Ahmed Souab : nous sommes libres dans nos prisons, ils sont prisonniers dans leurs palais !    Rencontre tuniso-turque en marge de la réunion ministérielle de l'OCI à Istanbul    Droits de douane américains : un coup dur pour les exportations tunisiennes d'huile d'olive    Iran : les frappes contre l'entité sioniste se poursuivent sans relâche    Air France annule ses vols vers Dubaï et Riyad, après les frappes américaines en Iran    Etoile du Sahel : la composition complète du nouveau staff technique annoncée    Bac 2025 : Près de deux tiers des admis sont des candidates    MAE Iranien : "Les Etats-Unis ont franchi une ligne rouge"    Le raid américain serait-il un coup d'épée dans l'eau ?    3,7 millions de tonnes par an : la production maraîchère tient malgré la baisse des surfaces    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    Marée rouge à Monastir : Un phénomène toxique entraîne la mort de nombreux poissons    Tunis : des radars automatiques seront installés dans les points noirs    Contrebande : la douane intercepte pour plus de 900 mille dinars de marchandises    Espérance – Chelsea : Un duel décisif en préparation à Détroit    La Chine devrait faire preuve de résilience face aux chocs du commerce mondial    Tunisie : Entrée en vigueur des sanctions liées à la facturation électronique à partir du 1er juillet 2025    Décès d'Ahmed Habbassi, premier ambassadeur de Tunisie en Palestine    Coupe du monde des clubs – L'EST s'impose face à Los Angeles FC : La copie parfaite !    Université : Tout savoir sur le calendrier d'orientation des nouveaux bacheliers    À Istanbul, Nafti condamne l'agression contre l'Iran et appelle à une mobilisation islamique unie    Dar Husseïn: Histoire politique et architecturale    Lancement d'une plateforme numérique dédiée au suivi de l'avancement de la réalisation des projets publics    Sonia Dahmani, sa codétenue harceleuse transférée… mais pas avant le vol de ses affaires    Les lauréats du baccalauréat 2025 à l'échelle nationale    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    Alerte rouge sur les côtes de Monastir : des poissons morts détectés !    La Tunisie signe un accord de 6,5 millions d'euros avec l'Italie pour la formation professionnelle    La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    « J'aimerais voir l'obscurité » : la nuit confisquée de Khayam Turki    Accès gratuit aux musées militaires ce dimanche    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    Décès d'un jeune Tunisien en Suède : le ministère des Affaires étrangères suit l'enquête de près    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« Il faut inculquer ànos enfants une palette de valeurs »
Khalil Zammiti, sociologue
Publié dans Le Temps le 14 - 07 - 2009

« Mon neveu qui a dix-huit ans vient de faire une tentative de suicide en se jetant du deuxième étage, heureusement qu'il n'est pas mort, il s'est juste fracturé le bassin et les bras, nous révéla Fathia. Il est devenu intégriste et il veut imposer à sa famille un comportement purement religieux d'après sa conception :
il voulait lui interdire de regarder la télévision, le symbole de la débauche selon lui, obliger ses sœurs et sa mère de porter le voile, empêcher celle-ci de travailler et d'arrêter de fumer et exiger de tout le monde de faire la prière. Et devant leur refus, il a décidé de se suicider. Il était embrigadé par des fondamentalistes plus âgés que lui du quartier où il habite, la cité Ettadhamen.
Pour essayer de comprendre ce comportement pathologique qui a tendance à se généraliser de plus en plus, on s'est adressé au sociologue, le docteur Khalil ZOMMIT pour nous édifier sur la question.
Le Temps : Comment expliquez-vous ce phénomène de société.
-Le Docteur Zommiti : Tout d'abord, il y a lieu à préciser que le phénomène ne nous est pas particulier, on le partage avec tous les pays arabes et musulmans. Cette vague d'intégrisme trouve ses raisons dans ce qui passe dans le monde, et j'entends par là toutes ces guerres menées par les Américains et leurs alliés et à leur tête Israël contre certains pays musulmans et les crimes perpétrés par eux contre ces derniers. Ces invasions injustes et criminelles ont donné naissance à des groupes de résistance légitimes tels que Hezbollah et terroristes comme AL Kaeeda portant tous l'étendard de l'Islam. Ils sont comme des justiciers au regard des millions des Musulmans, et nous rappellent la théologie révolutionnaire avec les pères rouges de l'Amérique Latine qui se sont rangés au côté des peuples et ont pris les armes contre les régimes fascistes jusqu'aux années soixante-dix. A chaque époque ses leaders, pendant cette décennie et bien avant dans le monde entier, les grandes références c'étaient le marxisme et le nationalisme, il y avait plusieurs obédiences, les mots d'ordre étaient laïcs et ils sont devenus religieux. Actuellement, les titres ont changé, il y a l'émergence d'une nouvelle force avec laquelle il faut dorénavant compter : l'Islamisme, il devient pour les Musulmans, l'arme de la lutte anti-impérialiste et anti- sioniste.

-Mais l'Islam ne date pas d'aujourd'hui, pourquoi cet Islamisme ne s'est-il pas manifesté avant d'autant plus que ces hostilités que vous évoquez existent depuis belles lurettes ?
