«Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ» est une pièce de théâtre documentaire, hommage à l'un des plus grands écrivains africains. Les écrits restent, les paroles s'envolent. Mais quand les paroles deviennent des écrits, l'on peut se dire que c'est conservé la tradition orale. En Afrique, lorsqu'on demande qui est le plus grand défenseur de cette tradition orale, certains répondront, sans aucun doute, Amadou Hampâté Bâ. Un ethnologue, écrivain, poète, conteur, historien malien qui, durant sa vie, a défendu la tradition orale par ses citations et ses écrits. Cela pourrait paraître paradoxal, mais aucunement, quand on y réfléchit bien. Patrimoine de la littérature africaine francophone, Amadou Hampâté Bâ, décédé en 1991, à l'âge de 91 ans, a marqué toute une génération d'Africains. Et pour que les nouvelles le découvrent et ne l'oublient pas, une pièce de théâtre a été produite sur sa vie, son parcours, ses idées. Mais peut-on appelé cela une pièce de théâtre. Oui, mais pas au sens général d'une pièce de théâtre, avec comédiens, actions, réactions, etc. Cette pièce intitulée «Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ» est plus un documentaire, narré par un comédien, Habib Dembélé, accompagné d'un musicien multi-instrumentiste, Tom Diakité qui joue et chante, par moment, et raconte aussi, le tout mis en scène par Hassane Kassi Kouyaté, sur un texte écrit par Bernard Magnier. Une sorte de film documentaire mais sur scène, avec en fond, sur un écran, des photos de l'écrivain malien, ou des extraits de ses discours. Une pièce que l'on peut associer aussi à une soirée au cours de laquelle un griot narre un conte fantastique, où le héros, parti de rien, devient l'un des piliers de la Culture africaine. Une soirée où l'oral et l'oralité ont toute leur place. Un titre référence Le titre, «Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ» ne fait aucunement référence au film «Le fabuleux destin d'Amélie Poulain», mais à une œuvre de l'écrivain, «L'étrange destin de Wangrin» (1973). Et des références, il y a en a tout au long du spectacle, comme pour donner des exemples de la verve de cet homme qui a marqué par ses citations. La plus célèbre est sans nul doute la phrase qu'il prononça en 1960 à l'Unesco : «En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle.» ; un cri d'alarme, un cri du cœur, sur l'extrême fragilité de la culture ancestrale. Mais, il a d'autres citations qui ont émaillé ses écrits et ses discours. Amadou Hampâté Bâ disait de notre continent : «Oublions le mal, gardons le bien, nous montrerons que l'Afrique en grande partie est noire, elle n'est pas obscure, elle est sage». Il disait aussi : «Les hommes peuvent atteindre un but commun sans emprunter les mêmes voies». Ou encore, dans son œuvre «Petit Bodiel» (1976) : «Un conte est un miroir où chacun peut découvrir sa propre image...». Et durant «Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ», des contes ou des extraits ont été dits, comme «La querelle des deux lézards ou Il n'y a pas de petite querelle» ; très instructif. Sauver l'Afrique ! Beaucoup d'émotions a transpercé tout au long de la pièce. Des émotions non contenues par le comédien, qui, vers la fin, n'a pu s'empêcher de pleurer, entraînant avec lui les personnes présentes, dont la fille d'Amadou Hampâté Bâ, représentant la fondation du nom de son père, sise en Côte d'Ivoire. Des pleurs de tristesse pour un homme qui a tant fait et qui a tiré la sonnette d'alarme. Des larmes aussi pour l'Afrique que les dirigeants de certains pays, qui la composent, et les puissances occidentales, colonisant le continent par d'autres moyens que l'occupation directe, essayent à tout prix de laisser à la traîne et sous leurs talons. Des sanglots parce que ceux qui ont fait l'Afrique ont disparu et que personne n'a voulu les entendre et les écouter. Quels grands hommes ou quelles grandes femmes possède notre continent aujourd'hui ? Nous sommes réduits à une sorte d'esclavage car nous n'avons pas su écouter, nous référant toujours à l'Occident... «Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ» peut être un remède à notre guérison -car nous sommes bel et bien malades-, si nos enfants savent entendre, écouter et penser d'eux-mêmes, car «Ce n'est pas le jour de la battue qu'il faut dresser son chien de chasse», («L'étrange destin de Wangrin»). Et pour reprendre encore les mots de ce monument : «Ne regrette rien, il faudra toujours continuer à apprendre et à te perfectionner, et ce n'est pas à l'école que tu pourras le faire. L'école donne des diplômes, mais c'est dans la vie qu'on se forme» («Amkoullel l'enfant peul»/1991). «Quelle que soit la valeur du présent fait à un homme, il n'y a qu'un mot pour témoigner la reconnaissance inspirée par la libéralité, et ce mot c'est : merci». («L'étrange destin de Wangrin»). Alors merci à l'équipe de la pièce «Le fabuleux destin d'Amadou Hampâté Bâ».