Le gouvernement n'entend visiblement pas croiser les bras face au creusement du déficit de la balance commerciale. Il entend actionner le levier des restrictions des importations en augmentant les droits de douane sur plusieurs produits, ce qui revient à activer les fameuses clauses de sauvegarde prévues par les accords commerciaux liant la Tunisie à bon nombre de ses partenaires commerciaux. L'objectif est de maîtriser raisonnablement les importations dans le cadre de la loi et des engagements internationaux du pays, concomitamment à la mise en œuvre d'une stratégie de relance des exportations Selon des sources proches du ministère du Commerce et de l'Industrie, les droits de douane seront augmentés pour une soixantaine de produits qui concurrencent directement des biens fabriqués localement comme le prêt-à-porter, les chaussures, les articles en cuir et les graines de tournesol. Les entreprises opérant dans le cadre de la franchise ou de représentation commerciale d'une marque étrangère seront, quant à elles, sommées de recourir à un taux d'intégration des produits locaux de pas moins de 30%. Les importations des établissements publics seront, par ailleurs, soumises au droit de regard de la présidence du gouvernement, en vue de réduire les dépenses. Outre l'allègement de la facture des importations, ces mesures contribueront aussi à encourager l'industrie locale et à renflouer les caisses de l'Etat. Sur un autre plan, les quotas d'importation de voitures par les concessionnaires au titre de 2018 pourraient être révisés à la baisse tandis que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) recourrait à des instruments de politique monétaire pour ralentir les crédits à la consommation. Le ministère du Commerce et de l'Industrie avait déjà annoncé récemment avoir augmenté les taxes sur les produits de consommation importés de Turquie. Nos relations commerciales avec la Turquie sont régies par un accord portant sur la création d'une zone de libre-échange signé le 25 novembre 2004 à Tunis et qui est entré en vigueur le1er juillet 2005. Cet accord prévoit l'instauration progressive d'une zone de libre-échange à l'issue d'une période transitoire de 10 ans pour les produits industriels. Quelques produits agricoles sont exonérés dans la limite d'un contingent, dont notamment les dattes à l'exportation dans la limite de 5000 t. Mais le cadre légal et réglementaire régissant les relations commerciales entre Ankara et Tunis ne s'est pas limité à cet accord de libre-échange. Une plateforme de mise en contact et de partenariat entre les entreprises tunisiennes et leurs homologues turques, la «Tunisian Turkish Trade» (TTT) a été créée en 2012 dans le but de promouvoir davantage les échanges entre les deux pays. En 2013, l'Assemblée nationale constituante a ratifié une loi organique adoptant la décision du conseil de partenariat tuniso-turc du 23 janvier 2013, portant sur la révision des tableaux A et B du protocole 2 de l'accord de libre-échange relatifs aux produits agricoles, les produits agricoles transformés et les produits de la pêche maritime. C'est ainsi que les graines de tournesol, le lait, les céréales et certains types de légumes ont été ajoutés à la longue liste de produits turcs importés par la Tunisie et qui comprenait notamment les huiles végétales, le coton, l'acier, le papier, les fibres industriels, les équipements mécaniques et les articles de prêt-à-porter. Ces marchandises turques superflues et dont plusieurs sont produites par les industriels tunisiens ont inondé le marché dans un contexte d'absence de la compétitivité des produits tunisiens. Pour rappel, le solde de la balance commerciale est déficitaire de 8,628 milliards de dinars, durant les sept premiers mois de l'année 2017 (janvier-juillet) contre 6,856 milliards de dinars durant la même période en 2016. Ce déficit découle de la divergence au niveau du rythme de croissance entre les importations (+18,8%) et les exportations (+15,9%). Cette divergence est due à son tour au déficit enregistré avec certains pays, comme la Chine (-2,378 milliards de dinars), l'Italie (-1,156 milliard de dinars), la Turquie (-1,014 milliard de dinars), la Russie (-840 MDT et l'Algérie (-259,7 MD). Cependant, le solde de la balance commerciale a enregistré un excédant avec d'autres pays principalement avec la France (+1,747 milliard de dinars, la Libye (+443,4 MD) et le Royaume-Uni (+150,2 MD).