Vous savez, si vous consultez l'histoire, vous aller trouver que cet Islam politique n'a jamais quitté la scène sociale, il s'est manifesté à chaque fois qu'il a trouvé l'opportunité, le moment propice. Et à ce propos, pour bien appréhender la question, il est intéressant de comprendre la position du religieux dans la structure sociale et d'observer l'impact de la position de la religion sur les événements. Ce sont les moins instruits, les moins cultivés et les plus démunis qui sont les proies les plus faciles de l'intégrisme, c'est pour ces raisons qu'ils sont les premiers à mordre à l'hameçon et à embraser le fanatisme à chaque fois qu'ils estiment que leur religion est menacée, elle représente une sorte de refuge pour eux, une alternative pour essayer de sortir de ces conditions défavorables dans lesquelles ils sont cantonnés : tout ce qui est frustrant mène tout droit à l'intégrisme. D'autre part, le rythme d'évolution de l'individu et celui de la société ne sont pas les mêmes, ce décalage causé par le dynamisme de celle-ci, c'est-à-dire celui de l'histoire fait que le premier accuse un retard qui est difficile à rattraper, ce qui crée chez lui une dualité référentielle et donc comportementale. L'exemple type qu'on peut avancer pour illustrer cela est celui de la ruralisation de la ville, ce qui a introduit le Cheval de Troie. Celle-ci en fait est devenue le siège de l'amalgame de plusieurs valeurs toutes contradictoires : nous avons d'un côté une catégorie de pensées fondée sur la parenté, la morale et la religion, et de l'autre une autre trilogie basée sur la technique, l'économie et la science, la première est représentée par le monde rural, la seconde par la société moderne. Cette confusion est le fait de la colonisation qui a mis en présence d'inégales puissances, d'autres échelles de valeurs qui ont déstabilisé en quelque sorte l'ordre établi, le passage à la modernité s'est effectué d'une manière accéléré et il n'était pas généralisé, il n'a concerné que les métropoles. Le flux estudiantin a largement contribué à cet amalgame de valeurs paradoxales : ils sont tiraillés entre les références villageoises et tribales fondées sur l'honneur et celles de la ville, les principes d'émancipation.
D'après le grand anthropologue de la parenté, Pierre Bordieu, « l'honneur est le contrôle masculin de la sexualité féminine ». Ces jeunes cultivés et qui se sont longtemps abreuvés dans la modernité restent enracinés dans les valeurs qu'on leur a inculquées depuis leur tendre âge, la preuve c'est que la plupart d'entre eux annulent le mariage pour cause de virginité : en pareilles circonstances, le subconscient émerge et domine le conscinent. A ce propos, Claude Lévi Strauss dit dans son livre Race et Histoire que « le racisme définit l'homme par son corps », or l'homme est le produit de sa culture et de ses représentations des choses et du monde, de sa morale non pas religieuse mais humaine. Cette conception de l'honneur est une forme de discrimination et donc d'intégrisme et c'est ainsi que celui-ci prend racine dans notre réalité et qu'il se développe.
N'existe-t-il pas de moyens pour lutter contre ce fléau qui menace notre société d'après vous ?
Vous avez raison de parler de menace. L'intégrisme est pareil à la haie qui grimpe et se ramifie tant qu'elle n'a pas croisé d'obstacles sur son chemin, il se propage pour atteindre tous les aspects de la vie. Le meilleur moyen pour arrêter son élan et lutter contre c'est de l'extirper depuis les racines, c'est-à-dire inculquer à nos enfants une palette de valeurs, leur apprendre le respect de l'autre, de sa manière de penser, sa liberté et ne pas enraciner en eux l'uniformité et faire d'eux des grégaires qui suivent comme des moutons sans conviction aucune. Ce travail doit commencer à la base, depuis la maternelle et le primaire.
D'après ce que vous venez de dire, les problèmes résident à la base, alors que d'autres estiment qu'ils sont présents aussi au sommet, à l'université à cause du nouveau système le LMD qui mise sur l'employabilité des diplômes universitaires avec la mise en application de la fameuse adéquation 2/3-1/3, le premier pourcentage privilégie le marché d'emploi, alors que le second s'oriente vers la formation académique qui se trouve ainsi reléguée au second plan. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Je trouve que diriger les diplômes vers les besoins de l'économie est quelque chose de positif, car après tout, on obtient des diplômes non pas pour les accrocher au mur de notre chambre pour l'embellir et s'en enorgueillir, mais pour accéder à un emploi, pour s'assurer un avenir. Donc, au-delà de la valeur scientifique du diplôme et de la satisfaction personnelle d'avoir mené à bien ses études et de les avoir couronnées par un certificat, il y a le besoin d'en tirer des profits, l'intérêt d'une telle entreprise n'est pas seulement personnel mais général, cela rejaillit sur toute la société, c'est-à-dire l'Etat. Toutefois et quelque soit la valeur d'une pareille participation à l'effort national, la formation académique ne doit pas être mise à l'écart et ne concerner qu'une infimité, en ce sens que l'intérêt économique général n'est pas une excuse pour faire de cette majorité de simples techniciens n'ayant aucune formation intellectuelle, ce serait faire d'eux des automates dépourvus de tout sens critique, et ils seraient ainsi de faciles proies à l'intégrisme, leur récupération par cet ogre serait chose aisée, et come le dit bien Rabelais par la bouche de son personnage Gargantua « science sans conscience n'est que ruine de l'âme . »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.