Par Brahim OUESLATI Samedi 16 mai, les cours ont été suspendus dans tous les établissements scolaires, pas en raison de la grève des enseignants devenue périodique, mais pour laisser la place à l'organisation d'ateliers de travail sur la nouvelle réforme de l'éducation. Selon le document cadre établi par l'équipe de pilotage formée par des représentants du ministère de l'Education, l'Ugtt et l'Institut arabe des droits de l'Homme, quatre thèmes ont été débattus au cours de cette journée qui a vu la participation de tous les enseignants du primaire et du secondaire sous l'encadrement des inspecteurs. Le premier thème se rapporte à « l'égalité des chances », alors que le second est placé sous « le développement des acquis ». Le troisième thème a trait à « l'environnement éducatif et la vie scolaire », et le dernier va traiter de la question de « la gouvernance, le commandement et la gestion ». Un guide est proposé, sous forme de note d'orientation générale, pour donner une vision globale sur la démarche, avec un calendrier qui mènera jusqu'à la conférence nationale dont la date sera fixée ultérieurement, en fonction de l'avancement du dialogue à l'échelle locale et régionale. A première vue, les thèmes sont bien ciblés et touchent au fond même de l'éducation. La participation de toutes les composantes de la famille éducative participe d'une volonté d'impliquer toutes les parties prenantes dans ce grand chantier à ciel ouvert. Toutefois, en raison des enjeux politiques, économiques, sociaux, voire culturels que pose toute réforme de cette importance, il faudrait, d'abord, s'assurer de l'existence de moyens et des mécanismes nécessaires pour en établir les contours, les priorités et le calendrier d'exécution. Car à elle seule la volonté politique ne suffit pas. Le système éducatif tunisien a connu, depuis la première réforme de novembre 1958, des changements, parfois brutaux, comme l'arabisation hâtive de certaines disciplines scientifiques notamment, ou encore de la philosophie. Ce genre de replâtrages thérapeutiques a fini par en dénaturer le sens et l'essence. Signe que notre école va de plus en plus mal et qu'elle s'est enlisée dans une situation difficile à cause de l'inconstance des options et la contradiction des décisions successives. Les différents rapports d'évaluation sont unanimes quant à l'incapacité de notre système éducatif à tirer vers le haut. En effet, « malgré les réformes introduites dans le système éducatif et les performances quantitatives, le rendement interne ne s'est pas amélioré ». Inutile de revenir sur les raisons, le diagnostic a été fait et nul n'est sensé l'ignorer. L'infrastructure, la formation et la spécialisation Les précédentes réformes avaient pour objectif de faire de l'école un véritable levier de développement du pays. La réussite était, longtemps, considérée comme un facteur déterminant dans la formation des cadres pour le pays et subséquemment dans la promotion sociale de l'individu. Sans pour autant arriver à suivre le rythme des changements et des transformations qu'ont connus la société tunisienne et le monde autour de nous. L'école, avions-nous écrit dans une précédente étude publiée sur ces mêmes colonnes, « est un tout qui gravite autour d'un élément central qui est l'élève. Le manque d'équipements, le peu d'encadrement, l'absence d'activités ludiques, la non-implication de la famille et de la société civile dans la vie scolaire, ne favorisent pas un climat propice à la réussite » (« L'abandon scolaire, ce mal récurrent », La Presse du vendredi 17 avril). Les défis sont nombreux et se rapportent essentiellement à la performance du système éducatif. L'école tunisienne va mal et elle n'est plus une priorité budgétaire pour le pays, puisque le budget de l'éducation, qui représentait 30% du budget général de l'Etat, est tombé jusqu'à 15%. Les paris sont difficiles. Le projet de reconstruction de l'école au sens large « n'est pas seulement nécessaire, il est indispensable si l'on veut que le dispositif d'enseignement puisse pleinement jouer son rôle tant dans la formation des jeunes générations que dans leur préparation à l'entrée dans la vie active ». Pour répondre aux nouveaux besoins, il faudra mener une politique cohérente tenant compte de tous les aléas et surtout des moyens existants. C'est pourquoi, le ministère de l'Education est appelé à mettre en place un calendrier précis qui devra s'étaler sur au moins cinq ans, avec des priorités bien ciblées. Il est évident que le premier chantier auquel le gouvernement devra s'attaquer, avant la prochaine rentrée, est celui de l'infrastructure scolaire, notamment dans les écoles primaires, devenue vétuste, insalubre et complètement inappropriée. C'est le nœud gordien et l'a priori de toute réforme scolaire. La seconde priorité, à notre sens, est la formation des enseignants tant initiale que continue. Elle permet à l'enseignant de s'adapter à toutes les évolutions et constitue une condition essentielle dans la revalorisation du métier et de l'amélioration du niveau des élèves. Enfin, pour une meilleure efficacité pédagogique, on doit réfléchir à l'instauration de la spécialisation dans l'enseignement primaire, à l'instar du secondaire. Il devient de plus en plus difficile pour un instituteur, aussi polyvalent soit-il, de pouvoir enseigner toutes les disciplines, y compris l'éducation physique, la musique et l'informatique, alors qu'il n'est pas formé pour. Ceci à court terme. A moyen et à long termes, on doit repenser la fonction même de l'école en s'attaquant aux maux qui la rongent et en l'ouvrant de plus en plus sur son environnement. Le dialogue qui s'annonce sous de bons auspices, s'il est bien mené, pourra certainement déboucher sur des solutions susceptibles de revaloriser notre enseignement.