Sur le thème «Religion et culture», des philosophes d'ici et d'ailleurs se retrouvent, du 19 au 21 juin, afin de redonner à la pensée philosophique la part qui lui revient en cette phase particulière de l'histoire... A l'initiative du Laboratoire Philab des cultures, des technologies et des approches philosophiques, un colloque international aura lieu à la Bibliothèque nationale du 19 au 21 juin 2014. Son intitulé : Religion et culture. Dans un texte de présentation, le comité d'organisation revient sur les circonstances qui ont présidé à la révolution et sur la tournure qu'elle a prise par la suite : «Depuis la Révolution du 17 décembre-14 janvier 2011, des pressions et revendications d'ordre religieux se font sentir accordant de la sorte à «l'islam» une primauté dans les débats politiques et sociaux. Si, au cours de cette Révolution, aucun slogan religieux n'a été brandi, les défenseurs de la charia ont, peu à peu, pris le devant de la scène. Simultanément, les agressions contre les artistes et les journalistes n'ont jamais été aussi virulentes. Souvent, les défenseurs de la sécularisation et de la modernité sont présentés comme des «athées occidentalisés » (et donc dénués de patriotisme), «manquant de morale» et, parfois même, ils sont considérés par les plus radicaux comme des personnes «dangereuses» pouvant nuire à l'harmonie de la société d'essence islamique. Les prêcheurs venus des pays du Golfe attirent les masses en propageant un discours qui fait de l'Occident et de ses valeurs un danger imminent pour l'identité musulmane. L'élite intellectuelle et artistique est prise pour cible par un discours populiste qui renforce l'inculture. La religion musulmane qui, durant des siècles, était en connexion étroite avec la culture, semble aujourd'hui faire de la culture un problème. Tout se passe comme si la culture ne pouvait avoir un sens qu'à la condition d'obéir aux codes religieux, et que la pureté de la foi ne saurait être sauvée que par son opposition à la raison et à ses œuvres «païennes». C'est alors «la sainte ignorance» (Roy, 2008) qui s'établit comme un modèle de vie corroborée par une «ignorance structurelle et institutionnalisée» (Arkoun, La question éthique et juridique dans la pensée islamique, 2010,139) qui fait de l'école un lieu d'inculture et de désaveu des acquis du progrès et de l'esprit critique... » Les organisateurs du colloque en viennent ensuite à une question décisive et qui, à vrai dire, déborde le contexte révolutionnaire dans lequel nous sommes : «Que peut dire la philosophie dans une telle situation ? Son rôle est de mettre en perspective et de dépasser l'opposition simpliste entre savoir et croyance, en s'efforçant de repenser les rapports entre la religion et la religiosité, la religion et la laïcité, la religion et la morale, la foi religieuse et la culture civique. Plusieurs questions se posent alors : croire implique-t-il de renoncer à l'exercice de la raison ? La religion aurait-elle vraiment avantage à museler tout esprit critique? L'autorité des commandements religieux doit-elle primer sur la loi civile ? Une morale sans référence théologique est-elle impossible ? L'enjeu du débat se veut à la fois épistémologique (il concerne le statut des «vérités», qu'elles soient celles de la science ou de la Révélation), politique, moral, et religieux. Il nécessite de s'interroger sur la manière dont ces différentes dimensions sont intriquées.» Le comité d'organisation est constitué des personnes suivantes : Tahar Ben Guiza (Université de Tunis), Amin Ben Khaled (Université de Tunis), Gerhard Weinberger (philosophe, ambassadeur d'Autriche), Omezzine Ben Chikha (Université de Carthage), Paul Rateau (Université Paris I) et Meryem Sellami (Université de Tunis). Le programme Vendredi 20 juin 2014 8h30 Ouverture du colloque «Religion et Culture» Tahar Ben Guiza, Kamaleddine Gaha, Noureddine Kridis, Hmaid Ben Aziza 9h00 - 9h30 Conférence d'ouverture Fathi Meskini : Religion et Reconnaissance (en langue arabe) 9h30 - 10h30 — Paul Clavier : Croyance et rationalité — Meryem Sallami : La fiction de l'identité islamique pure, malaise de la civilisation contemporaine — Hamadi Rdissi : Le sacré et la liberté 11h10 - 12h30 — Adonis El Akra : Le Liban, la société et la constitution : du contrat divin au contrat humain (en langue arabe) — Javier Socias Baeza : Le fait religieux en Amérique latine hier et aujourd'hui — Amin Ben Khaled : Islam païen, culture monothéiste : regards sur la société tunisienne 15h00 - 16h20 — Alexandre Moatti : Alterscience : les mécanismes d'instrumentalisation de la science dans les dogmes ou idéologies — Mounir Tibaoui : Le problème du libre arbitre dans la philosophie de la religion analytique : Frankfurt critique de Van Inwagen — Hamdi Mlika : Pourquoi les logiciens musulmans classiques sont-ils un modèle de pensée pour nous contre l'intégrisme religieux ? — Salsabil Klibi : Liberté de conscience, liberté religieuse et libre exercice du culte, la nouvelle Constitution tunisienne entre gestion du for intérieur et gestion de l'espace public 17h00 - 18h20 — Abdelrazak Bennour : In-cultes — Rajet Latiri : La religion civile chez Rousseau — Salah Mesbah : Religion naturelle et religion civile (en langue arabe) — Yacine Zouari : Islam et laïcité. Pour un enseignement culturel des religions dans les écoles publiques tunisiennes Samedi 21 juin 2014 9h00 - 10h00 — Paul Rateau : Morale et religion chez Leibniz — Gerhard Weinberger : Le Dieu de Levinas dans le contexte de rupture entre religion et culture — Peter Engelmann : La crise des Lumières européennes au XXe siècle et la déconstruction 10h50 - 11h50 — Omezzine Chika : La religion ou l'art ? Que m'est-il permis d'espérer? (en langue arabe) — Salah Mesbah : Religion naturelle et religion civile — Khedija Ksouri : La religion dans les limites de l'Humanité Conférence de clôture 12h10 - 12h40 Mohamed Mahjoub De l'ontologie de l'Etre à l'ontologie du Commandement. Le destin de la philosophie est-il de n'être chez nous qu'une méta-Religion (en langue arabe)