Le Royaume ermite mérite plus que jamais son nom. Devant la menace Ebola, le régime nord-coréen a pris, fidèle à ses habitudes, des mesures drastiques. Depuis vendredi, toutes les arrivées de touristes ont été brutalement interrompues afin de prévenir une propagation du redoutable virus qui sévit dans la lointaine Afrique. Les agences de voyages, basées pour la plupart en Chine, ont en effet reçu l'ordre lapidaire de suspendre sine die toutes les arrivées touristiques. "Mes homologues viennent de me dire que la Corée du Nord sera fermée à tous les visiteurs étrangers pour une durée indéfinie, à partir du 24 octobre", explique Dieter Schmitt, de l'agence East-West Travel, basée à Pékin. Une mise au ban qui s'applique également aux journalistes puisqu'un cameraman espagnol basé à Pékin a lui aussi été refusé d'entrée, en dépit d'un visa en bonne et due forme. L'homme venait d'un "pays jugé à risque", selon les autorités. Une fois de plus, la "race des purs", selon le titre de l'ouvrage du spécialiste de la propagande Brian Myers, semble se refermer dans sa coquille pour se protéger des miasmes du monde. Cette fermeture drastique, sans équivalente dans le monde pour un pays encore épargné, a surpris, à l'heure où Kim Jong-un a fait du développement touristique une priorité pour accélérer le développement économique. Alors une telle décision a relancé les rumeurs sur une possible instabilité politique à Pyongyang, d'autant que le "dirigeant suprême" traverse des problèmes de santé. Par le passé, le régime a en effet souvent fermé brutalement sa porte aux étrangers lorsqu'il traversait une période de crise interne. Ainsi, après la mort de Kim Jong-il en décembre 2011, la frontière avec la Chine était brusquement scellée. Pendant les funérailles, même les diplomates étrangers étaient tenus à distance. Piètre état du système médical Mais pour l'heure, aucun signe de révolution de Palais, depuis la "réapparition" publique de Kim Jong-un début octobre, une canne à la main, sans doute après une opération de la cheville. La fermeture de la Corée du Nord obéirait donc bien à de véritables craintes de contamination. Ainsi, les diplomates en poste à Pyongyang ne sont pas interdits de séjour, mais doivent être placés en quarantaine pendant trois semaines lorsqu'ils arrivent, selon l'agence russe Itar-Tass. Parallèlement, les employés du programme alimentaire mondial (Pam) continuent leurs activités "comme d'habitude", a affirmé sa porte-parole à Washington. À l'image de l'ensemble de l'Asie qui a encore en mémoire l'épisode du SRAS qui avait paralysé la Chine, Pyongyang redoute une épidémie. Mais l'inquiétude n'est pas que d'ordre humanitaire, elle est également politique. Le piètre état du système médical nord-coréen serait obsolète face à une diffusion du dangereux virus qui a déjà fait plus de 4 000 victimes selon l'OMS. Une épidémie pourrait tourner à la catastrophe et placerait le régime dans une situation difficile. Un drame hors de contrôle qui atteindrait un peu plus son prestige, devant une population qui a appris à survivre sans rien attendre des Kim depuis la grande famine des années 90. De plus, elle forcerait le régime à demander de l'aide internationale, et donc à laisser des experts étrangers avoir un accès rare à son territoire. La mobilisation anti-Ebola est donc une affaire d'Etat.