Au niveau des caisses sociales, les feux clignotent au rouge. Les menaces qui pèsent sur les pensions de retraite, la couverture maladie et autres prestations sociales fournies par la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance sociale (CNRPS) et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) à leurs affiliés sont très élevées en ces temps de fortes pressions sur les finances publiques. Selon les prévisions du ministère des Affaires sociales, le déficit des caisses sociales devrait dépasser la barre de 2 000 millions de dinars (MD) à la fin de l'année en cours contre 17 00 MD en juillet dernier. D'où la nécessité de parvenir à un consensus sur la réforme des régimes de sécurité sociale dans les plus brefs délais entre le Gouvernement, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Jusqu'ici, les partenaires sociaux peinent à raccorder leurs violons sur cet épineux dossier que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution ont préféré repousser à plus tard. Le gouvernement semble toujours tenté par les solutions les plus faciles à mettre en œuvre en l'occurrence le relèvement de l'âge du départ à la retraite et l'augmentation des cotisations salariales et patronales. Dans ce cadre, l'exécutif prévoit le relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite et une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent et la révision à la hausse des cotisations des employés et des employeurs. Le gouvernement envisage, d'autre part, le recours, à la TVA sociale, un mécanisme prévoyant l'augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de quelques points supplémentaires pour que les recettes additionnelles générées par cette hausse puissent financer les dépenses de sécurité sociale. La révision du mode de calcul de la pension de retraite semble avoir été délaissée. Cette solution qui implique une réduction des pensions est la plus difficile à mettre en œuvre en r raison de ses redoutables retombées sociales. L'UGTT considère en effet toute tentative de révision du mode de calcul des pensions comme une atteinte aux droits acquis. Diversification des sources de financement Les partenaires sociaux, qui débattent de la réforme des régimes de retraite au sein de la commission de la protection, sociale semblent cependant s'accorder sur la diversification des sources de financement des caisses sociales. L'UGTT et l'UTICA ne voient pas en effet d'un mauvais œil l'intention du gouvernement d'instaurer de nouvelles taxes affectées au financement de la sécurité sociale. Ces taxes concerneraient plusieurs produits et services non essentiels comme le tabac, les boissons alcoolisées, les jeux par SMS et les paris sportifs. L'idée de taxes sur les produits non essentiels s'inspire de l'expérience française, où plus de 50 taxes sur des produits non essentiels ou superflus sont réversées au financement des caisses sociales. A titre d'exemple, seuls 20% des recettes de la vente des cigarettes en France vont dans les poches des buralistes et des fabricants de tabac. Le reste, soit 80%, va à l'Etat. Il est reversé à des organismes de protection sociales, dont les caisses de sécurité sociale et la Caisse nationale d'assurance-maladie. Face au déficit grandissant des caisses sociales, l'Etat était obligé d'injecter 800 MD durant l'année écoulée pour permettre aux deux principales caisses de sécurité sociale de continuer à honorer leurs engagements. Ce déficit trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues le pays au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l'espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l'emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui financent grâce à leurs cotisations les pensions des retraités dans le cadre du de financement basé sur la répartition et la solidarité entre les générations) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,5 actifs pour 1 retraité actuellement. Pour la CNSS, ce ratio est de 3,8 actifs pour 1 retraité.