L'heure des règlements de compte a-t-elle sonné, entre Béji Caïd Essebsi, le leader de Nidaa Tounès, et le Chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et les deux ont-ils compris ce que son partenaire et allié dans la coalition gouvernementale est en train de magouiller ? Ghannouchi a attelé ses chevaux pour annoncer la confrontation et montrer que les islamistes veulent être les maîtres à bord, surtout après avoir réussi à imploser Nidaa Tounès et à le détruire à l'aide de leurs sbires infiltrés. Je n'ai rien contre le mouvement Ennahdha, mais j'abhorre les manigances et les magouilles des politicards pour arriver au pouvoir. Après l'échec de leur passage au pouvoir et l'approche des prochaines élections locales, puis présidentielles et législatives, les Nahdhaouis montent au créneau pour faire valoir leur mainmise sur tous les rouages de l'Etat. Grâce à leur alliance avec Nidaa, Rached Ghannouchi et ses acolytes ont cru que plus rien ne leur résistera, mais ils ont oublié qu'à l'arrivée, il y a un peuple qui tranchera et comme la majorité qui les a bouté hors de la majorité, lors des précédentes élections, ils risquent de tomber des nues en subissant une autre défaite cinglante aux prochaines élections. Le plus important pour eux, c'est le pouvoir, mais il faut le mériter, alors que ce qu'ils sont en train de méditer et de programmer leur a fait perdre du terrain, par rapport à l'audience qu'ils avaient, après la chute de Zine El Abidine Ben Ali, et beaucoup d'eau coulera sous les ponts avant les prochaines élections électorales Alors que plus de 2 ans nous séparent des prochaines élections présidentielles, les islamistes d'Ennahdha ont du mal à dissimuler leurs intentions de participer à la course, même s'ils s'obstinent à affirmer qu'ils ne pensent aucunement à ce rendez-vous électoral. Reste toutefois que l'interview de leur leader accordée à Nessma TV, démontrent le contraire.. Réuni dimanche à Hammamet, le Conseil de la Choura d'Ennahdha a décidé, sans surprise, de s'aligner sur la position de Ghannouchi, qui a sommé le Chef du gouvernement Youssef Chahed de ne pas se présenter aux présidentielles, alors que ce dernier n'a jamais fait part de son intention de le faire. Craignent-ils à ce point l'audience grandissante acquise par Chahed ( 80 %), du fait de son ferme engagement et de ses premières actions de lutte contre la corruption ? A l'issue de la réunion du Conseil de la Choura, son président, Abdelkarim Harouni, a appelé le gouvernement d'union nationale à se limiter aux objectifs qu'il s'est fixé, notamment la lutte contre la corruption et les principes du Pacte de Carthage. « Nous appelons le gouvernement à se consacrer sur ces priorités »a-t-il déclaré, soulignant que certains, à l'inverse d'Ennahdha, cherchent à perturber le travail du gouvernement à travers les luttes politiques et les campagnes électorales. « Pour notre part, nous voulons nous concentrer sur les prochaines élections électorales pour arriver, de nouveau, à la tête de la hiérarchie » mais entre espérer et pouvoir, il y a tout un monde. Ennahdha se présente donc comme un élément incontournable du paysage politique et cela est dû à plusieurs facteurs dont notamment le fait que la gauche, très attachée à ses principes éculés, n'avait pas voulu faire partie de la coalition gouvernementale. Le Conseil de la choura s'est mis sur son trente-et-un, en tenue de combat traditionnel pour déclarer la guerre au gouvernement, mais la tenue ne fait pas le moine et les Tunisiens qui sont attachés à leur Islam ont compris que le commerce de la religion ne passe plus. Rached Ghannouchi a considéré, le 1er août, qu'il fallait interdire à Youssef Chahed de se porter candidat à l'élection présidentielle. Deux jours plus tard, Saïda Garrache, porte parole de la Présidence, a répercuté la position du président de la République Béji Caïd Essebsi . Pour elle ce dernier a, comme tout le monde, suivi les propos de Rached Ghannouchi à la télévision sans en connaître au préalable le contenu. Elle a ajouté que si, constitutionnellement, Béji Caïd Essebsi ne peut prendre position au sujet d'une éventuelle candidature de Youssef Chahed à l'élection présidentielle, rien, dans le document de Carthage (base politique du gouvernement d'union nationale dirigé par Youssef Chahed), n'interdit à l'actuel chef de Gouvernement de se présenter à l'élection présidentielle. Elle a précisé que l'interdiction faite à l'ex-chef de gouvernement, Mehdi Jomaa en 2013, était consécutive à un processus juridique et une situation politique autre et qu'elle ne concernait en rien l'actuel chef de gouvernement. Toutefois, des critiques ont émaillé ces propos. Certains observateurs auraient souhaité une réaction plus vigoureuse du président lui-même pour contrer une déclaration aussi anti-démocratique et agressive de Ghannouchi qui veut ni plus ni moins qu'exclure de la vie politique, sans aucune base logique ni juridique, l'actuel chef du gouvernement. Béji Caïd Essebsi, en principe garant du respect de la Constitution, aurait pu défendre la liberté, pour chaque Tunisien, de se porter candidat à la Présidence de la République, lui qui est souvent intervenu pour des questions bien moins importantes et constitutionnellement délicates, surtout que les affaires du gouvernement le concernent de façon directe. Ainsi, il est de plus en plus clair que tout ne va pas pour le mieux entre le président de la République et son allié d'Ennahdha, même si Ghannouchi tente de se racheter et de jeter des fleurs à Béji Caïd Essebsi. Ce qui ne va pas sans conséquences sur la situation générale dans le pays. Par ailleurs les fronts se multiplient face à la marche résolue de Youssef Chahed qu'une bonne et confortable majorité de Tunisiens soutient dans sa lutte contre la corruption, le terrorisme et le jeu d'influence morbide et douteux. La crise est ouverte et les deux parties semblent aux antipodes l'une de l'autre, alors que, actuellement, on joue à visages découverts. Certains vont surement chercher à attiser le feu et à approfondir les divergences... mais aux dépens de qui ?