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Il y a 220 ans : un corps expéditionnaire tunisien à Tripoli
Publié dans Leaders le 06 - 03 - 2016

Conquise par les Ottomans en 1551, l'actuelle Libye fut d'abord érigée en beylik administré par un bey (élevé plus tard au rang de pacha) relevant directement du gouvernement ottoman. En 1711, cependant, cette province devint le théâtre d'une expérience dynastique et d'autonomie calquée sur le modèle tunisien mis en œuvre par les beys mouradites au XVIIe siècle et poursuivi avec succès par les beys husseïnites à partir de 1705.
Le pacha de Tripoli Ahmed I Karamanli (1711-1745) entreprit en effet de réunir tous les pouvoirs entre ses mains et de fonder une dynastie. Cela n'alla pas sans heurts et, quelques années plus tard, vers 1793, un violente querelle familiale allait avoir des conséquences graves sur la stabilité du pays et mettre en péril la dynastie. Youssouf, un des fils du pacha Ali b. Mohamed. b. Ahmed I Karamanli, tua un de ses frères, se rebella contre son père, noua des alliances avec des tribus et se rendit maître de Menchia, la campagne attenante à Tripoli. Dans ce contexte de désordres, le sultan Sélim III, qui ne voyait guère d'un bon œil les ambitions «indépendantistes » de son vassal tripolitain, entreprit de rétablir l'ordre et du même coup de ramener la province sous l'autorité directe de son gouvernement. Il confia cette mission à un membre de l'oligarchie militaire turque d'Alger, de surcroît frère de l'amiral de la flotte ottomane, Ali Borghol. En juillet-août 1793, Ali débarqua à la tête de ses troupes, chassa les Karamanli du pouvoir, vainquit la résistance menée par les princes et rétablit l'autorité directe du gouvernement ottoman qu'il représentait en qualité de gouverneur mandaté par le sultan.
Ali Pacha Karamanli dut s'enfuir et trouva refuge auprès du bey de Tunis, Hammouda Pacha (1782-1814) qui le reçut royalement et le logea au palais de la Abdelliya de La Marsa. Ses fils Youssouf le rebelle et Ahmed réussirent à le rejoindre dans son exil tunisois. L'affaire aurait pu s'arrêter là – du moins pour les Tunisiens – si Ali Borghol n'avait pas eu l'idée d'étendre son entreprise au beylik de Tunis. Pour ce faire, il donna l'ordre à un de ses lieutenants d'occuper l'île hautement stratégique de Djerba. Ce qui fut fait le 30 septembre 1794.
Pour le bey de Tunis, le péril était de taille. La stabilité du régime acquise de haute lutte par lui-même et par ses aïeux était de nouveau menacée par une intervention extérieure. Depuis 1705 et même avant, la menace venait plutôt de la régence ottomane d'Alger et il faudra attendre la victoire des troupes de Hammouda Pacha en juillet-août 1807 pour apaiser les relations avec les voisins de l'ouest ; voici maintenant que la menace venait de la Tripolitaine. Il fallait donc réagir, et vite.
Après consultation de ses proches collaborateurs, le bey Hammouda prit la décision d'envoyer des troupes avec pour mission de libérer Djerba, chasser Ali Borghol de Tripoli et remettre les Karamanli à la tête du pachalik de leur aïeul. Le plan mis en œuvre consistait dans la constitution de deux corps d'armée : un qui se rendrait par mer en direction de Djerba et le second qui irait par voie de terre avec pour mission de prendre Tripoli. Le commandement fut confié à deux généraux : Ali Djaziri, officier expérimenté et marin aguerri, à la tête des soldats chargés de la reconquête de Djerba, et le ministre et beau-frère du bey, Mustafa Khodja, comme commandant en chef de l'expédition de Tripolitaine. Le 17 octobre 1794, l'avant-garde de l'armée de Mustafa Khodja, commandée par le bach-hanba Ellouh et composée des troupes d'élite d'origine kabyle, les fameux zwâwa, des cavaliers des tribus makhzen, ainsi que du prince Youssouf Karamanli et ses hommes, quitta Tunis en direction de l'extrême sud. Le 2 novembre, le gros des troupes, ayant à leur tête Mustafa Khodja, muni par le bey des pleins pouvoirs civils et militaires, partit à leur suite, accompagné du prince Ahmed fils de Ali Pacha Karamanli et ses gens. Cette armée comprenait les janissaires de Tunis, l'artillerie et la cavalerie des lanciers (mzarguiya) des différentes tribus bédouines tunisiennes auxquels se joignirent les cavaliers des tribus du makhzen du sud, tandis que dix mille chameaux et diverses embarcations reliant les ports de Tunis, Sfax et Gabès assuraient, par terre et par mer, l'approvisionnement de la troupe en vivres et munitions.
