Les banques publiques connaîtront bientôt une grande restructuration. Une restructuration élaborée suite à un diagnostic approfondi afin de permettre aux banques universelles à participation publique d'assurer pleinement leur rôle dans le financement de l'économie Les modalités actuelles d'intervention de l'Etat dans le financement de l'économie sont principalement bancaires, et présentent des limites. D'où l'engagement de l'Etat dans une profonde réflexion, afin d'identifier de nouvelles orientations stratégiques de l'intervention publique dans le financement de l'économie. Des orientations qui ont pour cible l'entreprise, et pour bras, les institutions financières, notamment les banques publiques. Mais pour ce faire, il a fallu engager tout un programme de restructuration. Les limites de l'intervention de l'Etat dans le financement de l'économie se manifestent à plusieurs niveaux. D'abord, au niveau du budget de l'Etat, les dépenses importantes de gestion plafonnent l'investissement avec en plus un recours croissant à l'endettement extérieur. Ensuite, au niveau des Banques publiques universelles, les limites se manifestent par un portefeuille important de créances non performantes ; des faiblesses sociales, institutionnelles et commerciales ainsi que des besoins importants de refinancement et de recapitalisation. Quant aux banques mixtes, elles souffrent d'une taille limitée et d'une sous-performance par rapport au marché. De leur côté, les banques et fonds dédiés présentent, eux aussi, des limites. Il s'agit notamment de leurs interventions éclatées et souvent redondantes ainsi que leurs ressources insuffisantes. Par contre, les caisses de dépôts et de consignation (CDC) souffrent certes de ressources insuffisantes mais aussi d'un champ d'intervention limité. L'ensemble de ces insuffisances ne sont pas sans conséquences sur le financement de l'économie. En effet, des secteurs clés et relais de croissance de l'économie ainsi que des mesures sociales urgentes sont insuffisamment financés. Des mesures sociales urgentes à l'instar du financement des logements sociaux ou de l'impossibilité de satisfaire entièrement la demande de micro-finance. Sans compter que les PME tunisiennes sont sous-financées. D'abord, à cause de facteurs endogènes au système financier, à savoir l'absence de personnel dédié aux PME au sein des banques, des techniques traditionnelles d'analyse et d'octroi des crédits (basés notamment sur la garantie réelle), l'absence d'offre bancaire dédiée aux PME. Mais aussi à cause de facteurs exogènes dont principalement le climat d'instabilité, le manque d'information financière... Banques publiques : bras de l'Etat Dans ses nouvelles orientations en matière d'intervention de l'Etat dans le financement de l'économie, le cadre de gouvernance de la Tunisie serait désormais, entre autres d'ailleurs, les banques universelles à participations publiques. La Tunisie a, effectivement, défini de nouvelles orientations stratégiques pour le financement de l'économie. Un financement dont le cœur n'est autre que l'entreprise et le bras n'est autre que les banques universelles à participation publique. D'où l'engagement par l'Etat d'un audit desdites banques, afin qu'elles soient à même d'assurer le rôle qui lui est dévolu, dans le financement de l'économie. L'opération d'audit des banques publiques, notamment celle de la Société tunisienne de banques (STB) et de la Banque de l'habitat (BH), est achevée. Aujourd'hui, il appartient à l'Etat d'engager les prochaines étapes nécessaires à la restructuration des banques, désormais axe stratégique et indispensable, dans les nouvelles orientations stratégiques de l'intervention publique dans le financement de l'économie. Aussi, l'Etat est-il appelé à décider des modèles économiques cibles pour les deux banques dont l'audit est terminé, pour traduire ses orientations stratégiques arrêtées en matière de financement de l'économie et de renforcement de l'efficacité du système bancaire. L'Etat est également appelé à optimiser l'effort financier requis pour le développement des banques publiques, d'assurer les conditions d'une véritable gouvernance privée et indépendante des banques publiques et d'entamer un processus de restructuration des entreprises publiques en difficulté. Par ailleurs, l'Etat est appelé à s'engager sur la refonte de l'environnement légal régissant l'activité bancaire et le climat des affaires (mise en place d'un régime de résolution de crise, un fonds de garantie de dépôts, ainsi que l'amendement de la loi sur les entreprises en difficultés économiques, création de crédit bureau...). D'un autre côté, l'Etat est appelé à piloter le projet d'une manière efficace à travers la création d'un comité de pilotage présidé par le ministère de l'Economie et des Finances qui aura la charge de conduire le projet et d'assurer le vis-à-vis direct de toutes les parties prenantes (BCT, banques, bailleurs...) afin de coordonner toutes les actions et aplanir toutes formes de blocage et tensions. Contraintes de redressement Cependant, force est de reconnaître que des contraintes sont à gérer dans le processus de redressement des banques publiques. Il s'agit d'abord de contraintes sociales où il serait judicieux d'assurer l'adhésion de toutes les parties, d'éviter toute mesure ayant un coût social élevé durant la première phase du processus de redressement. Ensuite, des contraintes liées aux entreprises publiques. Des entreprises qu'il faudrait impérativement restructurer et assainir, sachant qu'elles sont les principaux clients des banques publiques. Partant, il est inadmissible d'engager une restructuration des banques publiques, sans assainissement des entreprises publiques. En tout état de cause, l'Etat s'active. En effet, le CIM du 3 avril 2014 a décidé des mesures d'appui et de restructuration financière et sociale, au profit de Tunisiair, alors que celui du 24 septembre 2013 a choisi un bureau d'affaires et a adopté un schéma d'assainissement pour la société El Fouledh. S'agissant de Somatra-GET, une étude est en cours pour la mise à niveau de la société, alors que la Steg, la Stir et l'Etap font l'objet d'audit. Enfin, des contraintes budgétaires. Il est temps de synchroniser les opérations d'augmentation de capital et le désengagement de l'Etat des participations non stratégiques (les petites banques), afin de limiter l'impact budgétaire sur chaque exercice. A cela il faudrait ajouter des contraintes liées à la communication, et il est nécessaire de mettre en place une politique de communication pour rassurer les déposants, les correspondants, les bailleurs de fonds, les petits porteurs... Le cadre de la gouvernance des nouvelles orientations de l'Etat dans le financement de l'économie est un pré-requis essentiel et un facteur clé de succès du redressement des banques. Aussi, pour les deux banques dont l'audit complet est prêt, le programme de relance est prêt. Il comprend notamment la réduction de l'intervention de la tutelle au profit du renforcement du rôle des conseils d'administration, et ce, en confiant à ces derniers la procédure d'approbation de leurs actes conformément au code des sociétés. Mais encore l'établissement d'une relation contractuelle à travers un plan stratégique dans lequel s'insère l'action managériale, et qui fera l'objet d'évaluations périodiques. A cela s'ajoute la nécessité d'octroyer aux banques publiques l'aptitude de fixer leurs politiques de recrutement et les modes de gestion des ressources humaines. Le programme comprend également l'exonération des banques publiques de l'application de la réglementation régissant les marchés publics et de transformer la fonction du contrôle a priori, exercée par le contrôleur d'Etat, à une fonction d'assistance. Enfin, il s'agira de veiller à la stabilité de la direction générale pendant la période de transformation et au recours à des compétences de haut niveau pour rendre le conseil d'administration plus fort et plus autonome.