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Ces échanges médicaux tuniso-français
Publié dans Leaders le 24 - 11 - 2010

Il m'échoit - et c'est un privilège insigne dont je suis redevable à mes collègues - de prononcer devant vous ce que l'intitulé du programme appelle «un mot de bienvenue» (*), à l'adresse de nos hôtes distingués, membres de l'Académie Nationale de Médecine de France. Assurément, la présence parmi nous, en ce jour, des membres de l'A.N.M. représente, pour l'ensemble des médecins de ce pays, un événement d'importance qui revêt une résonance particulière, hautement significative de par ses promesses et sa propension à l'universalité.
L'A.N.M. n'est-elle pas, sans conteste, l'institution la plus emblématique de la médecine française, et notre dette de reconnaissance envers la médecine française est immense, inaliénable, toujours actuelle? Il s'agit-là d'un sentiment profondément consensuel, partagé par tous les éléments de la population, clairement affirmé à différentes reprises par nos instances responsables, et qui ne s'est jamais départi, même lors des moments les plus aigus de la lutte pour l'Indépendance. Les noms des plus illustres parmi les vôtres, ceux que l'on désignait autrefois par la bonne et vieille expression de «Bienfaiteurs de l'Humanité», Louis Pasteur, Charles Nicolle, Ernest Conseil, Etienne Burnet, Alphonse Laveran, ornent nos avenues et nos hôpitaux.
Permettez-moi d'y adjoindre, à titre personnel, un hommage de reconnaissance à ceux qui furent mes maîtres à la faculté de médecine et aux hôpitaux d'Alger des années 40, je citerai Henri Costantini, Pierre Goinard, René Bourgeon, Etienne Curtillet, Algia Noureddine, et tant d'autres.
A l'adresse de nos hôtes distingués je désire ajouter qu'ils sont ici les bienvenus, dans un pays ami, un «vieux pays» aussi, aux dimensions géographiques certes restreintes et aux richesses naturelles modestes, mais qui a toujours axé ses efforts sur la formation et la qualité des hommes. Ils sont ici les hôtes d'un peuple qui a constamment été concerné, tout au long d'une Histoire plus que millénaire, par tous les courants civilisationnels qui ont parcouru les rivages méditerranéens, mais qui a tenu fermement à préserver sa personnalité arabo-islamique. Cela impliquait de sa part,de maintenir de prime abord intactes ses références et sa fidélité à un héritage scientifique arabo-islamique, particulièrement présent dans le domaine de la médecine.
Ces grands médecins arabes, eux-mêmes héritiers des penseurs et médecins grecs et persans, nous ont transmis leur attachement, moins à un savoir rapidement obsolète, qu'aux valeurs de la rationalité et de la compétence, aussi bien qu'aux belles traditions de la tolérance et de l'ouverture aux échanges scientifiques et culturels; ces échanges scientifiques qui furent d'ailleurs initiés depuis ces contrées, vers les pays occidentaux dès le XIème siècle. Puis-je rappeler par exemple, ce que, fortement imbu de ces valeurs, l'un des plus éminents, parmi ces ancêtres, le célèbre chirurgien de Cordoue, Abou el Qacem Khalaf ibn Abbas Az Zahraoui, connu en Occident sous le nom latinisé d'Abulcasis, recevant solennellement une délégation médicale envoyée par l'empereur de Byzance, Constantin Porphyrogénéte au Calife de Cordoue Abderraman Nasser, devait déclarer en préambule de son allocution: «Nous croyons aux valeurs de la compétence, du savoir, de la tolérance, et à la vertu des échanges et des contacts», ajoutant: «L'héritage de la science chez les gens vertueux est plus noble que celui de l'argent parce que l'argent s'effrite et diminue à l'usage tandis que la science s'amplifie et se bonifie par l'usage et les échanges». Levi- Prov.-Hist. Esp.Mus. Ed. Mais.Larose T3 p.507, Paris 1967.
Quelque deux siècles plus tard, plus près de nous, une délégation médicale mandée par le roi de Sicile, Charles d'Anjou, frère de Saint-Louis, vint à Tunis en 1281, sous la conduite du médecin interprète Farragut (Frej ben Salem) quérir auprès du sultan Hafside, Al Mustancer II, un manuscrit du «Continens» de Rhazés . Un véritable petit congrès fut organisé à cette occasion et le manuscrit fut offert gracieusement aux visiteurs, avec en prime le Zad Al Mousafer, le Viaticum d'Ibn Al Jazzar. Une belle miniature extraite du «Continens», présente à la bibliothèque nationale à Paris, montre d'un coté Charles d'Anjou recevant le manuscrit et de l'autre coté le roi Hafside de Tunis recevant l'ambassade solennelle. Mousson Lanauze nous précise à propos de ce précieux manuscrit que Louis X1 voulant un jour le consulter dut déposer son argenterie en garantie et s'engager à le restituer .(L.Leclerc ,Hist.de La Med.arabe)
En raison de circonstances historiques néfastes et prolongées, après un gigantesque autodafé dont les séquelles et les empreintes sont encore présentes dans la mémoire populaire, va s'installer dans nos contrées, tout au long des longues périodes qui suivirent , ce qu'il faut bien appeler un «désert médical»; plus d'enseignement , plus de livres, rares étaient les médecins instruits. On était loin des enseignements d'Ibn Al Jazzar et d'Ishac ibn Omrane, et de l'école de Kairouan; la pratique médicale sombrait dans un empirisme desséchant et résistait difficilement au maraboutisme ambiant.

