Les villes consomment environ 500 ha/ an de terres agricoles dans le seul gouvernorat de Tunis. Les divers impacts que génère l'urbanisation sur la qualité de la vie, les perspectives d'un urbanisme salvateur et les litiges juridiques et fonciers marquant le droit à la propriété ont fait l'objet, avant-hier, d'un séminaire organisé conjointement par le Centre de Tunis du droit foncier et de l'urbanisme (CIDFU) et l'Organisation des architectes tunisiens (OAT). Le logement s'inscrit, en effet, parmi les dossiers épineux, puisqu'il est à cheval entre la concrétisation du droit à l'habitat et à la stabilité, d'une part, et les contraintes foncières, juridiques et stratégiques, de l'autre. M. Anis Ghadira, secrétaire d'Etat chargé de l'Habitat auprès du ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'aménagement du territoire, indique à La Presse que les efforts se conjuguent pour l'instauration d'une nouvelle stratégie dont la finalité consiste à résoudre les problèmes socioéconomiques relatifs au logement. Par ailleurs, le ministère s'applique à mettre en place un programme spécifique aux logements sociaux, lequel promet de garantir quelque 30 mille logements sociaux en faveur des personnes prioritaires. D'un autre côté, une éventuelle collaboration entre le public et le privé prévoit la construction de 3.400 logements supplémentaires. La séance plénière a été consacrée à l'analyse de l'efficience des textes juridiques réglementant l'urbanisme en Tunisie. Mme Hajer Kacem Ben Amor, secrétaire général adjoint de l'OAT, a décortiqué la question, de par ses impacts et ses perspectives. Elle a rappelé la croissance frénétique que connaît l'urbanisation depuis les années 80. Une évolution qui sert l'extension de la zone urbaine au détriment, évidemment, des zones rurales. En effet, «les villes consomment environ 500 ha/ an de terres agricoles dans le seul gouvernorat de Tunis», souligne-t-elle. Ce changement de taille influe sur la qualité de la vie, sur l'environnement et sur l'aménagement du territoire. Il s'ensuit, d'ailleurs moult facteurs anti-environnementaux, dont l'augmentation alarmante de la pollution, la congestion des routes, la régression des espaces verts, ainsi que le manque d'équipements censés satisfaire les besoins de la population urbaine ; autant d'inconvénients résultant de l'étalement de l'urbain. Ce qui amène, d'ailleurs, les urbanistes à se pencher sur l'impérative révision des plans d'aménagement des zones urbaines. Encore faut-il noter qu'une telle tâche repose, d'abord, sur l'identification de l'état des lieux, l'examen des différentes transformations consécutives en s'appuyant sur les fondements stratégiques propres aux communes. Ayant contribué à deux études réalisées sur l'extension urbaine à Sakiet Ezzit et à Thyna, l'oratrice a rendu compte à l'assistance des similitudes constatées, dont la surestimation des zones urbaines par rapport aux besoins des habitants, mais aussi par comparaison avec les moyens disponibles, notamment les équipements et l'infrastructure. «Jusqu'à nos jours, les solutions apportées restent en deçà des exigences. Elles relèvent, d'ailleurs, plus de l'esprit de "bricolage" que de résolutions tangibles. Parallèlement, l'étalement urbain poursuit son cours», ajoute-t-elle. Place aux villes écologiques et durables ! Pour Mme Kacem Ben Amor, il est grand temps d'opter pour une vision salvatrice de l'urbanisme ; une vision futuriste, fondée sur le respect de l'environnement. Il convient, à son avis, de délaisser la stratégie visant la «réparation» des villes conventionnelles et de faire primer la création de nouvelles villes où il ferait bon vivre. Il s'agit des villes-quartiers ou encore des villes vertes, des villes à la fois écologiques et durables. «Tout doit commencer par l'ACV ou l'analyse du cycle de vie. L'idée étant de mesurer l'impact des composantes de la ville écologique sur l'environnement ; des composantes à la fois harmonieuses — car complémentaires — et durables», renchérit-elle. Et de préciser que les villes écologiques se caractérisent par l'utilisation restrictive des produits locaux, l'accessibilité aux services et prestations afin de réduire le recours aux moyens de transport et de diminuer ainsi le taux de pollution. Ce modèle futuriste de ville «saine» consacre un volet notable à la valorisation des déchets, à la production des énergies renouvelables qui se substituent aux énergies classiques. Certes, les expériences tunisiennes en la matière sont limitées. L'oratrice en cite deux exemples : le quartier écologique dit «Jardin de Tunis», qui s'étale sur une superficie de 320 ha, ainsi qu'un autre quartier situé à La Soukra, qui couvre une trentaine d'hectares et qui se veut un quartier 100% écologique et 100% tunisien. Ai-je le droit de bâtir ma propriété ? De son côté, M. Mounir Ferchichi, président du tribunal de première instance de Jendouba et président du CTDFU, a focalisé son intervention sur l'autorisation de construction et l'acte de propriété. Ce thème pose de nombreux litiges juridiques et fonciers. Selon le cadre juridique de l'aménagement, une autorisation de construction n'est attribuable qu'après le dépôt, par le particulier, de documents justifiant la propriété qui lui revient de droit. Elle implique, de même, l'absence de toute nuisance altérant ou attentant aux lois relatives à la construction. L'octroi d'une autorisation de construction est réglementé, selon l'orateur, par deux systèmes opposés, à savoir le Code de droit réel et le Code de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. A ces deux divergences, qui nécessitent d'être tranchées, s'ajoute, désormais, une autre complexité. L'arrêté ministériel en date du 17 avril 2007 exige le dépôt d'une demande de construction, d'un acte de propriété ou bien d'un titre de propriété ou encore de tout autre document justifiant le droit de propriété. Ces trois références juridiques se contredisent mutuellement, d'où le litige juridique.