Elle est finie. Elle est derrière nous. De qui et de quoi s'agit-il pour que l'on pousse un ouf de soulagement ? La crise économique et financière n'est plus là, aux dires de nombreux experts qui n'en finissent pas de nous marteler qu'elle est probablement terminée. Leurs propos n'arrêtent pas de faire des louanges à ceux qui sont parvenus à inverser la vapeur. Dressons un bref topo sur la situation actuelle. La France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et le Japon laissent afficher des clignotants au vert. Les Etats-Unis ne s'arrêtent pas de se gargariser d'indicateurs flatteurs quant à la confiance en la reprise. Indicateurs qui étaient plutôt moroses quelques mois auparavant et qui sont pris très au sérieux par la classe politique et l'ensemble des décideurs outre-Atlantique.
Alors, sortons de la crise ? De prime abord, l'on est tenté par l'affirmative. Cependant, il faut nuancer notre raisonnement. Ces moments actuels de " reprise " rappellent des situations vécues auparavant, et qui, quoique teintés d'optimisme, n'étaient pas moins annonciatrices de phénomènes paradoxaux, dans le temps et dans l'espace. Dans l'espace, d'abord, si un pays ou un groupe de pays, s'en sortent (relativement), cela ne s'applique pas aux autres Etats. Dans le temps, ensuite ; les signes avant-coureurs de la reprise ne laissent pas présager d'une croissance à taux garanti, bien au contraire ils portent en eux-mêmes les stigmates de la bulle financière avec toutes ses conséquences sociales. Expliquons-nous. Les chiffres sont là pour tempérer nos ardeurs. Ainsi, aux USA, la baisse de l'emploi est à son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans. Le chômage est en train de détruire près de quinze millions d'emplois - un chiffre à rapprocher de celui de la crise de 29. La France voit sa production industrielle augmenter mais son déficit commercial demeure important, les exportations n'arrivant pas à soutenir la demande et semblent même freiner la relance, à moins que l'investissement réel ne soit la locomotive. Autre problème pour l'économie française : le chômage est toujours virulent et les entreprises manquent de visibilité pour le long terme. Quant au Japon, son économie commence à respirer grâce, bien sûr, à l'atout majeur des exportations et de la demande intérieure. Mais là aussi comme en Europe, on commence à s'inquiéter du manque d'investissement. L'Allemagne a légèrement émergé grâce à son marché intérieur dynamique et sa politique de reconstitution des stocks. Mais attention au chômage qui risque de freiner la croissance. La Grande-Bretagne voit son économie stagner et prévoit une augmentation ciblée des dépenses publiques, pour s'en sortir - Keynes n'est pas loin ! Les pays scandinaves présentent un bilan mitigé. Si la Suède dope son économie grâce à sa monnaie attractive ; la Finlande continue de patauger à cause de son tissu industriel pas trop " technique ". Là aussi, la question de l'emploi est au cœur du problème : jusqu'à quel point augmenterait-on les dépenses publiques pour soutenir la croissance. Après ce bref tour d'horizon, l'on ne peut qu'insister sur la fragilité de la présente " reprise économique ". Laquelle porte en elle-même des signes contre-productifs comme la brusque remontée du prix du pétrole, le possible désengagement de l'Etat et surtout l'éventuel spectre du protectionnisme. Nonobstant les questions monétaires, la nouvelle reprise doit être expurgée des maux qui ont longtemps exténué le commerce international : le déficit commercial traditionnel américain et l'énorme excédent financier des pays du Dragon, à l'origine de bien de crises financières et boursières. Gageons que d'ici à la prochaine réunion du G20, au chevet de l'économie mondiale, bien des sceptiques tourneront casaque. Nous y reviendrons.