Un regard sur la richesse de la préhistoire tunisienne permet de sortir des chemins battus et découvrir un pan rarement mis en valeur de notre legs culturel. Dans les musées ou in situ, plusieurs témoignages issus de la nuit des temps nous racontent les pages les plus lointaines de notre préhistoire. Par convention, plusieurs spécialistes situent la fin de la préhistoire tunisienne à la fondation de Carthage ou d'Utique par les Phéniciens venus de Tyr. Peu importent les classifications lorsqu'il s'agit de découvrir des vestiges du passé antérieur disséminés aux quatre coins de la Tunisie. Les extraordinaires dolmens d'Ellès Sans entrer dans les détails relatifs aux ères paléolithique ou néolithique, une simple revue grossière permet de constater qu'il existe un nombre relativement élevé de sites préhistoriques qui ne sont pas très connus du public. Nombre de ces sites sont constitués de tombes préhistoriques ou protohistoriques. Les plus impressionnants de ces monuments se trouvent dans la région d'Ellès, non loin de Makthar. Ici, des dolmens témoignent de l'art funéraire de nos lointains ancêtres. De gros blocs de pierre supportant une dalle sont les vestiges visibles de nécropoles oubliées. Très spectaculaires, ces mégalithes gisent en pleine nature et constituent le plus incroyable des lieux de mémoire. Ellès est l'un des sites les plus importants de notre préhistoire. D'autres nécropoles qui remontent au Néolithique sont visibles en Tunisie. Elles sont nommées «haouanet» et sont visibles au Cap Bon ou bien dans le nord-ouest de la Tunisie. Les plus connus de ces ensembles funéraires se trouvent à Sidi Latrache, non loin de Hammamet. Ce sont des tombes creusées dans la roche qui ressemblent à des grottes et constituaient des lieux de sépulture. Difficiles d'accès, elles sont creusés par l'homme et comprennent parfois plusieurs pièces. Si les dolmen et les «haouanet» - malgré leur nom qui est le pluriel de «hanout», un mot tunisien qui signifie magasin - sont probablement des techniques importées, ce n'est pas le cas des «bazinas». Ces dernières sont des tumulus qui sont posés au-dessus de sépultures. On les trouve partout en Tunisie. Le Hermaion d'El Guettar Le plus connu de ces tumulus est conservé au musée du Bardo. Il s'agit du fameux Hermaion de Gafsa, découvert en 1950 et dont l'âge serait de 40.000 ans. Cet amas de pierres et de silex a été découvert à El Guettar et on ne sait pas précisément s'il indique le reflet lointain d'une source honorée par les hommes de ce temps lointain ou s'il a une autre fonction. En tout état de cause, il constitue l'une des expressions les plus sublimes de notre legs préhistorique. Longtemps exposé au musée du Bardo, cet amoncellement lithique nous renvoie aussi à de nombreux outils dont nous avons hérité. Citons par exemple les outillages et les poteries dont l'origine remonte à la nuit des temps et qui sont conservés au musée du Bardo. Enfin, dans cet héritage préhistorique, il convient de mentionner les nombreuses peintures rupestres qui figurent sur les parois des grottes. On les trouve dans des grottes près de Ghomrassen dans le gouvernorat de Tataouine et aussi à Kef el Blida près de Tabarka ou Djebel Serj entre Siliana et Kairouan. Il s'agit de véritables trésors qui nous ont été transmis et qu'il importe de mieux faire connaître. Ces peintures rupestres ne sont-elles pas les premières oeuvres d'art? Ne constituent-elles pas des témoins formidables de ces temps lointains où l'art confinait au sacré? Ces parois ornées de peintures sont des vestiges majeurs de notre préhistoire. S'il sera difficile à quiconque de se rendre in situ, par exemple à Ellès, pour y découvrir les dolmens, il est toujours possible de se documenter pour préparer une équipée. Un ouvrage de Ali Mtimet intitulé «La Préhistoire en Tunisie» compte parmi les incontournables et figure au catalogue des éditions Alif. Ce livre abondamment illustré constitue une fenêtre ouverte sur un patrimoine largement méconnu.