Une exposition des produits contrefaits et vendus en Tunisie que les autorités ont saisis à diverses occasions, a été présentée, hier, pour la première fois, à Tunis, au siège de la direction du contrôle économique du ministère du commerce et de l'artisanat, à l'intention de la presse et des professionnels. Elle avait été précédemment organisée à Gabès, Sousse et Monastir, en marge des foires internationales de ces villes. La manifestation s'inscrit dans le cadre de la sensibilisation du public et des diverses parties concernées à la lutte contre la contrefaçon, ''ce phénomène qui envahit le monde, engendrant des pertes énormes pour l'économie, la société et les consommateurs.'' Près de 4,6 millions de produits contrefaits ont été saisis en Tunisie, ces trois dernières années entre 2007 et 2009, alors que la contrefaçon continue d'y sévir, représentant entre 7 et 8% du commerce national. Tous les secteurs sont concernés par la contrefaçon : les produits cosmétiques et de beauté, le matériel électrique, les produits agro- alimentaires comme les fromages et la farine diététique, les composants automobiles comme les filtres et les pneus, le textile et l'habillement, la quincaillerie, le cuir et la chaussure, les sacs, les parfums, les jouets.
Secret d'une infiltration Mais, suite aux demandes d'éclaircissement présentées par les journalistes aux responsables du contrôle économique, cette manifestation a permis notamment de connaître le secret de la présence massive de produits contrefaits sur le marché, malgré l'existence de législation répressive et de structures de contrôle à tous les niveaux (douanes, agents de contrôle économique, police judiciaire, etc..). La réponse est qu'il est difficile de distinguer entre les produits d'origine et les articles contrefaits, pour tous les profanes qui ne sont pas initiés spécialement, y compris les agents de douane, du contrôle économique et la police judiciaire, sans parler du citoyen ordinaire qui les achète, croyant faire de bonnes affaires, au vu de leurs prix moins élevés que ceux des produits d'origine qu'ils imitent. Pratiquement, seuls les industriels qui fabriquent les produits d'origine peuvent distinguer aisément entre l'original et le contrefait. Aussi, la nouvelle législation tunisienne en matière de lutte contre la contrefaçon adoptée en 2007 a-t-elle accordé aux industriels victimes d'opérations de contrefaçon la possibilité de demander la suspension de dédouanement des marchandises auprès des services de la douane. Un industriel ayant eu vent de l'arrivée d'une cargaison de produits contrefaits imitant ses propres produits peut saisir la douane de l'opération et demander la suspension de son dédouanement et l'entrée des produits contrefaits en Tunisie. Il faut que sa dénonciation soit fondée et étayée par les documents nécessaires. Au même moment, avant de procéder à des opérations de contrôle dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, les agents du contrôle économique ont appris à demander aux industriels tunisiens concernés de leur fournir toutes les informations nécessaires sur les caractéristiques de leurs produits et les moyens de les distinguer, car l'imitation tâche d'être parfaite, mais il n'y a pas de crime parfait. La finition fait souvent la différence. En effet, depuis 2006 et 2007, date de mise en œuvre d'un nouveau plan de lutte contre la contrefaçon, les structures de contrôle en Tunisie (contrôle économique, police judiciaire, douane...) sont habilitées à s'auto-saisir des infractions de contrefaçon et à confisquer les produits contrefaits, c'est-à-dire que ces structures peuvent relever les infractions. Auparavant, seuls les industriels victimes de contrefaçon pouvaient saisir les tribunaux compétents de ces infractions et devaient attendre parfois longtemps avant d'être dédommagés, si l'affaire est gagnée. Les industriels et les créateurs en général doivent protéger officiellement leurs marques, modèles, inventions, auprès des structures compétentes, en l'occurrence l'Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (INNORPI), ce qui n'est pas systématiquement le cas.
Un dispositif prometteur La nouvelle législation a également révisé à la hausse le montant des amendes qui peut atteindre 100 mille dinars, encore que ce montant soit jugé faible par certains, au vu de la gravité de l'infraction. Elle a également introduit des sanctions pour tout acte d'opposition aux fonctions des agents du contrôle. Mr Ali Gharbi, directeur du contrôle économique, a indiqué que ce nouveau plan de lutte a eu des résultats positifs, contribuant à une certaine régression de la contrefaçon en Tunisie. L'expérience tunisienne a d'ailleurs retenu l'attention de quelques médias français venus récemment enquêter sur ses résultats. Comme nous l'a dit Mr Houssem Eddine Touiti, inspecteur à la cellule centrale de lutte contre la contrefaçon, la nouvelle législation tunisienne est très avancée, notamment en ce qui concerne le pouvoir de s'auto-saisir conféré aux structures de contrôle qui n'existe pas dans tous les pays européens. Grâce à cette habilitation, les agents de contrôle économique ont pu effectuer 25 mille visites de contrôle dans l'ensemble du pays et dans tous les points de vente, au cours des deux dernières années, et relevé quelque 1650 infractions. Ils ont pu dans le sillage traiter 75 requêtes sur 91 présentées par des professionnels victimes de contrefaçon et confisquer un riche butin de produits et d'articles contrefaits totalisant 4,6 millions de produits. Cependant, une action de sensibilisation en profondeur doit être entreprise en direction des consommateurs de manière à leur inculquer un comportement plus attentif à l'égard des produits qu'ils achètent de n'importe quel point de vente. La lutte contre la contrefaçon est une lutte de longue haleine, a dit Mr Maher Ghribi, de la cellule centrale de lutte contre la contrefaçon, et elle s'affine et se conforte continuellement à la lumière de l'expérience, car à l'instar des êtres nuisibles, les fraudeurs adaptent continuellement leurs méthodes aux circonstances, mais cette stratégie de base est désormais démasquée, de sorte que l'issue sera sûrement en faveur du droit.