennie ? Pour la majorité des observateurs, Amel Karboul, ministre du Tourisme, a hérité d'une situation, pour le moins qu'on puisse dire difficile. Quoique le secteur a réussi à réaliser une croissance par rapport à 2012, (+1,7%, au niveau des recettes, +5,3%, au niveau des entrées), il n'en demeure pas moins que le secteur est loin des scores de l'année de référence, 2010. La barre est toujours, désormais, au rouge, pour l'ensemble des indicateurs (-8,3% pour les recettes, -15,7%, pour les nuitées, et -9,2%, pour les entrées). Il est vrai que pour améliorer les statistiques, il serait judicieux de se concentrer sur les campagnes et actions promotionnelles, sur le marketing direct, et l'amélioration des relations avec les grands TO agissant sur les marchés stratégiques et traditionnels de la Tunisie. Il s'agit là de la promotion&marketing, axe primordial et vital pour le secteur. Et dans ce contexte, le constat établi est flagrant : le tourisme tunisien souffre d'une forte dépendance des TO, un budget extrêmement faible, comparé à la concurrence (Turquie 120 millions de dollars) dont l'impact se fait ressentir sur les produits touristiques, qui ne sont pas mis en valeur. D'un autre côté, les méthodes de marketing et de promotion sont restées les mêmes qu'il y a 20 ans. Dans ce sens, Mme la ministre est appelée à œuvrer, tout d'abord, pour l'augmentation du budget de la promotion, et y consacrer une bonne partie à Internet. Au Maroc, 40% du budget promotionnel est réservé aux sites internet et aux réseaux sociaux. On ne rappellera pas que 8 clients sur 10 choisissent la destination de leurs vacances sur internet. La toile pourrait aussi aider à se libérer de la dépendance des TO et à leur mainmise sur le tourisme tunisien. Aujourd'hui, Facebook est un outil de marketing vital car, il permet de toucher des millions d'utilisateurs. C'est un moyen direct et efficace, contrairement aux salons, dont le coût est plus élevé. Dans notre marketing, on fait très peu de ciblage. L'Ontt assure une promotion globale de la destination et pas spécifiquement des niches. Or, le ciblage est important. Il est aussi important d'adopter des études de marché pour comprendre la clientèle, il faudrait petit à petit réussir à instaurer une veille clientèle pour mieux comprendre le client et décliner les stratégies marketing. Des actions qui exigent, sans aucun doute, l'implication et l'engagement de tous, en première ligne, les professionnels du tourisme tunisien. Une exigence que Mme la ministre a bien comprise. D'ailleurs, sa première rencontre, en tant que ministre a été, à juste titre, avec les professionnels du tourisme, en l'occurrence la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), pour parler des solutions et non pas des problèmes qui sont déjà connus. 3 ans après la révolution, que de temps perdu Depuis la révolution, que de temps perdu. On aurait pu, au moins, entamer des réformes structurelles, et tenter de préserver le tourisme. Une opportunité très plausible d'autant plus que les études dressant le diagnostic du tourisme tunisien étaient bien là. Et, la dernière en date, celle du bureau d'études Roland Berger, avait le mérite de proposer un plan d'action suite à un diagnostic profond qui a mis à nu le problème de l'endettement du secteur. Aussi Mme la ministre aura un double défi. D'abord, avoir le courage de mener à bon port le plan d'action, issu de l'étude réalisée par le Bureau de consulting «Roland Berger» dont l'ossature de la vision 2016 pour le tourisme en Tunisie est compromise, vu le temps perdu pour le mettre en place. Ensuite, s'attaquer à un problème crucial, celui de l'endettement du secteur. Un problème aujourd'hui encore à la traîne, alors qu'il faut impérativement assainir la situation. Une formation bien orientée Autre grand chantier d'Amel Karboul, le cadre institutionnel. Un cadre aussi important dans les enjeux et pour les perspectives du tourisme tunisien et qui constitue le dernier axe de la stratégie du tourisme proposée par le Bureau Roland Berger. Elle concerne la réforme du cadre institutionnel et de la gouvernance, et essentiellement l'Office national du tourisme tunisien (Ontt) et le ministère du Tourisme. Il est question de redéfinir les rôles. En d'autres termes, l'Ontt — qui emploie environ 1.200 personnes dont 600 relevant de la formation professionnelle — éclaterait en trois morceaux. D'abord, une agence de formation professionnelle, avec une réelle implication des professionnels du secteur touristique privé, aux fins de répondre aux besoins du marché. Il s'agirait d'une cogestion entre le public et le privé, au niveau des programmes de la formation, de la formation par alternance et de la formation continue dans tous les métiers du tourisme. L'Etat apporterait le soutien logistique, à travers notamment les programmes de coopération internationale. D'un autre côté, il s'agirait d'alléger l'Ontt du rôle de contrôle et de régulation. Aujourd'hui, ce n'est plus le rôle de cette institution de s'en occuper. Sauf que pour l'instant, les inspecteurs du tourisme relèvent directement des services de l'Ontt. L'idée est de les affecter plutôt au ministère du Tourisme, avec une nouvelle tendance, celle de sous-traiter le contrôle et la régulation, avec le chapeau général du ministère. Enfin, l'idée est de créer une agence de promotion, afin que l'Ontt se concentre sur son cœur de métier, à savoir la promotion&marketing. Une agence de promotion qui ne travaille que sur la promotion et la publicité, avec une orientation importante : une cogestion entre le public et le privé. Autre axe, la restructuration de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) et la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav). Il s'agirait de les unir sous le même drapeau, dans une confédération du tourisme, afin que le secteur privé joue un rôle indispensable dans le développement du tourisme, et s'érige en une institution intelligente, avec une forte représentativité, une force de proposition. L'Etat ne doit pas faire l'agent de police. Les professionnels sont appelés à régler leurs problèmes entre eux. Sans compter que la confédération du tourisme ne se contenterait pas d'avoir comme membres, les hôteliers et les agents de voyage. Le tourisme est plus que ca, la confédération devrait réunir l'ensemble des intervenants et des métiers du tourisme.