Il a fallu le passage de Lotfi Zitoune, premier conseiller politique (de l'ombre) de Rached Ghannouchi, avant-hier, au plateau d'une T.V tunisienne, pour comprendre qu'Ennahdha a tourné la page de « l'inquisition nationale » contre les destouriens, les RCDistes et les Bourguibiens de tout bord et que désormais seule la « réconciliation » doit prévaloir ! Cet homme aux destins multiples, est passé rapidement du « frère musulman » exilé pendant 20 ans, par le système à Londres, à l'un des hommes forts du parti islamiste qui trônait sur la Troïka en 2012 et qui haranguait les foules de la fameuse tente du « Sheraton » pour dénoncer la « presse de la honte » (Iîlam al Aâr), pour tirer, enfin, quelques leçons et se positionner comme le promoteur d'une démocratie de l'islamisme « laïcisant » ouvert sur la modernité et garantissant tous les droits et les libertés intellectuelles et physiques. Pour ma part, je trouve qu'il a réellement du mérite pour avoir sauter d'un coup, 14 siècles de rétention obscurantiste et de conservatisme religieux, où le « clergé » musulman, à l'image de l'Iran ou du Soudan de Hassen Tourabi, ne s'identifient qu'à la « République islamique » pure et dure ! Aller jusqu'à refuser la prolongation du mandat de l'IVD de Sihem Ben Sedrine, créée de toute pièce pour faire le procès de l'ancien régime, il faut le faire ! Du coup, beaucoup de réactions mitigées et contradictoires. Les uns n'y voient qu'une manœuvre électorale, pour prendre possession, le plus « démocratiquement » du monde, des municipalités qui constitueront les bases de la future « République islamique » en Tunisie de fait, à l'image de la Turquie d'Erdogan. D'ailleurs un grand ami de la Tunisie, Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de France, a mis en garde hier, toute l'Europe et l'Occident sur les conséquences catastrophiques d'une victoire, ras de marée, des islamistes aux municipales tunisiennes en mai prochain. Les autres plus ouverts à l'idée d'une réelle évolution des islamistes (tendance Ghannouchi, Laârayedh, Bhiri, Laâdhari et Hammami), saluent cet effort d'adaptation au monde d'aujourd'hui, et pensent qu'Ennahdha, dans une bonne majorité, non seulement accepte de plus en plus le jeu démocratique, mais constitue un atout pour la stabilité politique du pays. Mieux encore, beaucoup de personnes parmi les hommes d'affaires, les commerçants et des pans entiers des classes moyennes, trouvent Ennahdha rassurante sur le plan économique, parce que libérale et critique de la bureaucratie tentaculaire de ce pays. Ce qui est encore plus paradoxal, c'est que les forces dites « progressistes » ne font que favoriser ce sentiment en poussant aux sit-in et aux grèves depuis 7 ans. Les gens comparent, la Turquie, malgré la politique contestable du président Erdogan et son islamisme politique affiché, continue à cultiver sa croissance désormais indétrônable à 8% du PIB/l'an. Son matelas en devises fortes et l'un des plus confortable du monde et s'approche des standards asiatiques, Chine, Japon, Corée du Sud et Malaisie, car la Turquie est bien le champion toutes catégories de l'export en Asie mineure et à l'Est de l'Europe. Bientôt la Turquie va inaugurer le plus grand aéroport d'Europe pour surclasser, tenez-vous bien, celui de Francfort, jusque-là premier de la classe en Europe et 2ème du monde après Atlanta aux Etats-Unis. Or, toute cette réussite est le fruit de la stabilité politique, de la paix sociale et surtout à la gestion non bureaucratique de l'économie turque, de loin la plus libérale de la zone du Moyen-Orient. Les Tunisiens, après avoir succombé aux charmes de la démocratie politique, paient aujourd'hui, leur manque de discipline et les conséquences dramatiques de la « rebellion » permanente qui ont mis à terre et l'Etat de droit, et l'économie. Aucun gouvernement ne veut désormais prendre le risque d'un affrontement social majeur. D'où ces « négociations » qui trainent en longueur et en largeur au bassin minier, à l'Education nationale et dans d'autres régions. Même l'UGTT n'arrive plus à canaliser, parce qu'elle a donné trop de marge de liberté d'action syndicale à certaines de ses bases surchauffées. Tout cela compte dans la remontée d'Ennahdha ! Après tout on oublie que le Tunisien sait faire la différence entre l'important et l'essentiel. L'important aujourd'hui, c'est de préserver la démocratie naissante. Mais l'essentiel c'est de survivre et de voir l'économie respirer à nouveau les brises d'oxygène de la croissance, qui piétine. Or, l'économie n'a pas les sentiments, ni le romantisme de la politique et la discipline tient les clefs de la réussite économique... ce qui ne plaît pas à tout le monde ! Alors, un conseil à ceux qui veulent bien l'étendre. Si vous voulez l'équilibre politique et circonscrire la remontée en puissance des islamistes... Faites moins de grèves ! Quant au gouvernement il se doit de faciliter la vie aux gens et surtout aux promoteurs économiques. Youssef Chahed l'a compris ! K.G