Etonnamment faibles au rayon offensif, les Aigles désespèrent leurs supporters. Le schéma est caricatural, mais on aurait pu croire que l'équipe de Tunisie alignée vendredi dernier contre le Japon à Oita ne disposait d'aucun attaquant. Rarement prestation des Tunisiens aura été aussi pauvre sur le plan offensif, comme si les Aigles de Carthage testaient dans un match d'entraînement leurs plans défensifs. Le projet technique de Georges Leekens se révèle boiteux: il s'appuie presqu' exclusivement sur le volet défensif, de la récupération, de la lutte et des duels derrière. Quant aux chances offensives, elles peuvent attendre des jours meilleurs. Pourtant, un match amical est par essence l'occasion rêvée pour se relâcher, jouer sans grosse pression, se faire plaisir et se rappeler —si jamais on l'aurait oublié— que le football se joue en deux temps: en phase défensive, mais aussi offensive. D'autant plus que le Japon, quand bien même soutenu par 40 mille supporters enthousiastes, était loin de l'équipe inaccessible et en confiance. Les onze Samouraïs bleus alignés durant la première heure étaient prenables, il aurait suffi non seulement d'insister et de mettre du cœur à l'ouvrage, mais surtout de se donner les moyens de jouer franchement l'attaque. Avec trois récupérateurs-relayeurs (Ragued, Nater et Sassi), la tendance était clairement à la prudence excessive. Un de ces pivots de métier aurait dû être sacrifié en faveur de Chikhaoui, le seul régisseur parmi les 23 convoqués capable de prendre en main le jeu offensif et de donner à celui-ci fantaisie, imagination, profondeur et percussion. Surtout que Moncer est encore assez tendre pour de telles responsabilités. Chasseur de primes ? Dans une autre configuration, Leekens aurait pu également aligner un autre attaquant de soutien à Akaïchi, genre Khelifa ou Omrani, tant est que Khenissi fait doublon avec le meilleur buteur de la dernière édition de la coupe d'Afrique des nations. Cette journée Fifa dans le Sud-Est asiatique aurait pu être mise à profit pour tester de nouvelles solutions et donner leur chance à Omrani, Khenissi, Gouida, Laribi... qui auraient pu être alignés au moins durant une mi-temps. En l'absence de ses armes offensives Khazri et Touzghar, le coach national aurait pu abandonner son conformisme et sortir des sentiers battus. Mais là, la déception est immense: son équipe est mauvaise, elle ne sait pas non plus tenir un résultat si tant est qu'elle se veut réaliste. A bien y réfléchir, il n' y a rien de surprenant à cela. Façonnée par le technicien belge, cette équipe a rarement convaincu ou suscité un élan de sympathie auprès des sportifs. Elle pioche tout le temps, accrochée à son sacro-saint alibi de l'ultraréalisme et de l'équilibre. Durant la dernière coupe d'Afrique des nations, aussi bien aux éliminatoires qu'en phase finale, elle donna rarement la pleine mesure de ses capacités offensives en raison de choix le plus souvent frileux et renonciateurs. On ne semble malheureusement pas avoir retenu la leçon: mêmes causes, mêmes effets. Deux mois après le fiasco de la Guinée équatoriale, on fonce tête baissée dans le même tunnel du refus obstiné de jouer, d'oser, de vouloir surprendre, d'attaquer. La sélection stagne, voilà tout. Leekens est-il vraiment l'homme de la situation ? Ou a-t-il atteint le fameux seuil d'incompétence ? Dans ces conditions, à quoi servirait-il vraiment de parcourir des milliers de kilomètres jusqu'au Pays du Soleil-Levant pour faire juste de la figuration et se contenter de la prime revenant à la fédération tunisienne pour ce match ? Le Club Tunisie se serait-il subitement transformé en chasseur de primes, en prédateur qui se fiche comme d'une guigne du produit proposé ? Mardi prochain (12h35) contre la Chine Populaire, à Nanjing, les fans du Onze national aimeraient tant être démentis et pour une fois surpris...