Pour la seconde semaine consécutive, les parents des élèves descendent à la rue et envahissent la place publique dans un grand nombre de villes contre la suspension des examens et pour réclamer la reprise des cours au sein des établissements scolaires publics. En grève depuis trois semaines, le cadre enseignant a déserté l'école publique afin de mettre de la pression sur le gouvernement. Au cœur de cette bataille que se livre la Fédération Nationale de l'Enseignement secondaire (FNES) relevant de l'UGTT et le ministère de l'Education, les élèves en paient, malheureusement, les pots cassés. Le mouvement des «Parents en colère» a organisé une vague de manifestations durant la journée du 24 janvier 2019. . Celle ayant eu lieu devant la Bonbonnière de Tunis, a réuni plus d'une centaine de parents et d'une vingtaine d'élèves qui, bravant le froid glacial qui s'abattit sur la capitale, se sont mobilisés pour exprimer leur ras-le-bol. Parents et élèves ont joints leurs voix pour dire STOP aux trois parties responsables d'un tel massacre au secteur éducatif, aussi bien l'UGTT, le gouvernement et la présidence de la République. Yakoubi dégage ! Le message est clair. Venus par centaines, les parents d'élèves ont rappelé que l'éducation de leurs enfants est une ligne rouge et que l'enseignement est un métier noble et sacré. Ils ont crié leur ras-le-bol quant au fait que leurs enfants aient à payer les frais et soient exposés aux dangers de la rue alors qu'ils devraient être sur les bancs de l'école. La grève et la suspension des examens, le spectre d'une année blanche sont inadmissibles pour ces citoyens issus exclusivement de la classe moyenne et ouvrière qui se sacrifie et s'endette afin de garantir un bel avenir pour leur progéniture. Le message est clair : ces parents réclament le droit de leurs enfants à l'éducation et demandent à ce que cette crise entre la FNES et le ministère de l'Education soit résolue entre les deux parties prenantes autour d'un débat sans que cela affecte l'enseignement et la sécurité des élèves. Des slogans explicites et directs ont été brandis : «Arrêtez de marchander avec l'avenir de nos enfants ! », « Yakoubi dégage ! », « l'éducation de nos enfants est une ligne rouge ». Outre la kyrielle de chantiers ouverts, le torchon continue de brûler entre l'UGTT et le gouvernement également dans le secteur de l'éducation. Un feuilleton qui dure depuis des années et qui ne semble pas prêt à s'achever. Le Législatif s'en mêle et auditionne Lassaad Yakoubi, le Secrétaire Général de la Fédération Nationale de l'Enseignement Secondaire (FNES) par la commission parlementaire de la jeunesse et de l'éducation afin de trouver une sortie à la crise. Quant au ministre de l'Education Hatem Ben Salem, commentant la crise, parle d'un complot politique aux aspirations électorales, mais se dit prêt à s'assoir avec l'UGTT et à négocier sans que cela altère l'enseignement des enfants et l'année scolaire en cours. Melek LAKDAR Témoignages poignants Présent sur place, Le Temps a collecté des témoignages de parents et d'élèves ainsi que du cadre enseignant. Le cri des parents « Je m'adresse au président de la République et au Chef du gouvernement qui semblent dormir sur leurs lauriers face à cette crise : Faites appliquer la loi ! Qui est responsable de cette crise dont sont victimes nos enfants ! Cette mascarade dure depuis 3 ans. J'aurais aimé que les enseignants soient un rempart contre cette bataille et non pas l'inverse ». « Nous sommes perdus, nos enfants le sont encore plus ! Le gouvernement ainsi que l'UGTT doivent trouver une solution, s'entendre ! tout ceci est inadmissible. Nous appréhendons l'année blanche. Comble de l'ironie, le syndicat qui nous menace. Pourquoi l'Etat ne fait appliquer la loi ? » « S'il y a bien des secteurs intouchables et sacrés, c'est bien ceux de la santé et de l'éducation. Je ne suis pas contre le fait qu'i y ait des augmentations pour les enseignants mais cela doit se faire sous forme de débat avec le gouvernement. Les élèves ne doivent pas être mêlés à toute cette charabia. Nous nous sacrifions jour et nuit pour éduquer nos enfants. Aujourd'hui, ils traînent dans la rue, sont menacés de délinquance. La révolte des élèves « Arrêtez de jouer avec notre avenir ! Nous refusons d'être des boucs-émissaires. » « Certains élèves ne sont pas conscients de la dangerosité de ce qui se passe et profite même de la grève. Je les appelle à beaucoup plus de sérieux. Nous sommes les seules victimes et ne ne devons pas nous taire. Pour nous, tout le monde est impliqué. A commencer par le ministre qui se doit de prendre une décision radicale. L'enseignement est l'avenir du pays et ils jouent avec ! » « Nos enseignants et nos parents doivent être conscients ! Certains veulent privatiser l'enseignement ! Une année blanche serait une catastrophe ! Nous réclamons une année stable et des conditions des plus normales. C'est notre plein droit. Tout le système éducatif est à revoir et à réformer ! » « L'enseignement est élémentaire pour l'avenir du pays ! l'Etat doit investir dans cette force humaine ! Le vrai syndicaliste fait son devoir et demande en même temps son droit. Il ne fait pas payer les frais à l'élève et au parent. Il peut demander ses droits de manière plus démocratique et civilisé : porter le brassard rouge, négocier. Y a bien d'autres moyens pour se révolter au lieu de faire de nous un moyen de pression ! Nous refusons d'être des boucs émissaires. « Je suis tout à fait d'accord avec l'UGTT et je comprends aussi la colère des parents. Mais, ils auraient dû manifester devant le ministère. C'est là où tout se joue. » H.K, enseignante « Je suis tout à fait d'accord avec la FNES, car le professeur est le seul employé qui a pris sur lui pour garantir le succès des années scolaires depuis la révolution jusqu'à nos jours aussi. C'est un citoyen qui respecte ses devoirs envers l'Etat alors que ce dernier dénie son droit de travailler dans des conditions acceptables. Par ailleurs, un Etat qui se respecte doit tenir ses promesses, doit se pencher sérieusement sur le secteur de l'éducation et en faire une priorité nationale. Je compatis avec la colère des parents. Mais, ils auraient dû manifester devant le ministère car c'est là où tout se joue réellement. »