Conseil de la presse : annonce de la composition des commissions internes    Croissance et fiscalité : le point de Mohamed Salah Ayari sur l'économie tunisienne    Gafsa : une secousse sismique de magnitude 3,2 enregistrée à El Guettar    Dr Mustapha Ben Jaafar - La reconnaissance de l'Etat de Palestine, étape décisive vers la paix au Moyen Orient    Suspension de la ligne ferroviaire Sousse-Tunis : les voyageurs de Kalâa Kebira en colère    Perturbations climatiques attendues : l'observatoire de la sécurité routière appelle les automobilistes à la vigilance    Les Ciments de Bizerte : déficit cumulé reporté de plus de 230 millions de dinars à fin juin 2025    Alerte rouge pour les PME industrielles en Tunisie : la moitié menacée de disparition    La JSK terrassée par l'ESZ : La défense, un point si faible    L'ESZ s'impose avec brio à Kairouan : Rachat fracassant    Coupe de la CAF – l'ESS rentre avec un but de retard de Tanzanie : Une fin de match manquée    Ballon d'Or 2025 : à quelle heure et sur quelle chaîne voir la cérémonie    Récente cyberattaque : « le chaos » règne dans la plupart des aéroports européens    105 000 visas Schengen délivrés aux Tunisiens en 2024 avec un taux d'acceptation de 60 %    Météo en Tunisie : pluies orageuses attendues l'après-midi sur plusieurs régions    Retrouvé en Libye après une semaine de terreur : le bateau de migrants tunisiens disparu    Port de Radès : saisie de drogue et arrestations dans les rangs de la douane    Tunisie : début du versement de la première tranche de l'allocation scolaire    Clôture du festival du film de Bagdad: Le film tunisien « Soudan Ya Ghali » remporte le prix du meilleur documentaire    Grève générale en Italie contre l'agression à Gaza : « Que tout s'arrête... la Palestine dans le cœur »    Cybercriminalité : Le Ministère de l'Intérieur passe à l'offensive !    Mardi prochain, le 1er du mois de Rabi Ath-thani 1447 de l'hégire    Pluies diluviennes en Espagne : un mort, transports aériens et ferroviaires paralysés    Hasna Jiballah plaide pour un accès facilité des sociétés communautaires au financement    À quoi ressemblera le tourisme tunisien en 2030 ?    Séisme de magnitude 4,8 frappe la mer Egée en Turquie    Ordre des avocats : Sofiane Belhaj Mohamed élu président de la section de Tunis    Les barrages tunisiens en chiffres    Ordre des avocats, Anne Guéguen, Alzheimer …Les 5 infos du week-end    Des drones signalés en Méditerranée au-dessus de la flottille Al Soumoud    Saint-Tropez sourit à Moez Echargui : titre en poche pour le Tunisien    Le ministre des Affaires Etrangères participe à la 80eme session de l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York    Incident sur le terrain : Gaith Elferni transporté à l'hôpital après un choc à la tête    Visas Schengen : la France promet des améliorations pour les Tunisiens    Maher Medhioub tire à boulets rouges sur Mziou, Abbou et Mahfoudh    Voguant vers Gaza, le député Mohamed Ali accuse ses détracteurs à Tunis de faire le jeu d'Israël    « C'est notre moment Afrique du Sud » : le boycott d'Israël s'impose comme langage universel    Tunis : huit mois de prison pour un gardien de parking illégal qui a agressé violemment un client    Dernier rappel : Déposez votre deuxième tranche d'acompte avant le 25 septembre !    Moez Echargui en finale du Challenger de Saint-Tropez    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Autogestion de l'eau et associations paysannes: Pratiques inciviles
THEMA
Publié dans Le Temps le 08 - 02 - 2010

Dans l'ancienne société, l'entraide ne procède pas de prérogatives administratives.
Support de l'existence collective, source vive de l'ethos communautaire, elle va de soi et précède la promulgation des lois. Dans ces conditions, fondatrices, la mise en œuvre de l'organisation associative pour l'usage et le partage de l'eau remonte le cours d'une rétrospective séculaire dont nul ne saurait préciser l'heure première.
Mais dans les palmeraies oasiennes des franges pré-sahariennes, à l'origine était Ibn Echabbat. Ingénieur hydraulicien bien avant l'édification des écoles nationales d'ingénieurs, il invente un réseau distributif de l'eau. Une clepsydre, le Kadouss, jauge le temps d'irrigation alloué à chaque paysan de la communauté. Aujourd'hui, quand le spleen sévit, ce moment, fabuleux, des pionniers nourrit l'arbre de la grande nostalgie.
En l'an 1987, bien des lustres après l'ère où les fauves erraient en liberté, les députés votèrent, à l'Assemblée, une loi l'égalisatrices des "Associations d'intérêt collectif" (AIC), ancêtres des actuels "Groupements de Développement Agricole" (GDA). Il s'agit d'organiser la gestion de l'eau potable et d'irrigation dans l'univers agraire. Depuis les débuts, jusqu'à nos jours, j'ai eu à mener les innombrables "séances de sensibilisation" afférentes à la constitution de ces associations. Leurs initiateurs préconisaient une relation à établir entre le retrait, progressif, de la direction étatique et la prise en charge, collective, des systèmes d'irrigation, par les groupes de paysans.
Elu parmi les adhérents à l'association, un comité, où figurent l'égouadier, le président et le trésorier, assume la gestion financière et l'entretien, partiel, du réseau. Le gros œuvre continue à relever des pouvoirs publics.
