Pour la soirée d'ouverture du Fifak, Kélibia a été le théâtre de plein air du festival. Depuis dimanche 17 août, la ville de Kélibia vit au rythme du Festival international du film amateur (Fifak), organisé annuellement par la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca). L'édition 2014 coïncide avec le cinquantenaire du festival, que la Ftca a mis en place avec une équipe jeune, présidée par Mariem Sardi. Le cinquantenaire marque un nouveau tournant pour le Fifak, qui est subventionné par le ministère de la Culture mais qui est désormais organisé indépendamment de celle-ci. Le ministre de la Culture, Mourad Sakli, a assisté à la cérémonie d'ouverture, ainsi que le ministre de l'Economie et des Finances, Hakim Ben Hammouda, ancien de la Ftca. Avant le discours du cinquantenaire, donné par la présidente de la Ftca, un ciné-mix a été proposé au public du théâtre de plein air de la ville, venu en grand nombre comme chaque année. Sur une musique de Oussama Gaidi, des extraits de films réalisés au sein de la Ftca ont défilé sur l'écran. Appartenant à différentes époques des cinquante ans de la fédération, ils témoignent de l'évolution technologique qu'a connue le cinéma et de l'évolution historique qu'a vécue le pays depuis les années soixante et jusqu'à aujourd'hui. Les thématiques des films restent très marquées par le contexte politique et parlent souvent de répression et de chômage. Avant la projection du film d'ouverture, cinquante lanternes volantes ont été lâchées dans le ciel du théâtre. Ce moment magique a été ponctué de quelques soucis quand des lanternes ont échoué sur des arbres entourant le théâtre. Heureusement qu'elles ont été vite éteintes. Les autres lanternes ont continué leur survol du ciel de Kélibia. La ville s'est faite plus festive cette année. La cérémonie d'ouverture a été précédée par un concert sur la plage et un carnaval qui a attiré locaux et visiteurs, nombreux à cette époque de l'année. Ce programme s'inscrit dans un souci d'impliquer davantage les gens de Kélibia dans le festival que leur ville accueille chaque année. En plus des manifestations artistiques de rue, la semaine du 17 au 23 août prévoit des projections en bord de mer et des ateliers de cinéma de quartier, où les habitants filmeront leur cité telle qu'ils la perçoivent. «C'est assez bien d'être fou » Peu après le 14 janvier 2014, des dessins sont apparus sur les murs de la Médina de Tunis, sous forme de portraits des martyrs. Leur auteur, le Franco-Algérien Bilel Berrini, voulait raviver la mémoire de ces derniers. Redonner vie à des choses ou des gens disparus, à travers le dessin, a été le projet artistique de ce jeune parti trop tôt, à l'age de 23 ans, assassiné en juillet 2013 à Detroit aux Etats-Unis. A son tour, sa mémoire revit grâce à son œuvre et aux hommages qui lui sont rendus. Parmi eux, celui du Fifak, dont l'affiche et tous les éléments de communication de cette édition sont inspirés de ses dessins. Le film d'ouverture, C'est assez bien d'être fou, raconte l'un des nombreux périples qu'a effectué Bilel Berrini autour du monde. Avec le réalisateur du documentaire, Antoine Page, ils ont parcouru l'Europe en suivant les traces du communisme jusqu'en Sibérie. A bord d'un camion qui leur en a fait voir de toutes les couleurs, ils sont allés à la rencontre des témoins de cette époque révolue et cherché ce qu'il en reste. Antoine Page met en cadre les paysages et les visages. Quant à Bilel Berrini, il dessine partout où il passe : une vache sur la façade d'une usine désaffectée, un coq sur le mur d'une ferme abandonnée, ou encore les passagers d'un train entre la Russie et le Kazakhstan, défilant en bande dessinée sur l'écran. Divers supports qui disent à quel point ce dessinateur était fou, fou au point de reconstituer sur du tissu des scènes de la mutinerie du cuirassé Potemkine, qu'il a accroché sur les mêmes marches de ce lieu mythique à Odessa, en Ukraine... Ou de dessiner des silhouettes de marins sur l'épave du dernier bateau abandonné dans la mer d'Aral. Le documentaire d'Antoine Page montre à quel point Bilel Berrini se donnait du mal dans ce qu'il faisait. Un rythme lent et 104 minutes l'ont transmis aux spectateurs, qui ont tenu jusqu'à la fin. Ceux-ci ont compris, grâce au magnifique épilogue du film, que le dessinateur était dans une quête incessante en vue de capter l'éphémère pour le rendre le plus éternel possible. Son œuvre est finalement à l'image de sa vie, courte mais dense. La trace qu'il a laissée vivra bien après lui.