Nous ne sommes pas en droit de défendre Baghdadi, ni de remettre en cause la légitimité libyenne. Mais c'est sur la forme et non sur le fond que le bât blesse. C'est en effet trop burlesque pour être fortuit, trop rapide pour être étudié – comme le prétend Samir Dilou - et trop cacophonique pour être exclusivement juridique comme veut nous le faire croire Noureddine B'hiri.
En ce dimanche de canicule où seule la balle était ronde, il y avait, quand même, de quoi mettre en scène une belle diversion. Nous parlions de la balle et du championnat, de l'Euro, mais il y a aussi des gens à la plage, d'autres qui relayaient l'appel de Jebali au sixième califat, et, nous devons en convenir, l'onde de choc ou plutôt l'écho que faisait retenir l'élection d'un « Frère Musulman » à la présidence de l'Egypte. Un scénario rapidement planté pour renvoyer Baghdadi « chez lui », dans une précipitation évoquant, malheureusement, les outrances des déportations secrètes ou ce que Soljenitsyne appelait « l'enfer du dernier voyage ».
Pour autant, un pays qui se veut légaliste, qui réclame que ses criminels lui soient restitués, est en devoir d'examiner, en retour, toutes formes de demandes d'extradition. On n'en en avait pas fini d'en découdre avec cette affaire Baghdadi.
Elle avait même l'air de devoir s'éterniser. Or, voilà que le Premier ministre brûle la politesse au président de la République « injoignable », dit-on, tout le week-end, et signe ce satané décret d'extradition. Et là, une remarque et une question.
La remarque tient au Président, commandant en chef des forces suprêmes et qu'on ne serait pas arrivé à joindre : qu'aurait-on fait en cas d'agression militaire ?
La question est tout bonnement la suivante : de qui se moque-t-on ? De qui se moque, plus précisément, la Troïka qui veut se donner l'air de subir des implosions à répétition alors que les réunions stratégiques au coin du feu continuent même en plein été (c'est une formule imagée), et que, maintenant que l'on parle d'une sérieuse bipolarisation, la « providentielle » Troïka a tout intérêt à y faire face en rangs serrés. La confusion tiendrait peut-être au tempérament respectif des trois présidents. Marzouki joue aux excentriques ; Jebali à la force tranquille et Ben Jaâfar à l'éternel incompris. Au-délà, il serait plutôt judicieux de prendre cette présomption d'éclatement chromosomique au sein de la Troïka avec des pincettes. Et alors même, que représenteraient Ettakattol et le CPR face à Ennahdha dans cette coalition !
Là, on y arrive : si Jebali a pris cette décision, c'est parce que quelqu'un lui en a intimé l'ordre. Ce n'est, certainement, pas pour les quelques barils de plus.
Parce que auquel cas, nous subirions les affronts d'une cupidité que ne nous pardonneront pas l'opinion internationale et tous ceux qui croient (qui croyaient ?) en cette Révolution.