Au débouché de l'expérience, l'avantage, immense, de l'eau amenée aux ruraux des zones les plus enclavées dans ce monde où la soif agresse un milliard de personnes, demeure confronté à une sérieuse difficulté. Un mot la résume. Une autogestion ou manque l'autorégulation ouvre la voie aux dysfonctions. Les bilans comptables situent entre 10% et 65% les volumes d'eau perdus. Au gouvernorat de Nabeul, dans la Délégation de Sidi Jedidi, le GDA "Al Amal", situé au lieu dit Menzel Moussa, enregistre 65% de pertes en raison des factures impayées, des branchements clandestins et de la détérioration des canalisations.
Au 30 janvier 2010, la dette atteint 45.000 dinars dus à la STEG et 70.000 dinars non payés à la SONEDE.
Pour éluder leurs obligations financières, les associés recourent aux plus astucieux des procédés. Sous la niche bétonnée, le subtilisateur de l'eau, par captage illégal, place, de nuit, le collier de prise d'où part la conduite souterraine vers l'intérieur de l'espace habité où nul ne vient contrôler. Le président de "Boushem", DGA étalé sur une part des trois délégations de Bou Argoub, Nabeul et Dar Chaâbane, reproche aux voisins de l'indélicat leur silence. Il bute, chaque fois, sur cette même réponse : "Je ne suis pas un délateur". Ici, 30% de pertes en eau creusent le déficit malgré l'effectif, nombreux des 700 adhérents. Les présidents disent et redisent ne pouvoir avoir "les yeux partout". Ce propos rejoint celui d'Henri Mandras qui définit le monde rural par "La servitude de l'étendue". Systématique, l'utilisation de l'eau potable pour l'irrigation des parcelles compromet la gestion du système et source les pénuries conjoncturelles. Durant l'une des réunions de sensibilisation à "l'approche participative" l'un des contrevenants justifie, en ces termes, l'injustifiable : "J'irrigue avec l'eau potable et je continuerai à le faire ; mais je ne commets aucune faute puisque je paye le volume d'eau indiqué par mon compteur". L'argumentation opposée à cette prise de position fut celle-ci : "Il vous appartient d'adresser une demande pour obtenir l'introduction, ici, de l'eau d'irrigation, mais le recours à l'eau potable déséquilibre tout le système et entraîne les pénuries. Ce ne sont pas les études préalables qui ont été mal faites ; mais les abus outrepassent les données, les calculs et les prévisions. L'achat de toute l'eau disponible par un seul ne justifie pas la soif de tous". Mais l'homme ne renoncera, sans doute pas, sans l'introduction de l'eau d'irrigation. Ici, apparaît l'obstacle premier sur lequel bute la sensibilisation présumée.
Subjectivité et objectivité
Car, pour modifier les dispositions subjectives, il faut transformer les structures objectives. Dans le gouvernorat de Gafsa et au GDA nommé "Haouel El Oued" l'adhérent dit :
Dès que je vois l'eau, quelle qu'elle soit, je pense aux racines de mes plantes. Je préfère boire un demi-verre et leur donner l'autre moitié pour les voir en bon état". Mais 50% de l'eau pompée l'est en pure perte pour la caisse du GDA. Au vu de l'imprévu je pose, à l'égouadier cette question : "Pourquoi ne pas couper l'eau à qui refuse de payer ?". Il répond : "Ici, nous sommes tous du même clan. Si je coupe l'eau à l'un de mes cousins, je perds la face.". Ainsi engagé, ce débat soulève un coin du voile sur le problème de l'anonymat.
Dans les associations liées aux périmètres irrigués, par exemple à Hajeb Laïyoune, l'arrache des portières métalliques aux niches protectrices des vannes ajoute son effet à ceux des infractions signalées.
Au plan théorique, vers quelle conclusion pourrait orienter ces quelques observations ? Les anthropologues, hommes de terrain, aiment bien reprocher aux philosophes leurs spéculations décrochées du concret. Mais si Kant leur était conté, ils auraient de quoi réviser leur préjugé. A propos de la "société civile" notion élaborée, pour l'essentiel, dans les écrits kantiens, puis, hégéliens, l'auteur des "principes catégoriques" évoque, au 18ème siècle, déjà , "Une sociabilité insociable". Sensible aux processus conflictuels, ce philosophe de l'éthique demeure le meilleur analyseur du paradoxal et de l'antinomique. Pour l'autogestion de l'eau, sans autorégulation du monde nouveau, ainsi, paraissent les pratiques inciviles de la société civile. A la faveur du flou conceptuel passe, en contrebande, l'occultation du complexe lavé au cœur du réel. Voilà pourquoi "il n 'est de science que du caché" pour ainsi percevoir le savoir et le définir, Gaston Bachelard, l'épistémologue, savait ce que parler veut dire.
A propos d'associatif et d'eau, en Tunisie, comment éluder l'examen d'une affirmation sans cesse répétée par les tenants du sens commun ? Aliment, privilégié, des neurones revigorés, le sucre fourni par le fruit, succulent, du palmier dattier aurait partie liée avec le génie de Chebbi, ce poète le plus souvent cité. En matière de politique hydraulique Ibn Echabbat inaugure et Ameur Horchani clôture. Pour ces trois fils de l'oasis, les nourritures terrestres seraient au principe de la geste.
Mais à quoi bon pousser plus avant la critique, radicale, de cette affabulation ? Autant expliquer la révolution cubaine par une manne, le sucre de canne !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.