La saison théâtrale, qui a bien démarré en octobre dernier, passe la vitesse supérieure avec le début de la nouvelle année. Le week-end dernier, nous avons assisté à deux premières : El 3asses de Mounir Argui et El Kannas (Le sniper) de Youssef Saydaoui. Ce week-end, trois nouvelles créations fraîchement produites offriront leurs premières représentations au public de la capitale, qui aura l'embarras du choix entre K.-O. de Jamila Chihi et Noôman Hamda, Olvido de Leïla Toubel et Kaâb El Ghazal une production du Centre national des arts dramatiques et scéniques de Médenine. Leïla Toubel n'est pas à sa première mise en scène, ni à sa première expérience en tant que dramaturge, mais c'est la première fois qu'elle quitte son nid «El Hamra» pour voler de ses propres ailes loin de son foyer de la rue Al Jazira et signe Olvido, un monodrame de femme, pour les femmes et pour les amoureux des femmes. Elle arrive de nulle part drapée dans une robe de mariée, traînant sur une traîne un coffre sans relief... dans son intérieur, qui n'a pas de fond, elle cherchera un prénom, le sien, un passé, et une histoire, qui peut être la sienne... Son amnésie crachera des histoires avec du son assourdissant, des images bouleversantes et des couleurs tantôt cruelles, tantôt tendres d'espoir et de beauté... De l'autre bout de la dégénérescence de sa mémoire, elle livrera son corps fébrile et ses émotions féroces aux histoires : d'amours lamentables, de pains amers, de fleur d'oubli, d'un printemps kidnappé aux portes du rêve, et d'une patrie qui se voit déposséder de ses étoiles, mais qui tend les mains bien haut et marche imperturbablement vers le ciel. «Olvido, c'est l'histoire qui n'a pas d'histoire, mais qui appartient à tous les humains... C'est un cri de cœur, un hurlement insolent pour que vive une mère patrie debout. Alors donnez-moi vos cœurs et vos mains, on va colorier de bleu le ciel et de rouge la dernière pétale que je vous offrirai », écrit Leïla Toubel. Pour Olvido, le rendez-vous est donné le samedi, à 19h00, à El Teatro. Jamila Chihi, actrice de son état, se lance dans une nouvelle aventure, une aventure à haut dans laquelle elle se lance en proposant une idée et un texte à la mise en scène. Elle y campe le rôle principal et partage la scène avec Noôman Hamda, lui-même metteur en scène de ce projet, avec une scénographie signée Kaïs Rostom. «O», une femme d'une quarantaine d'années est soumise à une agression physique et verbale au cours d'un braquage en rentrant du travail en fin d'après-midi. Elle est prise de peur et de haine envers une société qu'elle ne reconnaît plus. «K», ancien boxeur connu, a, sans le vouloir, tué son adversaire au cours d'un combat. Il décide d'arrêter la boxe. Sa femme et sa fille le quittent. Il a tout perdu, son métier, sa gloire et sa famille. Il se renferme et se fanatise. Après l'agression qui l'a détruite, O lui demande de lui apprendre à se défendre. Puisque les mots ne suffisent plus, le corps aussi doit se défendre. K refuse, se dérobe, esquive, se sauve. Elle s'accroche et s'acharne. Deux personnes, une femme et un homme. Aucune des deux ne peut vivre sans l'autre. La première aura lieu le samedi 17 janvier 2015, à 19h30, et le dimanche 18 janvier 2015, à 17h30, à la salle le 4e Art. Après une avant-première donnée, il y a quelques jours à Médenine, le Centre des arts dramatiques et scéniques propose au public de la capitale sa nouvelle création Kaâb El Ghazal le samedi aussi au Mondial. A partir des textes du romancier libyen Ibrahim Al Kouni, connu pour son univers saharien, dont l'œuvre est caractérisée par un positionnement particulier et une identité spécifique avec des errances nomades, la pièce Kaâb El Ghazal est une immersion dans le verbe, mais aussi dans l'imaginaire né de l'univers désertique que nous partageons. Costumes et apparats, chorégraphie signée Hafedh Zillit et interprétation d'une pléiade de comédiens de la région du sud tunisien, dont particulièrement Latifa Gafsi, actrice fétiche de la mythique troupe de Gafsa, l'ensemble raconte un périple que le metteur en scène présente comme suit : «L'étendue sablonneuse est un trésor pour ceux qui désirent la vie...ou comment affronter l'isolement de l'être, l'appauvrissement de l'âme, la violence inhérente en chacun de nous». De Tombouctou, aux portes du Sahara du sud tunisien, entre voyage le mythe, et mémoire intarissable s'installe le paradis perdu. C'est ainsi que l'œuvre de Yahyaoui et celle de Kouni se croisent sur une scène racontant toute une culture de voyages initiatiques, de périples, de prophéties. Et c'est entre la mythologie et le quotidien que naît l'acte créatif tout en poésie, en rime et en prose, en danse et en jeu pour monter l'univers commun de Kaâb El Ghazal.