Poulets à la dioxine, épidémies de listeria, manipulation génétique, maladie de la vache folle, pollutions des sols, etc. suscitent, depuis quelques années, des angoisses chez le consommateur en quête de sécurité. De plus en plus de gens sont en quête de produits naturels sains issus de l'agriculture biologique. Manger bio est-il devenu une nécessité ou un luxe que se permet une élite? Enquête. Dans les grandes surfaces, les rayons de produits biologiques prennent de l'ampleur même s'ils sont visités par quelques consommateurs. Les raisons invoquées sont les prix de ces produits qui passent du simple au triple. Un paquet de couscous de 250 grammes coûte plus de 5 dinars. Mais le consommateur soucieux de sa santé et à la recherche de la qualité ne recule devant rien et reste tenté par ces produits biologiques, supposés être plus sains et meilleurs pour la santé. Un engagement citoyen ? Mouna, accro aux produits bios, ne tarit pas d'éloges sur les bienfaits des produits issus de l'agriculture biologique. «Ils contiennent une plus grande quantité de micro-nutriments de forte qualité nutritionnelle. Tout ça c'est bien pour la santé, le bien-être et le goût. J'achète mes produits bio parfois en Tunisie, mais ils sont un peu chers. L'alimentation de demain doit être un gage de plaisir, de qualité et de santé», estime-t-elle. Pour Sana, ingénieur agronome, «manger bio, c'est aussi un engagement citoyen et humain envers les petits producteurs de produits biologiques qui veulent préserver la planète. Au-delà de la sécurité alimentaire, le bio a une vocation sociale. La plupart des producteurs bio disposent de peu de terrain et ont du mal à valoriser leurs produits sur le marché. Les quantités ne sont pas suffisantes pour l'exportation et il n'y a aucun organisme disposé à prendre en charge la distribution des produits de ces petits agriculteurs. Par ailleurs, ils sont souvent obligés de se plier aux prix du marché de l'agriculture conventionnelle». D'autre part, elle considère que le bio est meilleur pour la santé. «Il y a une prise de conscience du consommateur et une appréhension face à l'usage des pesticides chimiques. En effet, le mode de culture biologique est respectueux de la nature. Le capital terre est précieux dans ce mode de culture, ce qui est non seulement durable et viable dans le temps mais permet d'éviter l'épuisement des sols, favorise la biodiversité et fait face à tout genre de problèmes environnementaux comme la pollution, la contamination des sols et des nappes phréatiques par les métaux lourds, etc.». Marisa, Italienne résidente en Tunisie, a commencé à manger bio récemment, «surtout les fruits et les légumes, car ils sont plus sains sans pesticides ou produits chimiques espèrant qu'ils nous aident à nous protéger de certaines maladies. Il existe peu de restaurants bio en Tunisie et il est difficile de trouver facilement des produits bio», relève-t-elle. «Je crois que, désormais, tout le monde est conscient des dommages que peuvent occasionner les produits chimiques note Amira précisant par ailleurs que manger bio en Tunisie côute trop cher». Malek ne mange pas bio «je n'ai jamais prêté attention à mon alimentation et je ne crois pas qu'en changeant mes habitudes maintenant je pourrais améliorer ma santé. De plus, le marché du bio étant restreint, il ne pourra pas réussir à nourrir toute la population», fait-il remarquer. Des prix trop élevés A contre-courant de la course à la productivité, l'agriculture biologique prend en compte le produit dans sa globalité tout en défendant des valeurs comme le respect de l'environnement, des ressources naturelles, de la santé de l'homme comme celle de l'animal. Produire bio et consommer bio devient «un acte de militantisme». En raison d'une demande restreinte, la production biologique est plutôt destinée à l'exportation. N'est pas agriculteur bio qui veut. Celui qui s'engage dans cette voie doit se soumettre à une réglementation stricte accordée par le ministère de l'Agriculture et se soumettre aux contrôles d'une organisme agréé et indépendant en mesure de délivrer la certification bio après avoir passé au crible toute la production. La certification coûte cher et elle doit être renouvelée tous les six mois. Ce qui rend les prix des produits chers à la consommation. Les prix élevés des produits bio s'expliquent en partie par le coût des matières premières agricoles, des engrais, de la main-d'œuvre, du temps, de la surface cultivable et aussi l'abus des réseaux de distribution qui tirent les prix vers le haut. Est-ce que ces produits sont meilleurs pour la santé ? Pour l'heure, aucune étude scientifique ne prouve que les produits issus de l'agriculture biologique sont meilleurs pour la santé que les autres et aucune étude ne prouve le contraire. Par conséquent, les incertitudes pèsent sur ces produits. L'alternative au bio existe : c'est le label «naturel» en ce moment qui est en vogue.