De notre envoyée spéciale Samira DAMI Mommy de Xavier Dolan et Adieu au langage de Jean-Luc Godard remportent le prix du Jury en ex aequo Le jury de la 67e édition du Festival de Cannes, présidé par Jane Campion, a dévoilé le palmarès tant attendu, et c'est finalement «Winter Sleep» du Turc Nuri Bilge Ceylan qui a remporté la Palme d'or alors qu'une bonne partie de la critique internationale et du public cannois s'attendait à voir le plus jeune réalisateur de la compétition, le Québécois Xavier Dolan, rafler la récompense suprême pour son film «Mommy» qui a ému et bouleversé la Croisette. Mais ce dernier s'est finalement contenté du Prix du jury ex aequo avec Jean-Luc Godard pour son magnifique Adieu au langage. En tout cas, le cinéaste turc n'a pas volé sa récompense tant son film, une réflexion philosophique de 3h14mn sur les rapports et les sentiments humains, est magnifiquement abouti et d'une grande profondeur et intensité. Un cinéma d'auteur nourri par le théâtre qui nous renvoie à Bergman et Tarkovsky. Cette Palme d'or est la 2e remportée par le cinéma turc après celle raflée en 1983 par Le Mur d'Ylmaz Guney, aujourd'hui disparu. Nuri Bilge Ceylan qui a reçu son prix des mains de Quentin Tarentino et de l'actrice Uma Thurman, immortalisée grâce à son rôle dans Pulp Fiction, l'a dédié « à la jeunesse turque et aux jeunes qui ont perdu la vie, lors des événements de l'année écoulée en Turquie ». Le réalisateur, satisfait, a également souligné : «Ce prix correspond avec la 100e année du cinéma turc, c'est une grande et heureuse coïncidence» Dolan et Godard, qui aurait même mérité la Palme d'or, n'ont pas non plus volé leur prix. Le premier évoque avec inventivité et sincérité la crise existentielle d'un adolescent psychologiquement troublé et sa relation avec une mère excentrique. Alors que le deuxième, tel Claude Monet, peint avec sa caméra ce que nous ne voyons pas en jetant un regard lucide, sceptique et distancié sur l'état du monde, des humains et de l'art. En attribuant son prix à ces deux réalisateurs, le jury a voulu créer un symbole «en récompensant, comme l'a déclaré le producteur de Godard, le plus jeune cinéaste, Dolan âgé de 25 ans, et le doyen de cette sélection, Godard, 83 ans ». S'adressant à Jane Campion, le jeune réalisateur, tout ému, a avoué «l'importance et l'influence du film palmé de la cinéaste ‘La Leçon de Piano'». Cela tout en avouant sa reconnaissance au jury et au public, «vu la quantité d'amour que j'ai reçue au cours de cette semaine» Concluant, en pleurant, que «autant que les politiques, les scientifiques, les artistes peuvent contribuer à changer le monde » Le Meraviglie, Grand prix du jury C'est Sophia Loren, 79 ans, ayant interprété onze films aux côtés de Marcello Mastroianni, auquel le festival rend hommage à travers son affiche, qui a remis, sur fond de standing ovation à son talent, le Grand prix du jury à sa jeune concitoyenne Alice Rohrwacher pour son film Le Meraviglie (Les Merveilles) : une immersion réussie dans un monde rural marginal qui prône le retour à la nature. Le prix de la mise en scène a été décerné à Foxcatcher de l'Américain Bennet Miller. A l'annonce de ce prix, des huées dans la salle de presse se sont fait entendre tant ce long métrage passé inaperçu relève plutôt du genre téléfilm. Le prix du scénario a échu au réalisateur russe Andrey Zvyagintsev et Oleg Negin pour son film Leviathanune, critique sociale sur la corruption et l'injustice des politiques dans le système post-soviétique. Enfin, les Prix d'interprétation, celui féminine a été raflé par Julianne Moore pour son rôle dans Maps to The Star du Canadien David Cronenberg alors que la critique attendait de voir Marion Cotillard récompensée pour son rôle dans le film belge Deux jours, une nuit des Frères Dardenne, également absents du Palmarès. Le Prix d'interprétation masculine remis par l'actrice Monica Belluci, récompense le jeu formidable de Thimoty Spall pour son rôle dans Mr Turner du Britannique Mike Leighmettant qui met en scène les dernières années de l'existence du peintre britannique J.M.Turner (1775-1851). Le cinéma africain, représenté par Timbuktu du Mauritanien Abderrahmane Sissako, est hélas rentré bredouille, puisque une partie de la critique s'attendait à voir ce film qui dénonce l'extrémisme islamiste figurer au palmarès. Mais le jury a sans doute ses raisons et nous pensons notamment au didactisme qui caractérise quelque peu cet opus. La Caméra D'or consacrée au meilleur premier film du festival a été attribuée à Party Girl,« un film sauvage et mal élevé » selon les propres termes de l'actrice française Nicole Garcia, qui préside, cette année, le jury de ce concours. Le palmarès - Palme d'or : Winter Sleep, du Turc Nuri Bilge Ceylan - Grand Prix : Le Meraviglie, de l'Italienne Alice Rohrwacher - Prix d'interprétation féminine : l'Américaine Julianne Moore, pour son rôle dans Maps to the Stars, du Canadien David Cronenberg - Prix d'interprétation masculine : le Britannique Timothy Spall, pour son rôle dans Mr. Turner, du Britannique Mike Leigh - Prix de la mise de scène : l'Américain Bennett Miller pour Foxcatcher - Prix du scénario : les Russes Andreï Zviaguintsev et Oleg Negin pour Leviathan - Prix du jury ex æquo : Mommy, du Québécois Xavier Dolan et Adieu au langage, du Suisse Jean-Luc Godard - Caméra d'or : Party Girl, des Français Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis - Palme d'or du court-métrage : Leidi, du Colombien Simon Mesa Soto