Les travaux de la seconde phase du projet «apprendre à danser» clôturés par une conférence ayant eu pour thématique : «Penser une danse contemporaine en Tunisie ; limites et possibilités». Les travaux de la seconde phase du projet ont été clôturés jeudi dernier, avec une conférence ayant pour thématique la danse contemporaine en Tunisie, tenue par la chercheuse Mariem Gallouz. «Penser une danse contemporaine en Tunisie ; limites et possibilités » était le thème de l'exposé de la conférencière, danseuse traditionnelle et chercheuse au centre d'anthropologie culturelle à Paris. Avant d'entamer la conférence, une projection vidéo, qui datait de 2014, nous a montré quelques extraits du stage effectué à l'Université Palucca, en Allemagne, par deux jeunes danseuses tunisiennes qui ont bénéficié de ce stage dans le cadre du projet. La danse contemporaine en Tunisie est-elle une pratique exogène ? C'est par cette problématique que la conférencière a essayé, tout au long de son intervention de trouver des réponses. La chercheuse a évoqué le début de l'émergence de la danse contemporaine dans les pays occidentaux. C'est dans les années quatre-vingt que ce style de danse est né dans les pays du Maghreb, notamment la Tunisie, le Maroc et l'Algérie. La conférencière, qui focalisait ses recherches sur les pays du Maghreb, a abordé cette problématique sous deux angles. Le premier concernait la tension entre modernité et tradition dans le domaine de la danse. Que signifie donc la question de modernité pour l'artiste tunisien ? La seconde se penchait plutôt sur la notion universelle de la danse et sur l'histoire de la danse contemporaine dans les pays occidentaux. Un Occident traversé par des évènements marquants Dans sa recherche, elle s'est appuyée sur des entretiens avec des danseurs professionnels, chorégraphes ainsi que des spectateurs. «La danse contemporaine répondait à un besoin d'appartenance. L'émergence de la danse contemporaine remonte, selon certains historiens aux années 60 et pour d'autres aux années 80. L'avènement de la danse contemporaine qui a bouleversé la façon de penser le corps et ses rapports sur la scène ainsi que la façon de penser l'art lui-même, est dû aux bouleversements historiques et sociaux tels que les évènements de Mai 68, la guerre d'Algérie, la liberté sexuelle, dans les pays occidentaux industrialisés. L'apparition de la maladie du sida... Toutes ces mutations ont influencé cet art. La danse contemporaine est devenue dès lors un mouvement de pensée politique et artistique, un mode d'être et un mode de penser», a expliqué Mariem Gallouz. La chercheuse n'a pas oublié de citer certains noms de grands chorégraphes comme source de référence, pour argumenter son exposé. Peut-on parler d'une danse contemporaine en Tunisie ? Cette question a constitué le deuxième axe de l'intervention. En recherchant des réponses, la conférencière a défini la notion de la danse, en la qualifiant de cosmopolitique, la danse acquiert une dimension universelle mais ce langage universel s'est confronté à plusieurs problèmes d'ordres sociaux, politiques, institutionnels et moraux en Tunisie. Les difficultés sont multiples pour les danseurs tunisiens mais aussi marocains et algériens à quelques différences près. La danse au Maghreb est malheureusement mal perçue. Partant de ce constat, nous nous posons la question : Quel type de danse avons-nous en Tunisie ? La danse tunisienne,tradition et modernité Certes, notre danse assume une fonction sociale mais notre culture conservatrice l'empêche de s'imposer comme un art à part entière. Un corps dansant, qui donne à voir et se donne à voir sur scène dans un contexte qui bouleverse les codifications d'un pays à religion et une société conservatrice, pose beaucoup de problèmes. Notons par exemple la danse des derviches, qui est principalement dédiée à l'amour divin mais qui n'a pas échappé aux critiques. Alors comment décrire la danse en Tunisie ? Si on procède par classification de genre, nous pouvons dire, qu'en Tunisie, chaque région a ses propres pas de danse, ses costumes, ses mouvements et ses rythmes. Souad El Mattoussi a rédigé une thèse sur les danses de mariages en Tunisie du nord au sud. «Nos danses sont issues de l'héritage africain, berbère, arabo-andalou, bédouin, la danse des hommes, des cavaliers, des guerriers, avec les fusils, bâtons et épée, et la danse soufi comme la "Issaouia" et "Tijania"», continuait- elle. Se référant à l'histoire de la troupe nationale des arts populaires en Tunisie, créée dans les années 60, afin de conserver le patrimoine artistique du pays, notons qu'elle était très influencée par le ballet classique russe. Cette danse traditionnelle a été affinée au fil des années et, après l'Indépendance, ce projet de modernité a été marqué et façonné. Aujourd'hui, personne ne peut ignorer que la troupe passe par des moments très difficiles. Elle est presque absente et le statut du danseur n'est point clair. La troupe a perdu, certes, ses caractéristiques, mais l'émergence d'une première génération de chorégraphes contemporains a fait le premier pas vers la modernité à l'instar de Imed Jomaâ, Nawel Skandrani, Malek Sebai, Najib Khalfallah... Avec des parcours différents, ces artistes ont influencé la danse contemporaine en Tunisie et ont fait des efforts malgré les difficultés et le contexte politique dangereux dans lequel ils vivent. Et pourtant, nous avons, malheureusement, perdu deux écoles de danse qui ont fermé leurs portes. C'est celle du ballet national et le centre national de la danse contemporaine. Mais quels sont les problèmes de la danse contemporaine en Tunisie aujourd'hui ? S'est interrogé la chercheuse. La conférencière a énuméré les problèmes qui empêchent la danse contemporaine d'évoluer en Tunisie. Il s'agit de contraintes matérielles, l'absence institutionnelle, le statut du danseur, le public et le problème du langage codifié du danseur. Peut-on parler de danse contemporaine dans un pays où la parité hommes-femme n'est pas encore établie, où la nudité n'est pas encore acceptée ? Se demandait-elle. Aujourd'hui, la nouvelle génération, qui a besoin de se former, de s'imposer, souffre toujours des mêmes problèmes ; statut juridique et social absent, précarité, manque d'infrastructure...Ces jeunes ont besoin d'encadrement, de stages et d'écoles. La conférence a été suivie, en guise d'illustration, par une démonstration de pas de danse traditionnelle exécutés par la maîtresse de ballet Khira Oubaydallah, accompagnée à la percussion de Wassim Mzoughi. La danseuse nous a montré les pas de danse Bounawarra, Lgougou(danse des noirs de Tunisie de Zarzis), le Fazzani... Les jeunes danseuses et danseurs qui ont bénéficié de la formation du Goethe Institut ont improvisé pendant une dizaine de minutes une danse contemporaine rythmée aux percussions. «Il s'agit d'une phrase chorégraphique improvisée et composée de mouvements sur les rythmes des percussions» a déclaré la formatrice Malek Sebai, au terme de la rencontre.