D'un simple débat, qui devait se centrer sur les prix « Lauriers Hayett pour l'Enfant », créés à l'initiative de « Hayett », filiale des Assurances « Comar », histoire de mettre ses pas dans les siens, en matière de mécénat culturel, la rencontre organisée avant-hier à Tunis dans un hôtel de la capitale, a bifurqué vers des sentiers sinueux, qui ont ramené tous les présents, en ratissant large, là où il importe que les regards se dirigent : au cœur même de la réalité de l'enfance dans nos murs. Ne craignant pas de déplacer le débat, au-delà de la dimension festive d'une manifestation qui en est aujourd'hui à sa seconde édition, et qui vient récompenser chaque année, une œuvre culturelle et une œuvre socio-éducative, dirigée vers l'enfance, les participants, chacun dans son champ d'action respectif, ont pointé du doigt, les maux qui ulcèrent la société, qui touchent bien évidemment à l'enfance, et qui représentent le « mal » à soigner à la racine, la plaie qui suinte, le camouflet au visage, insistant sur la nécessité d'impulser les garde-fous nécessaires, pour protéger nos enfants, et préserver leur part de rêve et d'innocence, pour qu'ils puissent un jour voler de leurs propres ailes. « Contes de faits » : lueurs d'espoir Membres du jury, animateurs culturels, poètes, artistes, pédagogues, enseignants, ou représentants d'institutions et associations qui oeuvrent au profit de l'enfance en difficulté, ont exprimé leur malaise, devant certaines difficultés liées à la manière même d'appréhender le monde de l'enfance, sous nos latitudes, au sein de la famille proche d'abord, mais aussi au sein de l'école, et par ricochet, de la société entière. En même temps que l'espoir, fût-il ténu, que tout cela change. Insistant sur le fait, chacun à sa mesure, chacun à travers ses mots et sa sensibilité propre, sur la responsabilité qui incombe aux parents d'abord, de prendre conscience des devoirs qui leur sont dévolus, en tant que parents justement, pour favoriser l'épanouissement de l'enfant, de sa créativité, en invoquant pour ce faire, la part d'enfance qui est enfouie en chacun de nous, pour les rejoindre dans leur imaginaire, et être à l'écoute, et non pas chercher à en faire des adultes avant l'heure, écrasés sous le poids des devoirs à l'école, et des brimades à la maison. Quelques lueurs d'espoir, avec le documentaire de Hichem Ben Ammar : « Conte de faits… », qui retrace l'itinéraire de l'enfant prodige Anas, aujourd'hui élève de la prestigieuse école de Yehudi Menuhin. Le film de Ben Ammar, édifiant à plus d'un titre, pour la charge d'espoir qu'il véhicule, participe aux prix « Lauriers Hayett pour l'Enfant ». Et sur l'importance de la musique, pour les aider à s'épanouir. Une éclaircie dans la tempête. Et les pierres angulaires seraient aujourd'hui, autant que les « creux de la vague », le manque de communication et d'échanges, entre les parents et leurs enfants, la violence et l'abandon que connaissent une bonne partie d'entre eux, et qui constituent leurs seuls repères, ainsi que le goût âcre de leur quotidien qui ne varie pas, tandis que le monde continue de tourner. Toujours dans le même sens. Il existe pourtant des îlots de résistance, pour combattre farouchement la précarité et le manque, afin d'essayer de transformer la réalité de ces enfants-là, appartenant le plus souvent à des milieux défavorisés, et subissant de plein fouet, la cruauté d'une société qui n'est pas forcément préparée pour les recevoir. Enfants issus de liaisons illégitimes, ou enfants souffrant d'un handicap quelconque tout simplement, et qui doivent lutter plus que d'autres pour s'en sortir. Comme ces « Enfants de la lune », condamnés à vivre dans l'obscurité et la solitude, qui ont besoin de lunettes anti-uv spéciales, de crèmes spéciales, de tenus anti-uv également, de protection spéciale, et dont la maladie n'est pas prise en charge par le système de sécurité sociale, lors même qu'ils soient particulièrement vulnérables, et menacés à tout instant. Les clés de l'univers Le représentant de l'association d'aide aux enfants de la lune, dressera un tableau pas très reluisant de la situation. Car, lors même que l'association se démène, avec les moyens du bord, et le concours de quelques mécènes pour tenter de venir en aide à ces enfants-là, atteints d'une anomalie génétique irrécupérable, l'indifférence semble régner à leurs égards. Ce qui n'est pas normal. Dans la mesure où une association, ne peut se substituer à l'Etat, qui a le devoir de prendre en charge ces enfants-là. Les chiffres d'ailleurs parlent d'eux-mêmes : entre 2006 et 2007, vingt enfants sont morts. Dans l'oubli le plus total. Qu'est-ce qu'on attend ? Sachant que cette maladie vient frapper les enfants issus de mariages consanguins. Et Adel Bouallègue, musicien le dira avec une boutade : « On continue sur nos ondes de passer des chansons comme « Ya Fatima y a bent el Am ». D'où l'importance de sensibiliser davantage l'opinion publique, sur tous les risques inhérents à toute union consanguine. Occasion de rappeler également que nous sommes tous responsables de la culture que nous transmettons à nos enfants. Entre ceux qui invoqueront les ravages du numérique, et des menaces de l'outil Internet, et ceux qui pensent que tourner le dos à la modernité, c'est tout simplement perdre le contrôle de la marche du temps, et du monde, pour se replier sur soi, il y a un équilibre à trouver. Et une juste mesure, comme le préciseront certains intervenants, qui pensent eux que si les livres servent à ouvrir autant de fenêtres sur le monde, faire la politique de l'autruche pour tout ce qui a trait à la modernité, ne peut contribuer qu'à nous enfoncer davantage. Tout comme le fait d'oublier, par ailleurs, s'agissant de la fameuse appartenance, et de notre identité culturelle commune, qu'une seconde langue est toujours ce « butin de guerre », précieux, qui vous ouvre les horizons, et ne les ferme pas. Et qu'il est un fait qu'éduquer nos enfants dans ce sens, c'est leur donner les clés de l'univers. Et c'est exactement l'esprit des « Lauriers Hayett pour l'Enfant », mais surtout, n'ayons pas peur de le dire, l'intelligence, et l'élégance du cœur de M. Rachid Ben Jemaa, PDG de la Comar, qui pense fermement et agit dans ce sens, que toute entreprise économique citoyenne, si elle investissait un tant soit peu dans la culture et les arts, résoudrait bien des problèmes, et contribuerait à faire le monde plus beau. A hauteur d'enfant… Samia HARRAR -------------------------------------------- Les membres du jury
Mohamed Mokhtar Louzir (auteur- metteur en scène à la télévision tunisienne) Zohra Abid (journaliste) Amina Srarfi (musicologue, fille de l'illustre violoniste et compositeur Kaddour Srarfi) Kaouther Attia Ridene (responsable marketing et communication à Comar et Hayett) Dr Ali Ouertani (chirurgien- dentiste, poète et critique culturel) Hafedh Mahfoudh (écrivain, professeur d'arabe) Ghazi Abroug (conseiller en information et en orientation scolaire et universitaire, formateur en psychopédagogie).