Sponsors et mécènes aux abonnés absents, billetterie au plus bas en raison du huis clos instauré dans les stades, suivi par un «rationnement» des quotas des spectateurs, droits TV quasi symboliques, subventions des autorités sportives et régionales qui se font attendre, puisées souvent dans les quotas de Promosport. Les caisses crient famine, c'est tout simplement l'asphyxie, l'impasse. Dans une large mesure, le mouvement de défiance observé aujourd'hui par les clubs amateurs à l'endroit des autorités fédérales tire son origine de cette situation de banqueroute. Le retrait de confiance pointe du doigt l'impuissance fédérale à apporter des solutions financières. Des journées de championnat en L1 en début de saison, et en L2 sur sa fin ont été reportées parce que les clubs réclament le versement de la manne financière venant du ministère ou de la fédération. Les clubs voient de plus en plus leurs joueurs impayés observer un boycott des entraînements. Les rapports financiers exposés ces jours-ci à l'occasion des assemblées générales tirent un peu partout la sonnette d'alarme. Hormis le Club Africain et l'Espérance de Tunis, dont on connaît l'énorme implication des présidents dans leur financement, les clubs d'élite croulent sous les dettes. Les clubs amateurs, n'en parlons pas. Ils survivent dans un état végétatif. Près de 13 millions de dinars de déficit à l'ESS: l'exemple du prestigieux club sahélien donne froid dans le dos, et offre matière à réfléchir sur le fossé abyssal dans lequel risquent sous peu de se retrouver poussés les clubs pros. Pas de structures de contrôle Comment en est-on arrivé là ? Le foot n'a pas su créer de nouvelles richesses, alors qu'il brasse de plus en plus d'acteurs directs ou indirect et, par conséquent, d'intérêts. Aucune structure n'a été installée pour freiner cette course effrénée à l'endettement. En France, il y a eu création de la Direction nationale de contrôle de la gestion, une commission indépendante hébergée par la Ligue nationale de football professionnel chargée de surveiller les comptes des clubs de football professionnel. Chez nous, rien. On fait comme on veut. On continue à acheter un joueur à un ou deux millions de dinars sans que cela n'émeuve personne. On continue de payer un footballeur 50, 70 ou 100 mille dinars par mois sans que ces montants indécents par ces temps de crise n'invitent à prendre des mesures radicales. Comme l'ont fait les Algériens qui ont établi un plafonnement des salaires. Un remède de cheval s'impose, des décisions draconiennes d'austérité, car le foot a longtemps vécu au-dessus de ses moyens. La gonflette va finir par une inévitable implosion aux conséquences peut-être irréparables. A l'inflation s'ajoutent ainsi une perte des valeurs et un mercantilisme éhonté et encouragé par les dirigeants qui cultivent la surenchère, en rivalisant de générosité et en alimentant les pratiques les plus frauduleuses (dessous de table, extras en tous genres...). Des contrôles plus rigoureux s'imposent. Un système de contrôle de la comptabilité des associations sportives par les ministères des Sports et des Finances: voilà ce à quoi appellent avec insistance les spécialistes. Fair-play sportif Le fair-play sportif est-il viable en Tunisie ? Peut-on sanctionner les clubs lourdement endettés en leur interdisant de recruter, ou en les reléguant en division inférieure comme cela se fait dans les championnats européens ? Le statut des clubs n'étant pas identique, les règles du jeu sont, par conséquent, faussées. Cela fait des décennies que l'on évoque avec insistance cette nécessaire transformation du régime juridique, les associations sportives se transformant en sociétés commerciales classiques, ou ce qui y ressemble. La notion de professionnalisme n'est pas totalement reconnue chez nous. Il y a une grande évolution qu'attend le sport. Aux sources de la formation Pour lutter contre le surendettement, pour assainir une situation catastrophique, on remet ces réformes aux calendes grecques. La Tunisie a fait sa révolution. Son sport attend à son tour sa propre révolution qui passe par une autre salutaire de la législation sportive, une augmentation des droits TV, un produit qui paraît bradé (moins de 5 millions de dinars, une misère !), une relance de Promosport qui donne à ce stade tous les symptômes d'un créneau essoufflé. Et, ne l'oublions pas, une formation de qualité des talents qui peuvent être exportés à l'étranger. Un club comme l'ESS, pour revenir à cet exemple, a longtemps tiré le plus gros de ses recettes de la vente des Chikhaoui, Haggui, Chermiti, Ghezal, Ben Frej, Nafkha, Abdennour...à l'étranger. Revenir aux vertus de la saine formation et de l'encouragement du mouvement migratoire vers l'Europe représente un moyen sûr d'éradiquer cette pénurie asphyxiante des sources de financement.