L'anathème ainsi jeté sur le sort de la pratique médicale ne sera levé qu'à la fin du XIXème siècle, grâce à l'action des premiers éléments arabes et musulmans qui ont su répondre avec ferveur et sagacité à l'attrait du modernisme occidental. En 1898 le Tunisien Béchir Denguezli soutint sa thèse de doctorat en médecine devant la faculté de médecine de Bordeaux; il sera probablement ainsi le premier arabe à obtenir un diplôme de médecin d'une université occidentale. D'autres suivront et seront les pionniers d'une évolution bénéfique, venant témoigner de l'ardent désir des élites tunisiennes d'aller à la quête de la modernité et par-dessus tout de leur espoir de faire bénéficier leurs compatriotes des bienfaits que peut offrir la médecine occidentale. Cette dynamique connaitra son épanouissement et sera progressivement institutionnalisée au cours du Protectorat.

Son élan n'a pas fléchi depuis l'Indépendance. Au contraire pourrait-on dire. Les réels efforts consentis de part et d'autre ont abouti à une coopération demeurée performante, sans cesse réactualisée et mieux adaptée aux avancées d'un pays ambitieux dans les domaines hospitalier et universitaire; elle est citée en exemple, malgré quelques hésitations et de minimes aléas, sans doute négligeables, dés lors que les deux parties sont sincèrement déterminées à les dépasser.
Aujourd'hui, en raison des efforts accomplis, nous sommes, peut-être trop souvent enclins à porter un jugement plutôt favorable sur l'évolution de nos instituts de santé et de nos centres d'enseignement. Ne serait-ce point dû, pour une grande part, à ce que nous, peuples des rivages sud de la méditerranée - comme l'a expliqué l'excellent essayiste libanais Amine Maalouf - avons conscience d'appartenir, ne serait-ce qu'en raison des avancées de la médecine et de l'informatique, à une génération fort privilégiée par rapport à toutes celles qui l'ont précédée ?

Cependant, à l'instar de la plupart des pays émergents, ceux qui sont dans notre situation, nous sommes confrontés à un ensemble de problèmes ardus, complexes, toujours renouvelés, liés autant aux avancées de la croissance qu'à la qualité de nos options et à l'étendue de nos ambitions. Les pouvoirs publics en sont les premiers conscients qui ont envisagé avec faveur, dans ces conditions, la création d'une Académie Tunisienne de Médecine, dont le projet est à l'étude. L'A.N.M. de France n'est-elle pas, en ce domaine, notre référence première? A l'évidence, indépendamment des données radicalement différentes qui séparent une institution vénérable, vieille de trois siècles et un jeune organisme en voie de création, l'écart est immense, mais leurs fondements demeurent immuables.

Ne faut-il pas rappeler et saluer, à cet égard, les efforts incessants de réactualisation et de rénovation consentis par l'A.N.M.française pour se mettre au diapason des mutations les plus précieuses et parfois pour les initier ? On ne peut l'exprimer de façon plus lumineuse que ne l'a dit votre ministre de tutelle, Madame Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur ,lors de sa visite le 15 décembre 2009 à l'Académie lorsqu'elle a exprimé le souhait de voir votre Compagnie «continuer à nous éclairer de ses avis aussi longtemps que l'art de guérir demeurera perfectible».

Les efforts de rénovation n'ont pas toujours été, il est vrai, sans quelques remous ou débats houleux, ou même parfois «feux d'artifice». C'est une preuve supplémentaire de vitalité, a dit le président Roger Henrion, citant l'historien F. Braudel: «Le propre des sociétés est que, tels des fleuves qui débordent, elles retrouvent leur lit après l'avoir quitté
Ce qui nous importe particulièrement ici, ce sont les principes de base et de gouvernance qui vous inspirent, qui sont immuables et auxquels nous apportons notre adhésion entière et sans réserve.
Que Monsieur le président Roger Henrion me permette de citer ce passage de son discours inaugural (5 janvier 2010) dans lequel ces principes de base sont le plus clairement formulés»: L'indépendance de l'Académie est fondamentale vis à vis de quelque pouvoir que ce soit. Il est évident que notre compagnie a tout intérêt à avoir des relations courtoises avec les pouvoirs publics, mais en se gardant de toute vassalité …
«Nos membres disposent de toute liberté de pensée et d'expression, à l'écart de toute influence financière, corporatiste, politique ou électoraliste, ce qui joint à notre pluridisciplinarité est une chance inestimable».
«Les fleuves qui débordent» - avez-vous dit - «laissent des alluvions fertiles». Nous permettez-vous de considérer la visite de votre Compagnie, en ce jour, comme un de ces alluvions fertiles qui vient traverser nos territoires?
Saïd Mestiri

(*) Allocuation de bienvenue prononcée à l'occasion de la réunion à Tunis, de l'Académie Nationale de Médecine de France (21 octobre 2010)


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