Par Hella LAHBIB Les quelques débats autour du projet de loi de finances 2015 au parlement ont touché un point important : la situation des banques publiques qu'il faut recapitaliser. Recapitaliser signifie que l'Etat doit remettre de l'argent dans le capital de ces banques, entre autres parce qu'elles en ont perdu par le passé. Et cet argent sera puisé dans le budget de l'Etat, c'est-à-dire le petit contribuable, autrement dit vous et moi. La situation financière d'une banque n'est pas une question anodine. On ne peut pas, comme l'ont suggéré certains respectables députés, refuser de leur injecter de l'argent. Car les banques détiennent l'épargne des ménages, les liquidités des entreprises et sont des intermédiaires indispensables sur les marchés local et international. Une banque en difficulté financière ne sera pas crédible sur le marché international : elle pénalisera la Tunisie et les opérateurs qui passeront par elle pour exporter. Ceci étant dit, est-ce qu'on peut, comme l'a fait l'élu du peuple M. Touhami Abdoulli, demander un audit des banques concernées à condition que cet audit soit réalisé par l'inspection des finances (ministère des Finances) et surtout pas, a-t-il insisté, par des cabinets étrangers (entendez indépendants), le tout assisté par des députés? Cette déclaration de M. Abdoulli est typiquement l'exemple des phrases révolutionnaires qui ont toutes les apparences du bon sens. Mais qui sont de fausses bonnes idées. Pourquoi ? Parce que, et c'est une évidence, le rôle du parlement est de contrôler, pas d'auditer. Le rôle du parlement est d'exiger de savoir pourquoi les banques publiques en sont là. Qu'est- ce qui dans le système n'a pas bien fonctionné. S'il y a eu des crédits non remboursés aux copains, à la famille régnante, aux familles parentes et alliées, etc. Et comment faire pour que cela ne se répète pas. Or, ce processus qui se décline en plusieurs étapes : diagnostic, reddition des comptes, correction, ne s'est jamais enclenché. Les conflits d'intérêt Des audits réalisés par le ministère des Finances, cela veut dire refaire les mêmes erreurs. Or, le pire, mais alors le pire, c'est de refaire les mêmes erreurs. La capacité d'endurance du citoyen et du pays est au niveau zéro, qu'on se le dise. Et, attention, ce n'est pas le ministère des Finances qui est mis en doute, la Tunisie dispose d'une administration remarquable. La question ne concerne donc pas les hommes (et les femmes) qui y travaillent. Elle concerne le système qui est à réformer, la mécanique. En un mot la gouvernance. S'il y a un chantier à mener demain, c'est bien celui de la modernisation des méthodes. L'une des clés sera la lutte contre les conflits d'intérêt. Et nous sommes sur un exemple type : le ministère des Finances ne peut pas être le dernier recours en matière de contrôles des entreprises publiques. Le ministère des Finances ne peut pas désigner les dirigeants ou les adouber, valider leurs plans et leurs budgets, recevoir leur reporting sans réagir, et puis, au bout de cinq ans, réaliser un audit. Il faut une instance indépendante, parce que tout simplement, le ministère des Finances ne peut être juge et partie. Ni aucun autre département, d'ailleurs. Prenons l'administration fiscale. Peut-on exécuter les lois fiscales, contrôler les contribuables, émettre les rôles, décider de la sanction, la recouvrer ? Idem pour la douane, elle contrôle, débusque, constate, sanctionne, transige, recouvre.... Voilà de vraies questions de gouvernance, des chantiers à entreprendre, des débats à ouvrir. Un Etat moderne est celui qui instaure un système avec des contrôles externes qui vont bien au-delà des hommes.