DONGFENG en Tunisie : NIMR, le concessionnaire officiel présente la gamme de véhicules à énergie nouvelle    La Banque centrale annonce de nouvelles spécificités pour le billet de cinquante dinars    La Tunisie appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza    Ousmane Dembélé remporte le Ballon d'Or 2025 et rejoint Zidane, Platini et Benzema    Météo en Tunisie : orage et temps pluvieux ce soir et demain    Colère syndicale suite à l'agression d'un agent municipal en plein centre-ville    Diplômés au chômage longue durée: une proposition de loi qui fixe les conditions de leur intégration    500 jours : Mourad Zeghidi, symbole de l'injustice    Le grand moment Palestine aux Nations-Unies : Historique ! Et le plan Macron    Drogue et sécurité : Mbarka Brahmi accuse les autorités d'avant le 25-Juillet de compromission    Location longue durée : Hammamet arrive en tête, suivie de Nabeul centre et de Sousse    Israël accusé d'avoir attaqué la Tunisie : un aveu inédit de Tom Barrack    Classes surchargées, manque d'enseignants : l'avertissement de l'Association des parents d'élèves    Tunisie : 4 tonnes de produits alimentaires dangereux retirées !    Mondial Volley : Fin de Parcours pour la Tunisie !    Tunisie : l'arrière-saison touristique attire toujours plus de visiteurs    Siliana-pluies torrentielles : la direction de l'Equipement mène une série d'interventions pour faire face aux inondations    Kasserine-intempéries : suspension des cours dans les établissements scolaires    Riadh Zghal: L'indice de développement régional et la persistance des inégalités    Le joueur du PSG Ousmane Dembélé remporte le Ballon d'Or    Tunisie : vos démarches administratives bientôt 100% en ligne, fini les files d'attente !    Tunisie IFC : Samir Abdelhafidh et David Tinel discutent du renforcement de la coopération économique    Bizerte : le premier pont du genre en Afrique sera achevé en 2027    Domaine Châal : le gouverneur de Sfax suit les préparatifs de la saison oléicole    Rencontre entre Kais Saied et Khaled Souheli sur la coopération Tunisie-Koweït    Le message obscur de Kaïs Saïed    Kaïs Saïed reçoit Brahim Bouderbala et Imed Derbali    Quasi-collision à Nice : que s'est-il réellement passé entre Nouvelair et EasyJet ?    Flottille Al Soumoud : le député Mohamed Ali témoigne depuis la Méditerranée    Avis aux Tunisiens : fortes pluies, orages et baisse des températures mardi !    Le président Kaïs Saïed cible réseaux criminels et pratiques spéculatives    À Nice : un vol Nouvelair frôle un EasyJet, enquête ouverte et passagers sous le choc    Théâtre de l'Opéra de tunis: ce vendredi, hommage posthume à l'artiste Fadhel Jaziri    De la « fin de l'histoire » à la « fin de la mémoire»    Dr Mustapha Ben Jaafar - La reconnaissance de l'Etat de Palestine, étape décisive vers la paix au Moyen Orient    Séisme de magnitude 3,2 dans le gouvernorat de Gafsa    La JSK terrassée par l'ESZ : La défense, un point si faible    Ballon d'Or 2025 : à quelle heure et sur quelle chaîne voir la cérémonie    105 000 visas Schengen délivrés aux Tunisiens en 2024 avec un taux d'acceptation de 60 %    Clôture du festival du film de Bagdad: Le film tunisien « Soudan Ya Ghali » remporte le prix du meilleur documentaire    Saint-Tropez sourit à Moez Echargui : titre en poche pour le Tunisien    Incident sur le terrain : Gaith Elferni transporté à l'hôpital après un choc à la tête    Moez Echargui en finale du Challenger de Saint-Tropez    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Slaheddine Dchicha: Qui comprend Kaïs Saïed?
Publié dans Leaders le 01 - 11 - 2019

Depuis trois ou quatre décennies, la communication politique est devenue une discipline à part entière avec ses enseignants et ses chercheurs, ses experts et ses conseillers. Ses acquis et ses principes sont désormais pris en considération et les spin doctors et autres communicants qui entourent tout homme politique sont là pour veiller à leur application quasi-systématique.
Le principe le plus connu et le plus évident, car issu de l'observation et de l'expérience, concerne la langue et son usage. Il prescrit de moduler le niveau de langue selon l'interlocuteur et selon la situation de communication. Et de fait, afin d'être efficace : convaincre ses interlocuteurs et les gagner à sa cause, l'homme politique se doit de parler leur Langue et d'adopter un registre adéquat. Et la vague populiste n'a fait qu'accentuer cette exigence puisqu'elle bannit « la langue de bois » et préconise le « parler vrai » opposé au jargon exclusif « des élites ».
