La compagnie bulgare Electra Airways inaugure deux nouvelles lignes vers Enfidha    Météo : Soleil et mer calme    Les Etats-Unis opposent à nouveau leur véto à l'ONU sur Gaza    Grèves en France : des centaines de milliers de manifestants dans la rue    Parlement, Boubaker Bethabet, investissements…Les 5 infos de la journée    Accidents du travail et maladies professionnelles : une nouvelle loi en faveur des travailleurs    Soudan: le choléra fait rage affectant plus de 12 mille personnes    Produits artisanaux : lancement prochain d'un label national    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    La BH BANK renouvelle ses interventions sociales en partenariat avec l'Union Tunisienne de Solidarité Sociale    Industrie tunisienne : exportations +1,9 %, importations +8 %    Education privée en Tunisie : découvrez la liste complète des collèges et lycées autorisés    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Match truqué ? Le président de l'Avenir Sportif de Kasserine visé par la justice    Journée internationale de l'ozone : la Tunisie réaffirme son engagement aux côtés de l'ONUDI et de l'ANPE    Sécurité alimentaire : l'INSSPA frappe fort à Gafsa, produits périmés saisis près d'une école    Pas encore de contrat TV : la FTF mise sur le numérique pour la Ligue 2    Tunisie – Hajj 2026 : L'Etat se mobilise pour un pèlerinage digne et bien organisé    L'Espérance de Zarzis détrônée    L'étoile subit un 2e revers à l'Olimpico : Dridi remercié    EST- Volume de jeu consistant pour deux buts seulement : Un manque de réussite et d'efficacité !    Le Royaume-Uni prêt à reconnaître la Palestine ce week-end    Coupure des communications dans la bande de Gaza: 800 mille palestiniens isolés du monde    Global Innovation Index 2025 : la Tunisie rejoint le groupe des pays surperformants    Ezedine Hadj-Mabrouk: La fin des classes sociales    Dorra Miled : « Le tourisme est la clé de la croissance économique en Tunisie »    Vol Paris-Corse : plus de 15 minutes dans les airs... ce qui s'est passé va vous surprendre    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Le président est dans un oued, le gouvernement dans un autre    Corruption en Ligue 2 : les détails de l'affaire entre l'ASK et la JS    Météo en Tunisie : légère baisse des températures    Les raisons de la hausse des prix de la viande de poulet en Tunisie    Le ministre de la Défense s'entretient avec le prince héritier du Koweït    Lancement de la distribution des semences et engrais pour la saison agricole 2025-2026    Plus de 538.000 comprimés et 227 kilos de drogues saisis par la douane, depuis janvier 2025    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    Un territoire, une vie et plusieurs gouvernances    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Opération coup de poing contre les « Habbata » : des intermédiaires du commerce informel visés par des mandats de dépôt    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Elyes Ghariani - La solution à deux Etats: clé de la justice pour les Palestiniens et de la stabilité régionale    Diplomatie tunisienne : revenir aux fondamentaux et savoir avoir la politique de ses moyens    Piraterie interdite : la FTF menace toute diffusion illégale des matchs de Ligue 1    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    Décès de Robert Redford légende du cinéma américain    Nafti renforce la coopération Arabo-Africaine à Doha    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Trames, Textures, Textiles
Publié dans Le Temps le 02 - 11 - 2020

Entre poétique des étoffes et divagations dans le secret des paysages mentaux, Asma Ben Aïssa instaure des fluctuations esthétiques
et un imaginaire du tout-textile.
C'est durant le confinement et tout de suite après qu'est née la série d'œuvres d'Asma Ben Aissa qu'elle expose actuellement dans le cadre de Culture Solidaire. Cette artiste a choisi d'intituler son travail à l'aune des paysages imaginaires.
Une sobriété saisissante et tactile
Six séries d'œuvres sont disposées dans un espace neutre, un lieu cardinal où se transfigurent les étoffes.
Ce travail est d'une sobriété saisissante. Pas d'effets lumineux ou sonores; juste deux étoffes distanciées par leur couleur et des pièces de tissu dont les couleurs s'emboitent. Une impression de dépouillement prévaut. Un peu comme dans ces jardins zen où la disposition de quelques pierres fait écho au cosmos. Cette vacuité est essentielle dans le concept mis en œuvre par l'artiste. Car, nées durant un laps de temps suspendu, ces œuvres ne pouvaient être autrement qu'énigmatiques, d'une consistance ténue et d'une fragilité palpable.
