Elle était incontestablement et indiscutablement la plume la plus élégante de toute la littérature maghrébine de langue française, mais aussi – surtout – un grand défenseur de l'émancipation des femmes musulmanes. Qu'elle repose en paix ! En ce moment où le Maghreb des lettres est en deuil, l'Académie Française ne peut que déclarer vacant le fauteuil 5 de cette prestigieuse institution. La différence, cependant, est immensément grande : une autre sommité viendra bientôt remplacer l'Algérienne audit fauteuil 5, mais le Maghreb mettra probablement un siècle avant de donner naissance à une femme de la trempe d'Assia Djebar dont l'unique fausse note est de nous avoir quittés en ce samedi 7 février. Fatima Zahra Imalayène, de son vrai nom, est née à Cherchell en Algérie le 30 juin 1936. Elle obtient son baccalauréat à l'âge de 17 ans en 1953 et sera, deux années plus tard, la première femme algérienne et musulmane à s'inscrire à l'Ecole normale supérieure de jeunes filles de Sèvres où elle étudie l'Histoire. Déjà, à 19 ans, elle publie son tout premier roman intitulé La soif. En 1959, elle est à Rabat où elle enseigne l'Histoire moderne et contemporaine du Maghreb, et, en 1962, elle est de retour à Alger où elle est professeur à l'Université du même nom. On rapporte que, de retour en France quelques années plus tard, elle va à la rencontre des Algériennes exilées, dans les squares et les cafés arabes de Paris, ces mères musulmanes, analphabètes et séquestrées, qui deviendront les héroïnes de ses livres. A son actif, une bonne vingtaine d'ouvrages dont on cite : Les enfants du nouveau monde (1962), Les alouettes naïves (1967), Femmes d'Alger dans leur appartement (1980), Loin de Médine (un vrai chef-d'œuvre, un délice, sorti en 1991), Nulle part dans la maison de mon père (2007 et où elle s'insurge contre la société patriarcale et les interdits qui étouffent la vie), etc. L'œuvre d'Assia Djebar a été traduite en 21 langues. Elle était également essayiste, cinéaste et scénariste (La Nouba des femmes du Mont Chenoun en 1978). En 1999, Assia Djebar a été élue membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, et, en 2005, la première personnalité du Maghreb à être élue au fauteuil 5 de l'Académie française où elle a été reçue le 22 juin 2006. Rappelons encore que certains de ses travaux ont fait l'objet d'études universitaires aussi bien en Algérie qu'en France. C'est un grand monument, une grande pyramide du Maghreb que nous avons perdue. Si seulement le Maghreb pouvait enfanter un jour une seconde Assia Djebar...