Suite à la Journée de la colère organisée par les journalistes vendredi dernier et largement relayée par les médias internationaux, le Président de la République a rencontré, hier, les membres du Syndicat National des Journalistes Tunisiens au palais de Carthage. Un entretien cordial et positif selon Zied Dabbar, membre du SNJT, lors duquel le président Essebsi a clairement déclaré qu'aucun retour en arrière n'était possible en matière de liberté de presse et d'opinion. Il a également annoncé que des mesures seront prises pour garantir la sécurité des journalistes et qu'aucune entrave au libre exercice de leur métier ne serait tolérée. L'heure est donc l'apaisement surtout que la grogne des journalistes tunisiens a suscité beaucoup d'inquiétude au delà de nos frontières, comme le confirme Anthony Bellanger, Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ). Interview. Comment la FIJ a accueilli l'annonce de l'organisation d'une journée de la colère par les journalistes tunisiens? La FIJ soutient par principe ses affiliés quand il s'agit de défendre la liberté d'informer et la liberté de la presse. Il se trouve que la situation récente en Tunisie est inquiétante et il fallait que le SNJT prenne la place qui est la sienne, à savoir rappeler aux pouvoirs les graves dérives dont ils sont responsables envers les journalistes et la presse en général. C'est intolérable en démocratie. Saviez-vous avant cette date que des menaces planaient sur la liberté de la presse en Tunisie ? Avant cette date, je ne pouvais pas imaginer que des menaces pouvaient planer sur la liberté de la presse. D'autant plus que je viens régulièrement en Tunisie et que j'ai compris jusqu'à maintenant que le syndicat entretenait de bonnes relations de partenaires sociaux avec les patrons et le gouvernement. Mais, là, je dois dire que je suis inquiet et il est urgent que cela cesse. Doit-on vraiment craindre le pire ? Un retour en arrière, à la censure et à la dictature, est-il possible d'après vous ? Le pire est toujours possible, malheureusement, mais il n'est pas souhaitable bien entendu pour la Tunisie et les Tunisiens. La Tunisie est une jeune démocratie, mais elle doit trouver ses propres équilibres démocratiques pour ne pas verser dans l'irréparable. J'ai rencontré personnellement le président du gouvernement et le Président de la République tunisienne en novembre et tous les deux ont rappelé leur attachement à la liberté de la presse et au travail des journalistes pendant nos entretiens. Je veux rappeler aussi que la Président tunisien est signataire de la Déclaration sur la liberté des médias dans le monde arabe en août 2016. Faire précisément le contraire pose un vrai problème de fond, y compris un problème politique pour la Tunisie. Lors de votre dernière visite à Tunis, vous avez été reçus par le Président de la République. Vous a-t-il paru conscient des difficultés rencontrées par les journalistes dans l'exercice de leur profession et des menaces qui pèsent sur la liberté de la presse ? Le Président est quelqu'un de très expérimenté, très affable et connait parfaitement les problèmes que rencontrent les journalistes dans son pays. Les récentes décisions ou actions de son gouvernement ne sont pas tolérables et en tant que garant de la démocratie dans son pays, il doit intervenir, proposer des actes forts et s'assurer que sa signature pour la déclaration sur la liberté des médias soit honorée. Le choix de la FIJ s'est porté sur la Tunisie pour y organiser le 30ème Congrès Mondial en 2019. Un choix aujourd'hui menacé ? Des changements sont-ils envisageables ? On ne renoncera pas à l'organisation de notre 30e congrès mondial en Tunisie en 2019. La FIJ n'a pas l'habitude de rebrousser chemin quand il y a des problèmes sur sa route. Au contraire, tout notre travail a un sens lorsque nous allons sur le terrain, là où des menaces planent notamment. J'irai autant de fois qu'il sera nécessaire en Tunisie pour rappeler que la FIJ soutient les journalistes tunisiens et le SNJT, son affilié. J'attends avec impatience le compte-rendu des rencontres entre le SNJT et les représentants politiques car il est clair que la Tunisie est toujours sous le feu des projecteurs de la profession entière, et ceci partout dans le monde. Propos recueillis par