Dans les pays où il y a diglossie, l'exercice se complique. Outre le choix d'un niveau de langue adéquat, s'impose l'option pour une des langues en présence. En Tunisie, les leaders politiques et les orateurs ont longtemps privilégié le « dialectal » quitte à le mâtiner d'une dose raisonnable d'arabe classique voire de quelques expressions et mots français. Et ce sont les Islamistes qui ont inauguré le recours systématique à « l'arabe classique », s'approchant ainsi du Coran et de « la nation arabe » et tournant le dos à l'Occident et au « Parti de la France »
Au grand étonnement des observateurs et des analystes, ce principe, si évident et si familier, a été superbement ignoré par le vainqueur des dernières Présidentielles tunisiennes.
La communication de Kaïs Saïed
Tout a été dit du candidat Kaïs Saïed. A quoi sont dues sa fulgurante émergence et sa notoriété soudaine ? comment ce modeste universitaire sans parti, sans programme et sans moyens s'est-il imposé en éclipsant tous ses concurrents ?...mais la question,à notre sensla plus importante, reste : « comment opère le verbe de Kaïs Saïed ? »
Le « verbe » car Kaïs Saïed n'a recours à aucune communication non-verbale. Il se fige toujours dans une attitude statique, qui interdit toute gestualité, toute mimique et tout sourire, ce qui lui a valu un surnom désobligeant qu'on répugne à mentionner ici...
En tout cas, il se dégage de l'ensemble une impression de sobriété, de sérieux et de conformisme, renforcée par le sage et conventionnel costume, impression qui semble exclure tout humour et toute familiarité comme en témoigne le baiser que lui a presque arraché son épouse, le jour de son investiture.
Sur le plan verbal, cet homme qui semble hautain et en même temps modeste, a choisi une fois pour toutes une langue qui l'éloigne définitivement de la majorité de son public, « l'arabe classique » etalorsune série de questionsde surgir : « Comment a-t-il pu balayer son adversaire avec une majorité si écrasante ? », « Comment son discours a-t-il été reçu ? », « comment a-t-il agi ? »…
Le retrait du sens
Comme tout Tunisien, il partage ce que le regretté Abdelwahab Meddeb* appelle « un universel islamique », ce vécu qui consiste pour le sujet tunisien de naître et de grandir en pratiquant comme « langue maternelle » le dialecte tunisien et à partir de quatre, cinq ou six ans de commencer à apprendre « l'arabe coranique » que l'on pourrait qualifier de la langue du père même si elle restepour lui longtemps incompréhensible : « J'avais appris le Coran presque sans comprendre »** dit Meddeb et il poursuit: « …Aussi bien par la voix que par le graphe, le statut saint de la langue s'acquiert dès que le signifiant prime sur le signifié »**
Ce retrait du sens et cette prédominance du signifiant peuvent s'observer et se mesurer quotidiennement lorsqu'on assiste à l'émotion éprouvée par un profaneà l'écoute du Coran psalmodié ou de la déclamation d'un poème en arabe classique. La compréhension s'absente et prédomine alors l'émoi esthétiqueà l'instar de ce qui se passe à la vue d'une calligraphie dans une mosquée. La langue, que ce soit oralement ou visuellement agit alors de façon qui peut** être qualifiée d'abstraite comme une peinture qui ne renvoie pas à la réalité, qui n'a pas de référent.
Nous osons prétendre que c'est ce qui s'est passé et se passe encore avec Kaïs Saïed. Monsieur Saïed n'est pas seulement un Tunisien, il est aussi universitaire et juriste et lettré, et à ce titre il cumule trois voire quatre jargons qui, en cas de mobilisation, rendent ce qu'il dit incompréhensible à une majorité de ses compatriotes.
Visiblement, il est conscient de ce qu'il fait puisqu'il choisit les mots les plus rares et les images les plus recherchées et il les déclame en exagérant systématiquement les voyelles longues donnant à son élocution des airs de récitation, de… psalmodie.
Il y a fort à parier que ceux qui l'ont compris parmi ses innombrables électeurs sont rares, mais ils lui ont fait confiance. Espérons qu'il leur rendra la politesse en leur parlant leur langue !
Slaheddine Dchicha
*Abdelwahab Meddeb, Le Pari de civilisation, Seuil, 2009, pp. 15-20.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.