La télé-réalité est un concept universel. Ses émissions battent des records d'audimat et le concept, initié par une agence de communication est revendu aux télévisions intéressées et celles-ci veillent à en respecter les normes basiques. Seuls les présentateurs, les histoires et, à quelques variantes près, le décor changent. Pour le reste, l'esprit de la télé-réalité est intangible : porter à l'écran, devant les téléspectateurs, les problèmes de société. Des problèmes de proximité. Et c'est là l'esprit même de ce qu'on appelle une " télévision généraliste et de proximité ". Car tout se joue sur des approches psychologiques quoique, quelque part, sociétale. D'abord le téléspectateur s'émeut devant la détresse des autres : mais il est paradoxalement rassuré de ce que cela " n'arrive finalement qu'aux autres " ! Ensuite, sans aller jusqu'à parler de tabous, cette transposition à l'écran des problèmes de société, est assimilée à du courage et, dès lors, à une façon de parler franchement, de décortiquer, d'enquêter et de dénoncer dans l'esprit de la liberté d'expression et, finalement, on finit par amalgamer tout cela avec l'exercice de la démocratie. En fait, les téléspectateurs finissent par s'imprégner de l'idée que, si l'on autorise que tels " scandales " soient portés à l'écran, c'est qu'il n'y a pas de non-dits.
Justiciers ? Le concept met en cause les institutions, les rapports entre citoyens et, par fatalité (cela arrive) les foudres de la malédiction. Les larmes, le pathétique, les harcèlements exercés par Moez Ben Gharbia, les raisonnements juridiques, les indications juridictionnelles constituent par ailleurs la lame de fond des consultations des avocats, lesquels finissent eux aussi par se réfugier dans la morale, comme pour exhumer ce vieux principe qui dit que " le droit est la morale de ceux qui n'en ont pas ! ". Et c'est là qu'émerge le rôle des avocats. Le concept est bâti autour d'eux. Il arrive qu'il y ait des dérapages, que les avocats s'érigent en juges et qu'ils se trouvent à traiter des cas de l'un des leurs ! C'est là où les choses prennent un mauvais pli !
Coup de gueule ! Et d'ailleurs c'est ce qui a justifié le coup de colère du Bâtonnier MeBéchir Essid, il y a quelques mois. Il avait mis en demeure les avocats de ces émissions (celles de Tunisie 7 et de Hannibal) de cesser toute collaboration avec les télévisions sous peine de sanctions. Il coupa néanmoins, intelligemment la poire en deux : lors l'AG du 9 mai dernier, l'article 10 du Règlement intérieur fut révisé dans le sens que ces avocats devraient au préalable demander l'autorisation auprès du Bâtonnier et consulter de manière ponctuelle sur la teneur de leurs interventions. C'est ce que nous confirme Me Essid lui-même. Ecoutons-le : " Pour le moment, je ne puis me prononcer sur la portée éthique de cette affaire. Tout ce que je peux déclarer pour le moment, c'est qu'il n'y a pas entorse aux dispositions de l'article 10 du règlement intérieur de la profession, tel que modifié lors de l'AG de mai dernier. Tous mes confrères intervenant sur les chaînes de télévision ou à la radio m'en demandent systématiquement l'autorisation et nous discutons de la teneur du sujet. Ils sont donc, dans leur bon droit, conformément au texte ! "
Question du Temps " Ne voyez-vous pas qu'il y a confusion au niveau de l'article 22 qui interdit à l'avocat toute autre profession parallèle moyennant rémunération ? Vos confrères consultants auprès de médias ne seraient-ils pas rémunérés ? "
Réponse de Me Essid Vous l'avez dit, il s'agit de profession parallèle. Là, c'est interdit au vu de l'article 22. Et, justement, cet article fait la différence entre consultations, implication directe, cachets, royalties et tout le reste. La condition sine qua non, c'est que ces activités ne se fassent pas au détriment de la profession essentielle : l'avocatie. C'est-à-dire que l'avocatie continue d'exercer convenablement son travail : présence au bureau, présence à la Cour, suivi des dossiers etc...
Renversement de tendance ? Au moment où Me Béchir Essid mettait la pression (avant l'été dernier) et menaçait de déférer les avocats en question devant le Conseil de discipline, ceux-ci auraient trouvé appui (pas très déclaré) et compassion auprès de Me Abderrazak Kilani, le président de la section de Tunis. Par un curieux retour des choses (que Me Abderrazak Kilani a déclaré gentiment d'expliquer refusant de nous fournir toute déclaration), le président de la section de Tunis, effectuerait un revirement à 180° degrés et c'est maintenant lui qui sanctionne les avocats, alors qu'ils sont autorisés par le Bâtonnier et qu'ils lui adressent systématiquement (à lui aussi) des copies pour information.
Le tribut de la notoriété Depuis que la radio et la télévision existe, les avocats et les médecins en sont des piliers consultatifs incontournables. Visages et voix connues comme celles de Mes Chedly Ben Younès, Abdallah Lahmadi, Fadhel Hmidi. Ceci en ce qui concerne le droit. Quant à la santé, l'émission radiophonique de Madame Souad Mahjoub aura constitué, durant des années, un référentiel de santé dûment vulgarisé, fourni par d'éminents professeurs. Et n'oublions pas les flash quotidiens du Docteur Hakim. Quelque part, il y a un inévitable retour sur investissement : à la télé, l'avocat vend aussi sa propre image. On n'y échappe pas. Et c'est cela la notoriété. Mais à l'ère de la communication, les corps de métier peuvent éclairer, conseiller et même résoudre bien des problèmes. Me Fethi El Mouldi chute sur cette réflexion. Ethique : " Nous allons interjeter appel près de la Cour d'appel de Tunis, car nous avons confiance absolue en la justice ". Il n'empêche : c'est un mauvais procès pour les avocats. Sale temps pour l'avocatie en somme !. Et d'une certaine manière, l'odeur âcre d'une campagne électorale pour le Bâtonnat ; campagne déjà mal partie !