* Trois questions à un sociologue : Pr. Khalil Zamiti, sociologue : " La pauvreté et le chômage encouragent ce phénomène " La criminalité prend plusieurs formes en Tunisie, trafic de drogue, vol des œuvres archéologiques, vol de voitures, braquage...Les fais divers décrivant ces incidents font quotidiennement la Une des journaux. Plusieurs réseaux ont été démantelés récemment, c'est ce qui confirme les déclarations du ministre de l'Intérieur et du Développement local lors du débat budgétaire. M. Rafik Bel Hadj Kacem a, en effet, précisé à cette occasion que les principaux axes de travail du ministère se basent sur " la prévention, l'intervention efficace et rapide et surtout la qualification des compétences " Cela a permis d'accomplir des résultats satisfaisants durant l'année 2009. Ainsi, 88,5 % des tentatives de crimes ont été démantelées. Le ministre a également déclaré que certains types de délits ont diminué de moins de 5 %. Il s'agit, par exemple, des délits de vol à l'arraché qui ont régressé de moins de 21,9 % et le vol de voitures qui a baissé de 22,5 %. Des résultats le moins que l'on puisse dire satisfaisants et rassurants.
Le cheptel, victime privilégiée Toutefois, nous continuons à enregistrer des délits et des actes de violence dans les différents milieux, tels que les zones rurales. D'ailleurs, plusieurs parlementaires ont attiré l'attention sur ce phénomène qui ne cesse de se propager à l'intérieur du pays, où les voleurs n'hésitent pas à partir à la chasse des biens des agriculteurs. Ces derniers sont en train de perdre leurs cheptels ovin et bovin, ou plutôt leur unique source de revenu, d'autant plus que des familles se basent sur cette activité dans différentes régions agricoles de la Tunisie. Répondant à cette question, M. Bel Hadj Kacem a insisté sur le fait que la sécurité est de mise dans toutes les régions. " Les agents de sécurité sont qualifiés pour faire face à ces crimes et intervenir en temps opportun ".
Voleur à 16 ans Quel est le profil de ces voleurs ? Ce sont notamment des jeunes chômeurs issus de milieux défavorables, Ils sont donc en quête de travail. Certains sont mineurs, âgés seulement de 16 ans. Faute de moyens et d'encadrement, ils sont obligés de quitter leurs villes natales pour chercher un emploi dans le voisinage. Ils exercent très souvent dans le secteur de la maçonnerie ou sont simples ouvriers, contre une somme d'argent dérisoire. La rémunération ne dépasse pas, souvent les 250 dinars par mois. Face à cette situation pénible, les jeunes, et même les plus âgés, risquent de dériver. Nombre d'entre eux sont impliqués, à leur insu, dans des réseaux de vol et sont manipulés par des trafiquants. Les sociologues expliquent ce comportement par le fait que ces jeunes sont poussés par des contraintes. Ils sont issus de zones très loin de celles de leurs villes natales et se permettent de commettre ce genre de crimes parce qu'ils sont moins soumis à la morale diffuse, c'est-à-dire l'évaluation de la société, des parents, des voisins... Il faut dire par ailleurs que la recrudescence du chômage dans ces endroits est un facteur qui ne cesse de favoriser à la fois la délinquance et les violences. Le phénomène ne cesse de se propager malgré les efforts déployés pour résorber ce problème épineux. Trouver des solutions radicales à cette frange de la société en multipliant les efforts de développement dans les zones rurales reste d'importance majeure. Les sociologues recommandent également de mener des enquêtes poussées pour déterminer la structure des réseaux et l'âge des délinquants pour pouvoir atténuer les problèmes dans une deuxième phase (voir interview). Offrir de meilleures conditions de vie à cette classe sociale en l'intégrant davantage dans la sphère économique, ou en lui offrant des opportunités de formation dans des spécialités à valeur ajoutée est susceptible de résorber le phénomène. Sana FARHAT ---------------------------------------- Trois questions à un sociologue : Pr. Khalil Zamiti, sociologue : " La pauvreté et le chômage encouragent ce phénomène " Le vol dans le milieu rural est en train de prendre plusieurs formes, comment expliquer ce phénomène ? Le contrôle social dans le monde rural est plus faible que dans les cités. Il faut revenir dans ce contexte aux théoriciens de la sociologie rurale dont, Henri Mandras qui définit la campagne par " la servitude de l'étendue ". En fait, l'espace accordé est trop étendu par rapport à l'effectif affecté au contrôle social dans les zones rurales. Cette position théorique générale explique l'extension du phénomène à tous les aspects de la criminalité. Par exemple le grand problème de la distribution de l'eau potable rurale et le branchement illégal. On peut citer à titre d'exemple le Groupement de Développement Agricole (GDA) de Sidi Haouel El Oued (Gabès) où 50 % de l'eau pompée et distribuée n'a pas son équivalent monétaire dans les caisses. Un deuxième aspect à ne pas négliger, l'instauration de mécanisme de régulation. Dans ce cas et à partir du moment où les populations ne se conforment pas aux normes, nous enregistrons une prolifération de vol de bestiaux et de l'eau. Peut-on dire que ce phénomène est le résultat direct du chômage ? C'est sûr que la pauvreté et le chômage encouragent ce phénomène. C'est une cause nécessaire mais insuffisante. Il se peut que les personnes s'adonnent au vol sans qu'ils soient guidés par la pauvreté. Ce sont généralement des réseaux organisés qui ont l'habitude de pratiquer ces activités et qui se servent des jeunes. Que faut-il faire pour résorber ce problème ? Il est essentiel de chercher des solutions pour atténuer le phénomène et prendre compte des deux éléments qu'on vient de développer. Il faut d'une part renforcer le contrôle social et tâcher d'autre part, à sensibiliser la population par des campagnes et ce pour changer le comportement. Il serait aussi souhaitable de réaliser une enquête poussée pour déterminer la structure des réseaux, l'âge des délinquants afin de trouver les solutions et atténuer le problème.