Mosquées, souks, administrations, grandes surfaces... le financement de la campagne électorale des partis est trop compliqué pour être contrôlé par une seule association. Les associations de la société civile impliquées dans l'observation du processus électoral intensifient, en cette période, leurs préparatifs en prévision des prochaines élections. Au nombre de 140 associations, ces dernières ont participé récemment à l'observation de la campagne d'inscription des électeurs. Leurs missions d'observation ont déjà commencé depuis l'installation de l'Isie 2, et l'un des volets les plus importants dans ce processus est le financement de la campagne électorale et son contrôle. Alors que le plafond des dépenses — dont les seuils des financements public et privé — fait l'objet d'un projet de décret qui sera publié éminemment, l'une des associations les plus en vue, «I Watch», spécialisée dans la lutte contre la corruption et en faveur de la transparence, a entamé depuis 2012 ses préparatifs en prévision du lancement de son projet de contrôle du financement de la campagne électorale, estimée décisive quant à la transparence des tant attendues élections : celles qui donneront un parlement pour les cinq prochaines années. Moyens limités, actions ciblées Selon le chef de ce projet, Yosra Mkadem, l'association a travaillé en collaboration avec la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (Ifes), afin de former le personnel qui sera affecté à cette mission de contrôle, et ce en matière de financement politique, électoral et en matière de plaidoyer. «Nous avons travaillé avec des experts internationaux spécialistes des questions relatives à l'argent politique et au financement des campagnes électorales, et ce, pour dégager une méthodologie de travail ainsi que les formulaires à remplir par nos contrôleurs lors de leur mission d'observation. On en a cinq formulaires, selon la nature des événements que nos contrôleurs vont suivre de près durant la campagne électorale», précise Yosra Mkadem. Le chef de projet de I Watch affirme que son association a affecté et formé quarante contrôleurs pour cette mission de terrain, qui seront dispatchés sur six circonscriptions comme suit : onze à Tunis 1, onze à Tunis 2, huit à Sousse, onze à Sfax 1, onze à Sfax 2, et dix à Gafsa. Quatre coordinateurs régionaux chapeauteront le travail de cette équipe, avec l'apport de deux analystes : le premier est un doctorant en finances et l'autre est un ingénieur en statistiques, ainsi qu'un coordinateur central qui fera le relais entre les quatre gouvernorats et un analyste juridique. Pour ce qui est de la logistique, le chef de projet affirme ne pas disposer de grands moyens qui permettraient à l'association d'acheter un logiciel d'analyse des données. Ce qui serait très utile pour évaluer les dépenses lors des différentes actions observées. A défaut de moyens et d'effectif formé, cette mission sera axée sur les partis qui pèsent le plus sur la scène politique actuelle, notamment le Mouvement Ennahdha et Nida Tounes. De telles missions s'avèrent difficiles, en attendant l'adoption des mesures dissuasives tant attendues, notamment à l'encontre des dépassements en matière de financement. Des dépassements que l'association I Watch tentera de détecter. Veille Web à l'appui «Dans le cas où nos contrôleurs enregistreraient des dépassements dangereux et flagrants, preuves à l'appui, on informe automatiquement l'Isie. Autrement, notre mission de contrôle aboutira à l'élaboration d'un rapport d'évaluation autour des actions observées avec une estimation des dépenses des partis suivie. En cela nous allons compter sur les compétences de nos analystes en matière de statistiques et finances», explique Yosra Mkadem. Selon le président de l'association, Mouheb Garoui, ce projet de contrôle portera sur trois axes : l'achat de voix et le conditionnement des choix des votants, la compatibilité des dépenses annoncées par les partis lors de leurs campagnes électorales, et le degré de bonne exploitation du financement public. La mission de I Watch portera sur plusieurs lieux ciblés, dont les endroits où ils tiendront leurs meetings, souks et autres espaces où l'on verra organiser des actions de promotion dans le cadre des campagnes électorales des partis. «Nos contrôleurs sont sur le terrain depuis le 11 août et sont en train de repérer les lieux les plus sensibles. Nous allons suivre de près les conférences de presse des partis, leurs événements destinés au grand public. De même, nous allons observer les prières du vendredi pour contrôler les discours des imams, ainsi que les administrations publiques afin de vérifier s'il y a des tentatives d'influencer les citoyens à travers des affiches ou autres moyens de promotion», ajoute Mkadem. Selon cette dernière, toute une autre équipe se chargera de la veille web, notamment des pages Facebook et les sites officiels des partis concernés, afin de repérer les événements que ces partis vont organiser. Les rumeurs qui seront diffusées de bouche à oreille seront aussi un moyen pour détecter d'éventuelles actions non déclarées, là où les partis pourraient offrir des cadeaux en nature ou en services. Mkadem affirme que des campagnes de contact direct dans les cités, genre campagnes de porte à porte, seront aussi surveillées. Concernant le contrôle des entrées d'argent dont bénéficieront les partis, le chef du projet de I Watch estime que l'opération est «trop complexe». Une simple évaluation de ces entrées sera effectuée pour voir si l'on a atteint le plafond du financement ou pas et comparer les résultats avec ceux des dépenses. La mission, en dépit des ambitions de la jeune association, semble difficile, alors que les responsables de I Watch affirment qu'aucune collaboration avec les autres associations actives sur ce terrain du financement des campagnes électorales n'est envisagée...