Bien qu'ils aient tenté de rectifier le tir, les principaux conseillers du président de la République n'étaient vraiment pas au courant que leur chef allait accorder une interview exclusive qui devait, initialement, être diffusée sur la chaîne privée Nessma et la radio privée Mosaïque FM. Interview par le rédacteur en chef de cette dernière et par l'un des chroniqueurs de Nessma, le président de la République a finalement vu son interview diffusée uniquement sur Nessma, après que Mosaïque FM s'est excusée auprès de ses auditeurs expliquant qu'elle ne pouvait diffuser l'entretien parce qu'elle n'a pas accéder à sa version complète d'avant le montage. Rappelant que l'éthique du métier requiert que, pour diffuser une interview, il faut tout d'abord la visionner dans son ensemble. Réagissant à ce communiqué, Nessma a expliqué que c'est le chef de l'Etat en personne qui a «commandé» cette interview enregistrée samedi 14 juillet au palais de Carthage et qu'avant sa diffusion dimanche soir, Béji Caïd Essebsi l'a visionnée pour donner son accord final. Pour Abdelaziz Kotti, récemment de retour au mouvement de Nidaa Tounes, Mosaïque FM et Al Hiwar Ettounssi n'ont pas diffusé ladite interview à cause du gouvernement et de son chef, Youssef Chahed, qui aurait fait pression sur les deux stations pour qu'elles «isolent» le chef de l'Etat ce qui préparerait, selon l'intéressé, un coup d'Etat. Il est en effet inhabituel qu'un entretien télévisé avec le président de la République soit rejeté par des stations privées mais tout cela aurait pu être évité si le premier concerné avait tout simplement choisi d'aller vers les chaînes publiques ce qui aurait, peut-être, faire éviter tout ce débat «inutile». Pour revenir au contenu de l'interview en question, deux choses sont à retenir ; l'appel lancé par Béji Caïd Essebsi pour que Youssef Chahed démissionne ou pour qu'il demande le renouvellement de la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et sa déclaration relative au limogeage de l'ancien ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem. Bien qu'il ait confirmé que cela relève des prérogatives du chef du gouvernement, le président de la République a déclaré qu'il était contre le timing du limogeage et qu'il l'avait même dit à Chahed. Faisant une fine liaison entre cet évincement et l'attentat terroriste de Jendouba, Béji Caïd Essebsi s'est dit insatisfait des choix sécuritaires du chef du gouvernement qu'il a lui-même désigné en août 2016. En somme, l'interview du président de la République – qui n'a pas vraiment été suivie par le grand public à cause de la finale de la Coupe du monde – pourrait être décrite par un seul mot; étonnante. Il est en effet étonnant que Béji Caïd Essebsi ait accordé cette interview sans en parler à ses principaux conseillers en la matière, qu'il ait ouvertement appelé le chef du gouvernement à démissionner, qu'il ait remis en question les chiffres et les accomplissements de la Kasbah, qu'il ait publiquement critiqué les nouvelles nominations sécuritaires alors qu'il est lui-même chef du Conseil de la sécurité nationale, qu'il se soit tout simplement affiché en tant que fervent opposant au gouvernement ne laissant justement rien à l'opposition pour jouer son vrai rôle. Drôle d'interview, drôle de timing et drôle de façon de faire dans un pays qui tremble à chaque bouffée d'air... Salma BOURAOUI