Il y a soixante ans , le docteur Abderrahmen Mami, patriote et premier médecin du Bey de Tunis, tombait au champ d'honneur. Depuis soixante ans, les recherches de la vérité sur cet assassinat, ainsi que sur ceux de Hached, Chaker et des frères Haffouz, sont demeurées vaines. Cette vérité nous la devons à tous ceux qui par leur histoire douloureuse ont contribué largement à l'avènement de l'indépendance de la Tunisie. Nous la devons également à tout le peuple tunisien et à tous les Français qui refusaient que la grandeur de leur peuple ne repose que sur la force brutale érigée en système auquel la Tunisie a été soumise. En effet, « la Main rouge », reconnue comme étant l'auteur desdits crimes, nous apparaît, jusque-là, non pas seulement comme une organisation terroriste, dont l'existence reste obscure, mais plutôt comme une organisation fictive créée par les services secrets français et servant de bras armé à ces services pour mener des activités à caractère terroriste. Le président François Hollande, tout en reconnaissant les souffrances que la colonisation a infligées au peuple tunisien, disait, récemment, qu'il faut avoir le respect de la mémoire et le devoir de vérité sur les assassinats commis pendant cette période. Depuis, nous attendons que les historiens aient accès aux archives liées à l'ensemble de ces événements. L'assassinat du docteur Abderrahmen Mami, à qui nous rendons hommage aujourd'hui en raison de la date anniversaire de sa mort, avait déclenché le 13 juillet 1954 un enchaînement de violence (au vu de la multiplication des attentats commis à la suite de cet événement ) qui a conduit le gouvernement français a réexaminer la question de son autorité en Tunisie. En effet, le président du Conseil, Pierre-Mendès France, recevait au lendemain de cet assassinat, le 15 juillet 1954, son ministre des Affaires tunisiennes et marocaines pour examiner avec lui la situation en Tunisie et les défis auxquels la France était confrontée, à savoir celui du fonctionnement normal des institutions et celui de l'action du mouvement nationaliste. Aux termes de cet entretien, le président du Conseil français décida de mettre en place une nouvelle politique coloniale qu'il exposa devant le Parlement le 21 juillet avant de se rendre en Tunisie, le 31 juillet de la même année, pour proclamer l'autonomie interne de ce pays dans le cadre d'une politique de décolonisation raisonnée. S'agissant de l'assassinat du docteur Mami, il convient de rappeler que l'exhumation,le 20 mai 1956, de l'un de ses assassins ouvrit la voie à l'arrestation de plusieurs complices français dont le docteur Puigalli, maire-adjoint de La Marsa. L'enquête révéla que ce dernier avait constitué dans cette ville une cellule de l'organisation terroriste « la Main rouge » et qu'il avait hébergé les commissaires Pierangeli et Gillet alors qu'ils étaient recherchés par la police tunisienne pour appartenance à une organisation criminelle, avant de quitter clandestinement la Tunisie. A ce jour, nous n'avons obtenu aucune information concernant la fuite ou le départ de ces criminels ; ni pourquoi, ni comment ils ont été autorisés à quitter la Tunisie sans être jugés, bien qu'ils soient impliqués dans des actes terroristes. Il en va de même pour les martyrs de la révolution ; aucune enquête n'a abouti et les criminels sont toujours en liberté. Devons-nous nous résigner à accepter ces réalités ou devons- nous poursuivre notre lutte pour la recherche de la vérité ? La vérité est un devoir, la connaître est une obligation.