A mi-chemin de sa mission, Amel Karboul, ministre du Tourisme, semble convaincue que si les réformes nécessaires au secteur touristique ne sont pas effectuées, dans quelques années, même la gratuité des séjours ne ramènerait aucun client. Le verdict est clair, net, précis, voire tranchant pour certains. Et à la ministre de souligner, il faut être ferme et aller jusqu'au bout des réformes. Des réformes dont les résultats ne sont ni immédiats, ni encore moins à court terme», a déclaré Amel Karboul, hier, à l'occasion d'une rencontre de presse. Bien au contraire, le tourisme tunisien pourrait récolter les fruits de la «vision 3+1», nouvelle stratégie de développement du secteur, sur une durée moyenne de sept à dix ans ». Après environ six mois de travail, la ministre du Tourisme a, en étroite collaboration avec l'ensemble des professionnels du tourisme, sorti les trois fameuses études de développement du tourisme des tiroirs. Une fois la poussière enlevée, les trois études ont été mixées, pour en faire ressortir la vision «3+1». En d'autres termes, aujourd'hui, la stratégie de développement du secteur touristique, envisagée par l'étude de la Banque mondiale, corrélée par celle de l'Agence japonaise de coopération internationale (Jica) et dont le diagnostic a été, encore une fois confirmé par l'étude Roldnad Beguer, est entrée en vigueur. Mieux, certains pas sur le chemin de la concrétisation ont été réalisés. La vision 3+1 est composée, comme son nom l'indique d'ailleurs, de trois axes stratégiques : la qualité de l'environnement et des services l'image de marque de la Tunisie dans le monde et la diversification des produits touristiques. Force est de reconnaître qu'il était temps de s'engager sur la voie de la réforme, d'autant plus que le diagnostic du secteur a été établi depuis au moins 10 ans. Dix ans au cours desquels le secteur a fait du surplace, sans se prononcer concrètement sur la mise en œuvre de la stratégie. Que de temps perdu depuis. Dans le même ordre d'idées, la ministre a fait savoir que le «+1», dans la vision de développement du tourisme, représente la gouvernance du secteur. Il fallait tout d'abord, a-t-elle précisé, « révolutionner les méthodes de travail non seulement au niveau des institutions et structures du secteur (Ontt, AFT....) mais aussi au niveau du personnel. A ce titre, elle a expliqué que les nominations aux postes de responsabilité au sein du département du tourisme obéissent désormais à de nouvelles règles. Il s'agissait de valoriser les compétences en interne et de leur offrir un plan de carrière adéquat à leur compétence. Les nouvelles règles ont été appliquées pour les représentants de l'Ontt à l'étranger, les commissaires régionaux du tourisme et elles seront élargies à d'autres postes de responsabilités. Révolutionner les méthodes de travail «Nous avons lancé un appel à candidatures avec un jury composé de professionnels du secteur, du syndicat et des représentants de l'administration. Et celui qui a réussi à convaincre le jury a remporté le poste», a expliqué la ministre. Ensuite, autre élément important de la gouvernance, l'endettement du secteur. Une problématique épineuse certes mais qu'il faudrait résoudre impérativement car son impact sur la qualité des services n'est plus à démontrer. Or, la qualité constitue un fer de lance du tourisme d'autant plus que les statistiques estiment qu'un client content, ramène 2,6 clients et qu'un client mécontent fait fuir 13 clients. «La problématique de l'endettement n'est pas uniquement la responsabilité des hôteliers. C'est aussi la faute des banques, qui n'ont pas assumé leur responsabilité au sein des conseils d'administration des unités concernées. Sans oublier que l'Etat assume, également, une part de responsabilité », a indiqué la ministre. Et d'ajouter : «Aujourd'hui, on constate qu'il y a un lobbying contre la société de gestion d'actif, censée apporter une solution à l'endettement. Néanmoins, il faudrait être ferme pour réussir à régler définitivement le problème ». Enfin, dernier élément, dans la gouvernance, la mise en place d'un observatoire de tourisme. Désormais, la Tunisie ne dispose d'aucune information relative à ses clients, ni leur âge, ni leur provenance, ni leurs dépenses moyennes pendant leur séjour, ni leur catégorie socioprofessionnelle. Or, ces données sont primordiales pour élaborer et mettre en place une stratégie. Aussi, le compte satellite a-t-il été mis en place, cet été, pour recueillir toutes ces données afin que le ministère se focalise sur sa mission essentielle : être un «Policy maker », a déclaré Amel Karboul. Se concentrer sur l'événementiel porteur Au regard de certains, la ministre a été attentive aux remarques des professionnels du secteur, relatives notamment à la promotion et au marketing. Aussi, le ministère a-t-il lancé l'étude d'impact des campagnes promotionnelles sur les principaux marchés de la destination. Une étude dont les résultats ont été surprenants : les campagnes promotionnelles de la destination Tunisie sont insuffisantes et peu attractives. L'idée est d'analyser le retour sur les investissements des campagnes engagées, et le cas échéant redéployer l'argent sur les marchés les plus porteurs, avec en prime un privilège accordé à la communication événementielle. A ce titre, la ministre a fait savoir que pour l'année prochaine, une task force est en train de réfléchir sur les opérations promotionnelles à entreprendre. Et, dans le même contexte, sept festivals seront sélectionnés pour un soutien financier afin de garantir une bonne communication en interne et à l'international, avec une focalisation sur l'événementiel à même de faire parler de la Tunisie, à l'instar des dunes électroniques ..... L'idée est d'adopter une stratégie de communication intelligente et performante basée sur le lobbying et l'événementiel et non sur de très «coûteuses et stériles campagnes publicitaires institutionnelles classiques». Dans le même ordre d'idées, la ministre a annoncé qu'elle concentrera les efforts, pour le reste de sa mission, sur la conquête de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités, notamment en Afrique, en Asie et aux Etats-Unis. Evoquant la saison touristique 2014, la ministre a fait savoir que la destination achèverait l'année avec environ 6,4 million de touristes. Mais elle a insisté sur le fait que les chiffres ne sont pas autant importants que la qualité des touristes. Le nombre des touristes dans le monde sera multiplié à l'horizon 2020 pour atteindre deux milliards, alors que le nombre des destinations resterait presque le même. Partant, la destination Tunisie a une part à prendre et elle en a les atouts. «Il faudrait regarder la moitié pleine du verre. La Tunisie a 3000 ans d'histoire, une grande expérience dans le tourisme, un peuple accueillant, des monuments et sites archéologiques uniques, une nature riche, des régions qui regorgent d'atouts... autant d'avantages qui ne demandent qu'à être mis en valeur», a conclu Amel Karboul.