Pour la création de prestations sanitaires de lutte contre la douleur et pour la mise en place de centres antidouleur. Reconnaître la douleur en tant qu'«expérience sensorielle et émotionnelle désagréable», qui accable davantage le patient et influe négativement sur son état physique et psychologique, constituerait, pour le cadre médical et paramédical tunisien, un pas notable vers la concrétisation des objectifs fixés dans le Programme national de prise en charge de la douleur. Une telle prise de conscience de la souffrance des patients serait un réel revirement pour des scientifiques qui continuent, jusqu'à nos jours, de considérer la douleur comme un «symptôme précieux», les orientant vers un diagnostic pertinent, pour changer leur position et traiter la douleur comme une source de souffrance à combattre absolument. Le Dr Mehdi Trifa, coordinateur général du programme et maître conférencier agrégé en anesthésie et en réanimation, résume, lors d'un point de presse tenu récemment au sein du ministère de la Santé, la typologie de la douleur en deux catégories : des douleurs aiguës, spontanées soient-elles ou provoquées par des soins ou par des interventions chirurgicales, et des douleurs chroniques, qui persistent au –delà de trois mois. Dans le premier cas, et plus particulièrement dans le cas des douleurs provoquées, le médecin insiste sur la nécessité de prévenir la douleur grâce aux traitements antalgiques. Cependant, reconnaître la douleur, la diagnostiquer, évaluer son intensité ou encore la localiser n'est pas toujours évident, surtout si le patient en détresse est un enfant, un sénior dont les facultés sont amoindries ou encore une personne en situation de handicap mental. Aussi, développer les capacités médicales et paramédicales des professionnels de la santé en matière de lutte contre la douleur acquiert-il une dimension à la fois scientifique et humaine. Le programme national de prise en charge de la douleur vise à lutter contre la douleur, notamment dans les établissements de la santé. Un objectif qui pourrait être concrétisé à travers tout un travail d'information et de formation, à travers des protocoles réformateurs et applicables, ainsi que l'instauration d'une plateforme structurelle spécialisée à cet effet. Formation de futurs «référents douleur» Pour ce qui est de la formation, le Dr Trifa appelle les décideurs à introduire la prise en charge de la douleur dans le cursus de l'enseignement supérieur tant en médecine que dans les domaines paramédicaux et d'enrichir les connaissances des professionnels de santé via des sessions de formation continue sur la maîtrise de la douleur. L'orateur insiste, d'ailleurs, sur l'importance de généraliser la formation continue pour toucher à toutes les spécialités, notamment la médecine, la médecine dentaire, la pharmacie, l'infirmerie, etc. De leur côté, les responsables des établissements sanitaires sont vivement appelés à contribuer, à leur tour, à l'amélioration de la prise en charge de la douleur dans leurs établissements respectifs. Leur rôle peut être déterminant dans le renforcement de l'apport des paramédicaux dans l'évaluation de la douleur provoquée par certains types de soins. Le Dr Trifa ne manque pas, dans son intervention, d'attirer l'attention sur l'accès aux antalgiques, dont les antalgiques majeurs comme la morphine. Selon son avis, établir des protocoles favorables à la simplification des procédures relatives à l'accès aux antalgiques relève d'un souci à la fois médical et humain. En Occident, le recours aux pompes d'administration autocontrôlée de la morphine est d'usage. Il serait une solution salvatrice surtout pour les patients en proie à des douleurs intenses, comme les patients en métastase. Il est intéressant de rappeler qu'outre les traitements antalgiques, d'autres thérapies tout aussi efficaces permettent d'atténuer sinon de stopper la douleur, comme la kinésithérapie, la balnéothérapie, la physiothérapie, l'éducation posturale ou encore la thérapie psychosomatique. L'orateur ambitionne de voir se développer des prestations antidouleur dans les structures sanitaires, telles que des consultations sur la douleur, assurées par des référents-douleur, à savoir des médecins et des infirmiers formés et qualifiés à cet effet. A travers les objectifs du programme national de lutte contre la douleur, les professionnels de la santé aspirent également à la création de programmes annexes, spécifiques à chaque établissement de santé ainsi qu'à la mise en place de centres spécialisés dans la prise en charge de la douleur.