Ayant pénétré en Tripolitaine, l'armée beylicale n'eut pas à engager le combat pour dégager la voie menant à Tripoli car elle fut accueillie en amie par les tribus libyennes dont les notables firent de nouveau allégeance aux Karamanli, à l'exception d'une tribu dite des Jarâjira que 4 000 cavaliers tunisiens furent chargés de réduire. L'armée de Mustafa Khodja arriva sous les murs de la ville le 16 janvier 1795. De violents combats opposèrent aussitôt les troupes beylicales aux soldats de Borghol chargés de la défense de Tripoli. des tribus de la campagne de Menchia, pourtant naguère partisanes de Youssouf Karamanli mais sans doute hostiles à la présence militaire tunisienne, refusèrent, elles aussi, de se soumettre et il fallut toute l'opiniâtreté des soldats beylicaux : janissaires, artilleurs, cavaliers de l'odjak du Kef et de la tribu des Methelith, précise l'historien Ben Dhiyaf, pour venir à bout de la résistance. Le 20 janvier, Tripoli fut investie par les troupes du bey de Tunis. Ali Borghol prit la fuite et la population, ayant obtenu la promesse de l'amân de la bouche même de Mustafa Khodja, fit sa soumission. Le général tunisien, dont la mission était aussi de rétablir le pouvoir héréditaire des Karamanli, convoqua alors les oulémas, les officiers de haut rang et les notables et leur fit faire allégeance au prince Ahmed fils de Ali. Quant à son frère Youssouf, il fut investi des fonctions de bey du Camp, et de ce fait, responsable du maintien de l'ordre dans les territoires où se déplaçaient les tribus bédouines. La sécurité de la ville fut assurée par les Tunisiens. Et il semble que ceux-ci n'aient pas commis de pillage car Ben Dhiyaf nous rapporte que les Tripolitains riches, voyant leurs biens et ceux de leurs compatriotes protégés, firent cadeau de 100 000 pièces d'or (mahboub) à l'armée beylicale.
Une fois le pouvoir des Karamanli restauré et l'ordre rétabli, les hommes de Mustafa Khodja levèrent le camp et regagnèrent leur pays. La cérémonie de la victoire eut lieu au palais du Bardo le 12 mars 1795.
Quant à l'expédition de Djerba, elle commença le 8 novembre 1794, lorsqu'une flotte de 40 vaisseaux quitta le port de La Goulette à destination de Djerba où elle arriva le 25. Les troupes beylicales commencèrent d'abord par libérer deux navires marchands tunisiens en provenance d'Alexandrie capturés par Qara Mohamed, le gouverneur de l'île nommé par Borghol, le maître de Tripoli. Une fois le débarquement réussi, le combat fut engagé et les Tunisiens prirent assez aisément le dessus, puisque le 2 décembre, Ali Djaziri se rendit maître de l'île et y restaura l'autorité du bey de Tunis. 400 soldats ennemis furent faits prisonniers. Certains insulaires ayant pactisé avec les hommes de Qara Mohammed, le chef de l'expédition tunisienne décida de livrer Djerba au pillage, à titre de représailles. La population, terrorisée, envoya à Tunis une députation chargée de renouveler expressément l'allégeance des insulaires au pacha bey et d'implorer son pardon que celui-ci, magnanime, leur accorda. Il prit aussi quelques mesures d'apaisement comme le limogeage du caïd-gouverneur dont les excès auraient été une des raisons de la passivité des Djerbiens lors de l'arrivée des troupes de Borghol.
C'est donc sur un succès complet que s'acheva l'opération visant à récupérer la partie occupée du territoire tunisien et à soutenir énergiquement les Karamanli dans leur reconquête du pouvoir.
Toutefois, Hammouda Pacha, prince intelligent, se rendait bien compte que l'expédition de Tripoli n'a été couronnée de succès parce que la puissance militaire impériale du sultan, son suzerain, n'avait pas été réellement mise à contrbution. Il comprit aussi qu'après une telle manifestation d'autonomie et de souveraineté, il convenait d'envoyer d'urgence une ambassade pour soumettre au padichah les marques du respect le plus humble et de l'allégeance la plus solennelle de la part du pacha bey de Tunis. Il décida donc, en mai-juin 1795, de confier cette mission délicate entre toutes à son brillant ministre Youssouf Saheb Ettabâa. Celui-ci s'en tira fort bien, puisque non seulement la froideur du premier accueil à Constantinople ne tarda pas à se dissiper et que les remontrances ne furent pas bien sévères mais qu'il ramena de son voyage une superbe corvette et quantité d'armes, cadeaux du sultan au bey de Tunis. Mieux encore, l'habile Saheb Ettabâa réussit même à obtenir le firman et le caftan d'investiture pour Ahmed Karamanli en qualité de pacha de Tripoli à la place de son père Ali et pour son frère Youssouf en tant que bey !
Ainsi prit fin cet épisode passionnant de l'histoire des relations tuniso-libyennes. Il met en lumière le caractère énergique de Hammouda Pacha, sans doute un des plus illustres des monarques tunisiens, sa perspicacité, son habileté à maintenir– au besoin, par le recours à la force armée– la stabilité du trône de ses ancêtres et l'autonomie du pays tout en ménageant les susceptibilités de la Sublime Porte. A Tripoli, les princes Karamanli, revenus au pouvoir, voulurent suivre de nouveau l'exemple tunisien mais les querelles au sein de la famille reprirent rapidement. Elles connurent une aggravation lorsque, en 1832, Youssouf Pacha, après un règne de 37 ans (marqué par des troubles internes et externes, notamment un conflit avec la marine des Etats-Unis entre 1801 et 1805) abdiqua au profit de son fils. Ce qui eut pour effet la rébellion des autres princes. Le pays fut la proie d'une guerre civile et en 1835, le sultan Mahmoud II décida de mettre au pas le pachalik de Tripoli en destituant la dynastie régnante et en confiant l'administration de la province à des gouverneurs. La Libye demeura ainsi sous administration directe du gouvernement impérial ottoman jusqu'à la conquête italienne en 1911.
Mohamed el Aziz Ben Achour


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