Au-delà, les œuvres sont totalement iconoclastes. Ici, une étoffe à la couleur vive se déploie échevelée telle une cascade de tissu. À la fois évocatrice du drapé d'un burnous qui enveloppe et de l'aléatoire d'une succession de plis, cette pièce maîtresse capture immédiatement le regard. Elle éclipse au sens propre une deuxième pièce de tissu, plus sombre, comme recroquevillée sur elle-même, drapée dans une hésitation. Faut-il voir dans ce silencieux dialogue un jeu de la lumière avec les ténèbres? Faut-il plutôt s'inspirer des registres ésotériques qui évoluent entre yin et yang, sur un simple fil invisible qui régente le vivant?
Avec Merleau-Ponty, Levinas
et les soufis
L'artiste ne révèle rien d'autre que son intention de donner à voir des paysages imaginaires. C'est à notre regard de détricoter le cryptogramme. Ce que nous savons assurément, ce sont deux choses. D'abord, Asma Ben Aïssa évolue entre praxis et doxa. Doctorante en science et pratique des arts, elle ne dissocie pas la théorie de l'œuvre matérielle. Et justement, sa démarche semble nichée dans ce creux fertile où le sens irrigue chaque geste. Ensuite, l'artiste énonce clairement sa tentative de confronter la poïétique du textile et la poétique du paysage. Elle envisage en effet le textile en tant que matériau plastique mis en regard avec la matérialité d'un paysage.
Cette démarche est passionnante dans la mesure où elle institue des étendues fictives sur une trame libre de significations. Elle imprime en quelque sorte un paysage abstrait du réel sur une texture à la fois figée et mouvante, en même temps trame et objet esthétique. Sous nos yeux, l'étoffe devient expression d'un monde intérieur et plus exactement, ce sont des réminiscences invisibles qui viennent bouleverser la matérialité. Ce tour de force de l'artiste est ainsi un pensé de toutes les fluctuations que peut traverser le regard confronté à un paysage mental.
"Ceci est un paysage mental. Ainsi soit-il". Asma Ben Aïssa aurait pu prononcer cette injonction voire l'afficher au-dessus de ses œuvres. Il m'en est rien car elle nous laisse libres de superposer nos propres imaginaires sur ses paysages dont les dégradés de couleurs suggèrent des passages différents. Libre à chacun de s'investir dans ces paysages, révolutionner leur trame, repenser leur texture, déployer leur évanescence sur d'autres matériaux. On ne se baigne jamais deux fois dans le même paysage. Quant aux fleuves textiles, ils sont à l'image des voyelles de Rimbaud ou des portiques de Baudelaire. Ils permettent, impassibles, d'instaurer d'inépuisables correspondances, des paysages infinis et débridés.
Métaphore textile et nouvelle intelligence du paysage
Ces œuvres d'Asma Ben Aïssa sont bel et bien un réceptacle pour nos propres imaginaires, comme des étoffes peuplées de rêves et de divagations, comme les trames tactiles de tous les possibles. L'artiste va au bout d'une démarche polysémique à la croisée de la pérennité provisoire du matériau textile et de l'insaisissable de nos paysages mentaux. Car au fond, ces paysages sont à rebours, comme nés de la transe d'un disciple soufi errant entre le "dhaher" et le "batten" c'est à dire entre le visible et l'intérieur de soi. Ces paysages imaginaires ne sont-ils pas une invitation claire et limpide à la méditation? N'en est-il pas ainsi de la trame de nos vies, la texture de nos failles et méandres?
La métaphore textile s'accommode bien d'un infini qui n'a de contenu qu'esthétique. C'est en cela que l'expérience telle que vécue instruit son propre dépassement. Dans la foulée de Merleau-Ponty ou Levinas, Asma Ben Aïssa nous invite à nous forger une nouvelle idée de la raison, de la perception et de l'œuvre d'art.
Se situant plus haut que le corps objectif d'un tissu et plus bas que les visions extatiques, Asma Ben Aïssa nous invite à nous placer à mi-chemin de l'esprit et du corps, du sujet et de l'objet.
Avec ses paysages mentaux dans lesquels elle nous projette, le "je vois" se transforme en "je peux". Cette performativité de l'œuvre qui absorbe celui qui la regarde pose la profonde modernité de la démarche de cette artiste. Entre mythes et énigmes, Asma Ben Aïssa élabore une nouvelle intelligence du paysage.
H.B


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.