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Le repos du guerrier
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 07 - 2010


Par Aymen HACEN
Il n'est pas de repos pour le guerrier qui n'a pour arme que sa plume. Non, nul repos pour l'enseignant, qu'il soit instituteur, professeur du secondaire ou du supérieur, car les vacances sont l'occasion de respirer en déposant le stylo rouge pour reprendre le crayon et les livres que nous désirons lire ou ceux que nous souhaitons relire. Pour la plupart des enseignants, les vacances sont studieuses. Le farniente, l'oisiveté et surtout la paresse sont des mots inconnus des guerriers du savoir. Les enseignants lisent certes pour eux-mêmes et pour leur propre plaisir, mais ils lisent aussi pour les autres, leurs élèves ou étudiants auxquels ils pensent incessamment, pendant l'année scolaire et les vacances. Celles-ci ne sont somme toute que l'occasion renouvelée de se poser des questions, de se remettre en question et de tâcher de répondre à tant d'interrogations soulevées par la pratique de l'enseignement.
Nul ne doute qu'il existe entre la théorie et la pratique une différence de taille. Et ce en tout, et dans tous les domaines. Mais, dans le métier d'enseignant, la théorie et la pratique doivent aller de pair, tout déséquilibre risquant de transformer les heures de cours en calvaire autant pour les apprenants que pour les enseignants. À ce titre, la lecture, précisément ce que nous appelons le métier de lire pour donner à lire, s'avère salutaire. La lecture est en effet le seul garant de l'excellence et de la maîtrise, non seulement parce que les livres contiennent le savoir que nous devons posséder pour le transmettre, mais encore parce que les livres écrits par les autres nous apprennent la modestie et le courage, voire l'audace dont chaque enseignant doit s'armer afin de faire face à son public. Notons que celui-ci est très différent du public de football ou de théâtre. Encore faut-il préciser que le public de football et de théâtre varie en fonction des matches et des pièces. Le contexte détermine et conditionne toute chose. Certes, nous le savons tous, mais nous devons pour ainsi dire le savoir davantage et en être nous-mêmes convaincus afin de le communiquer à notre tour. Si évident cela soit-il, la lecture et les livres nous le montrent : il ne s'agit pas de savoir et d'étaler son savoir, il s'agit plutôt d'être sûr de son savoir et surtout être sûr du moyen de justifier, de définir et d'intérioriser son savoir pour mieux le partager, l'inculquer et in fine le faire aimer.
Le public, disions-nous, oui car comment expliquer à des écoliers que «Le corbeau et le renard» est une œuvre poétique supérieure à «Alouette, gentille alouette»‑? Comment leur expliquer la différence notoire entre un poème de La Fontaine et une agréable comptine ? N'est-ce pas le rôle de l'enseignant d'apprendre à ses élèves l'art difficile de poser et de se poser des questions afin de séparer le bon grain de l'ivraie ? Un grand poète de notre temps, Jacques Roubaud, né en 1932, nous donne quelques éléments de réponse en nous disant que «la chose la plus importante à dire d'un poème, c'est : “apprenez-le”» . Qu'est-ce à dire ? Cela veut dire que le fait d'apprendre des ballades de Villon, des sonnets de Joachim du Bellay, des fables de La Fontaine, etc., permet de s'imprégner d'une culture «classique» en fonction de laquelle chacun peut, à sa manière, juger de la qualité des autres œuvres. Certes. Mais pas seulement, parce que, à ceux qui s'imaginent capables et surtout en mesure de remettre en cause la culture dite classique, donc celle qui est véhiculée dans les salles de classe, nous disons que nous pouvons plus avancer et innover en partant de ces œuvres immortelles semblables à des étoiles qui ont éclairé la nuit noire de l'homme et de la langue.
L'injonction «apprenez-le» est une invitation à respecter ce qui fut, est et sera toujours un patrimoine pérenne inestimable, et aussi une invitation à aller de l'avant dans le travail de création. «Apprenez-le» est une manière de faire corps avec l'œuvre apprise afin de s'en imprégner pour mieux s'en émanciper ou s'émanciper tout court. — Ex nihilo nihil, in nihilum posse reverti : «Rien ne vient de rien, ni retourne à rien», dixit Lucrèce. Or, nous osons penser que les enseignants que nous avons apparentés à des guerriers, ne sont pas venus de rien et qu'ils ne retourneront pas à rien. Ces guerriers, qui ont été initiés à l'art de la guerre par d'autres guerriers, n'en resteront pas là et qu'ils affineront ce savoir qui, s'il est transmis dans la nonchalance, risque de s'appauvrir et de disparaître à tout jamais. Rappelons-nous ces petites leçons de sagesse apprises en classe, chez les scouts ou en colonies de vacances : en chuchotant rapidement un mot dans l'oreille du voisin et en voyant celui-ci faire de même avec le suivant jusqu'à ce que tout le monde ait droit au mot magique, nous constatons que la difformation est inélucatable et que le mot «amour» peut se transformer en «guerre»…
Pour éviter ce type de malentendus qui peuvent être fâcheux à l'âge adulte, il nous faut, passez-nous l'expression, nous forcer à blanchir sous le harnais en lisant et relisant, encore et toujours, infiniment. Ainsi, lisant et relisant, encore et toujours, infiniment, nous nous alimentons, nous nous revigorons, si bien que notre corps et notre esprit deviennent à l'image de nos lectures qui, elles, quoique parfois discutables, demeurent intelligentes, réfléchies et mûres. Et à ceux qui se désolent de voir certains vacanciers lire Harry Potter et Le Da Vinci Code plutôt que Le Capitaine Fracasse ou Cent ans de solitude, nous souhaitons offrir ce lumineux extrait du Houai-nan-tse (somme taoïste datant du IIe siècle av. J.-C.), placé par Philippe Sollers en exergue de son Eloge de l'infini : «Tout l'art de la guerre consiste à manifester de la mollesse pour accueillir avec fermeté ; à montrer de la faiblesse pour faire valoir sa force ; à se replier pour mieux se déployer au contact de l'ennemi. Vous vous dirigez vers l'ouest ? Faites semblant d'aller vers l'est ; montrez-vous désunis avant de manifester votre solidarité ; présentez une image brouillée avant de vous produire en pleine lumière. Soyez comme les démons qui ne laissent pas de traces, soyez comme l'eau que rien ne peut blesser. Là où vous vous dirigez n'est jamais là où vous allez ; ce que vous dévoilez n'est pas ce que vous projetez, de sorte que nul ne peut connaître vos faits et gestes. Frappant avec la rapidité de la foudre, vous prenez toujours à l'improviste. En ne rééditant jamais le même plan, vous remportez la victoire à tout coup. Faisant corps avec l'obscurité et la lumière, vous ne décelez à personne l'ouverture. C'est là ce qu'on appelle la divine perfection.»
Osons désormais désirer cette sagesse en faisant concorder la théorie et la pratique, l'utile et l'agréable, et ce, en ne cessant jamais de revêtir le harnais, car Boileau n'a sûrement pas tort de nous inviter à nous soumettre à ces impératifs :
«Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.» (L'Art poétique, chant I)


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