Annoncée depuis quelques mois, la décision de supprimer graduellement les sachets en plastique avait suscité l'appréhension des citoyens et la grogne des producteurs. Depuis hier, une première étape a été franchie en supprimant presque totalement les sachets en plastique à usage unique des hypermarchés et des supermarchés en attendant une généralisation de cette mesure aux petits commerces. Les caissières avaient commencé à annoncer la nouvelle depuis un peu plus d'une semaine à leurs clients. Le 1er mars, plus de sachets ! Il faudra désormais penser à un autre contenant pour transporter ses courses. Parmi les possibilités offertes, le sac écologique. Deux jours avant la suppression des sachets en plastique, soit les 27 et 28 février, les grandes surfaces ont gracieusement offert ces sacs de couleur verte aux clients dont le montant des achats dépassait les 5 dinars. Seule condition, ils doivent disposer de la fameuse carte fidélité qui répertorie leurs données personnelles ainsi que l'historique de leurs courses. A défaut de quoi, les clients devront acheter le sac écologique à 1,4 D. Un prix jugé excessif par certains, raisonnable par d'autres. La bonne nouvelle est qu'en cas d'usure ou de détérioration, il est gratuitement remplacé et ce, à vie. D'autres grandes surfaces proposent quant à elles des sachets en carton, recyclables, biodégradables et totalement gratuits. Autre solution, le retour à la mythique « koffa », ce couffin traditionnel en osier qui a défrayé la chronique en devenant depuis deux ou trois ans un accessoire de mode pour les dames tunisiennes. Revisité par les créateurs, orné de pompons, de tissus colorés, de breloques et de pierres semi-précieuses, il a retrouvé un coup de jeunesse et séduit les Tunisiennes mais pas seulement. Un modèle de « koffa » a même été vendu à New York pour un peu plus de 150 dollars. En Tunisie, les prix des « koffas » customisées est quand même un peu plus doux, allant de 40 à plus de 100 D parfois. Mais le prix d'un couffin traditionnel, sans strass ni paillettes, varie entre 3 et 10 D, selon la taille. Si elle a fait, avec brio, son come back en mode, la « koffa » pourrait tout aussi bien être très utile au quotidien. Un retour aux sources qui ne peut être que bénéfique puisque ce couffin est à 100% écologique en plus de sa durée de vie allant jusqu'à plus de 20 ans en raison de la solidité de sa matière première. Pour ou contre ? Active au sein d'un réseau d'associations environnementales, Myriam désespérait de voir se concrétiser la décision de supprimer les sachets en plastique. Depuis quelques temps, elle n'y croyait plus vraiment, pensant que les autorités allaient fléchir devant la grogne des industriels. Mais quelle ne fût sa joie en apprenant qu'à partir du 1er mars, il n'y aurait plus de sachets en plastique dans les grandes surfaces. « Les gens doivent comprendre que c'est pour leur bien et celui des générations futures. Les sachets en plastique sont des dangers pérennes qui menacent l'environnement. Pour ma part, il y a bien longtemps que je les ai troqués contre notre bonne vieille « koffa ». Tout est une question de volonté et de responsabilité citoyenne. J'espère que ce premier pas sera suivi par d'autres et que les sachets en plastique disparaitront complètement d'ici quelques années. » Mais tout le monde ne partage pas l'avis de Meriem. Rencontrée à la caisse d'un supermarché, Mongia est quant à elle en colère après cette décision. En apprenant qu'il n'y avait plus de sachets en plastique, elle n'a pas arrêté de maugréer et de dénoncer cette décision « qui va rapporter gros aux gros commerces », d'après elle. Elle explique : « Ils veulent s'enrichir sur notre dos. Si à chaque fois que j'oublie de rapporter le sac vert je dois en acheter un autre, ce n'est pas gagné pour mon porte monnaie. C'est fini, désormais je fais mes courses chez l'épicier du coin. Au moins lui, il ne me demande pas de payer le prix des sachets dans lesquels il met mes courses. » Un discours qui dénote certes un certain manque de civisme mais peut-on réellement blâmer les citoyens en l'absence d'une campagne efficiente de sensibilisation et d'information. Il ne suffit pas toujours de produire des spots télévisés et radiophoniques pour convaincre les gens d'adopter de nouvelles habitudes au quotidien quand les anciennes datent de plusieurs décennies. Encore faut-il aller à leur rencontre, vulgariser l'information, montrer le bon exemple et les responsabiliser de manière intelligente et ludique. Les sacs en plastique en chiffres Selon les chiffres avancés par le ministère des Affaires locales et de l'Environnement, un milliard de sachets en plastique seraient annuellement distribués en Tunisie, dont près de 315 millions dédiés aux grandes surfaces. Ceci représenterait près de 10.000 t de déchets rien que pour les hypermarchés et les supermarchés. De même, la production de ces quelques 315 millions de sachets en plastique équivaut à l'énergie produite annuellement par 2000 voitures. Il faut aussi savoir qu'un sachet en plastique à base de pétrole, non biodégradable, mettra 400 ans avant de se décomposer. Des chiffres alarmants qui ne peuvent qu'inciter les citoyens à redoubler d'efforts pour renoncer totalement à l'usage de ces sachets en plastique qui polluent la nature, menacent les espèces marines et notamment les tortues lorsqu'ils sont jetés dans la mer mais aussi défigurent les villes lorsqu'en cas de vent fort, ils virevoltent dans le ciel ou s'accrochent dans les arbres. Après la suppression de ces sachets à usage unique, le ministère ambitionne de généraliser graduellement sa décision en englobant tous les circuits de production et de distribution.