Par Taoufik CHARRADI* L'information foncière résulte de procédures très diverses en termes de complexité, d'acteurs impliqués et de finalités. En outre, sa production et sa distribution ne sont pas indépendantes des institutions qui l'abritent et des enjeux et objectifs auxquels elle est supposée répondre. En fait, nul gouvernement ne peut prétendre connaître son territoire s'il ne connaît pas parfaitement les droits fonciers qui s'y exercent, aucun régime foncier n'est efficace s'il manque de coordination, aucun système d'information foncier n'est complet et fiable s'il ne repose pas sur des données foncières harmonisées et à jour. Disparité des données On distingue différents types de données foncières en fonction de leur mode de production (texte, carte, plan). Les finalités sont multiples (sécurisation foncière, aménagement du territoire, développement économique). Les acteurs impliqués dans le jeu foncier ont développé un savoir explicité et orienté vers des fins pratiques. La variété que l'on rencontre dans le développement des systèmes d'information est présentée comme conséquente de la diversité du traitement et des milieux qui les supportent. L'absence d'un langage commun pour tous les intervenants du domaine foncier pourrait entraver la procédure de recherche d'un propriétaire présumé ou d'une propriété inscrite sur le registre foncier. S'agissant des renseignements sur les personnes physiques, la recherche se fait par nom du titulaire des droits réels. Pour obtenir des renseignements sur une propriété, la recherche se fait par numéro de titre. Sans quoi, on peut obtenir ces renseignements à l'aide du plan topographique comportant l'adresse exacte. Cependant, dans la pratique, on constate que l'information foncière est peu harmonisée, disparate et parfois lacunaire (état civil incomplet, parts indivises indéterminées). Cette situation offre des conditions propices à une mauvaise gouvernance en la matière, engendrant une perte de confiance de la part des consultants du domaine. Il est dommage qu'après une recherche sur un propriétaire pour trouver les biens lui appartenant, il s'avère que le bien objet de la recherche est non encore enregistré sur le registre foncier ou que le numéro du titre foncier n'a pas été actualisé ou que le lotissement n'est pas encore déposé. Complexité des échanges Les données foncières diverses sont produites, stockées et distribuées par des institutions elles-mêmes diversifiées. Il manque une mise en cohérence des données foncières entre ces institutions. La coordination entre les intervenants du domaine foncier est étroite. Le lien entre l'information foncière légale et l'information foncière géographique est quelquefois variable. L'identifiant du titre foncier a changé plusieurs fois sans que les autres intervenants actualisent leurs bases. Le sanctuaire de la propriété foncière que le registre foncier est supposé incarner présente donc des brèches en termes de collaboration et de circulation de l'information entre les administrations concernées malgré l'introduction des nouvelles technologies de l'information. Le système d'échange est plus complexe en zone urbaine où les utilisateurs sont plus nombreux. On constate qu'il y a des relations mal établies entre les organismes qui s'occupent de la propriété foncière. Ces problèmes sont aggravés lorsque les unités décentralisées ne le sont pas en même temps, ce qui nécessite la circulation de l'information entre plusieurs unités administratives, engendrant un retard dans le traitement les procédures de recherche et oblige les consultants à se déplacer, parfois sur de longues distances, entre plusieurs organismes, pour obtenir une information foncière. Quant au développement des systèmes informatiques, les organismes intéressés par le registre foncier ne se sont consultés à aucun moment de la réalisation de leur système pour savoir ce qui avait été fait par l'un et l'autre; aucun développement informatique n'a influencé l'autre. Les techniciens sont donc obligés d'adhérer indépendamment aux différents systèmes pour pouvoir traiter des informations foncières qui peuvent intéresser plusieurs organismes. Tout cela nous conduit à nous demander si un projet commun serait possible. Banque de données foncières Sans prendre en compte ces utopies, une interopérabilité des différentes bases de données foncières est indispensable pour l'alimentation d'une banque nationale de données foncières permettant de relier différentes données (sur les parcelles, les propriétaires...) et capable de gérer des couches d'information concernant un ensemble de thèmes (le foncier, l'aménagement urbain, les services publics et les réseaux divers) et permettant d'améliorer la qualité des services offerts au citoyen. Par ailleurs, la réussite d'un tel projet nécessite la mise en commun de toute l'expertise du domaine et reste tributaire, même en cas de volonté politique marquée, de l'inertie du système et des oppositions aux changements. *Cadre à la Conservation de la propriété foncière