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Mohamed Guelbi, le maître de la concision et de la pertinence
Hommage
Publié dans Le Temps le 12 - 02 - 2010

Si Mohamed Guelbi a eu raison des mots, les cigarettes, elles, ont fini par avoir raison de lui.
A la lecture de cette phrase, ceux qui l'avaient bien connu peuvent deviner ce qui va suivre. Ceux qui ne l'ont jamais approché peuvent s'étonner du rapport entre mots et cigarettes.
Pour Mohamed Guelbi, la cigarette ou plus précisément, les bouffées qu'il aspirait goulûment et avec délectation engendraient les mots qui apparaissent magiquement éloquents, percutants, convaincants et cohérents. Quelque part dans l'espace, ces bouffées éparses devaient accrocher ses mots tout aussi épars. Et Mohamed Guelbi de les cueillir tel un fruit mûr qu'il présentera au lecteur dont l'avidité n'avait d'égal que le plaisir qu'il trouvait à lire avec délectation les " Harbouchas " (pilule) et autres " Lamhas " (clin d'œil) dont Guelbi se faisait un devoir de les gratifier.
Tenu à la concision dans ses billets, sa quête du mot juste traduisait, à n'en point douter, son souci de sortir de sentiers battus d'une rhétorique devenue au fil des ans une véritable langue de bois qu'il abhorrait et ignorait royalement. Pour lui un mot, un seul mot peut et doit remplacer toute une phrase, voire davantage. Un travail qui paraît bien facile mais dont l'exercice est bien périlleux. Et pour cause: pour Mohamed Guelbi, " l'accouchement " fut constamment dans la douleur.
Plus d'une fois, je l'ai observé dans cette grande salle de la rédaction de l'Agence " Tunis-Afrique Presse ", qu'on appelle communément " Desk " national. C'était tout un cérémonial qui commençait invariablement avec le café qu'il apportait généralement lui-même de la buvette située au sous-sol de l'Agence. Tenant son cartable d'une main et le café de l'autre, il s'attablait toujours à la même place, posait le tout sur son bureau, se débarrassait de son manteau après avoir salué les collègues. Invariablement, il commençait par lire ce qu'on appelle le " service national " autrement dit les dépêches parues le matin même ou bien la veille sur le fil de la TAP. Invariablement, il poursuivait en prenant connaissance des " Prévisions de la journée ". C'était et c'est toujours le lot quotidien de chaque journaliste qui se respecte. Invariablement, il enchaînait par la lecture des journaux, en diagonale bien sûr, tout en s'attardant sur les articles qui pouvaient l'intéresser pour un éventuel billet.
Chez Mohamed Guelbi, le déclic est aussi imprévisible que la météo du jour. Mais une fois opéré, c'est un autre Mohamed Guelbi qu'on voyait naître. Se quête des mots commençait. Passant par moment sa main dans sa barbe touffue, il allumait cigarette sur cigarette. Bientôt le cendrier se trouva plein. Son geste devenait plus précis, sa main commençait par écrire le premier mot pas forcément le mot définitif. Et on le voyait comme pénétrant dans une bulle quasi hermétique qui le coupait du " Desk " et de ses collègues. Et la quête des mots de se poursuivre. Lentement. Difficilement. Le " beef teak " (C'est ainsi qu'on appelait le papier sur lequel écrivaient les journalistes avant la parution des ordinateurs), son complice de toujours ne " se prêtait " pas toujours de bonne grâce à sa littérature. Une littérature où la concision n'avait d'égale que la pertinence du thème évoqué. Plusieurs " beef teak " passaient à la poubelle. Le maître de la concision et de la pertinence calait sur un mot ou une phrase toute menue. Et il n'aimait pas les ratures. La mouture définitive devait être claire et nette afin de limiter les erreurs au niveau de la saisie. Conscient de la dangerosité de ce qu'il écrivait et des lourdes conséquences que ces billets pouvaient provoquer, il veillait au grain.
Les lecteurs appréciaient beaucoup ses critiques acerbes. D'autres y voyaient de l'impertinence purement et simplement. Et la valse des pressions, voire des menaces commençait. Mais Mohamed Guelbi faisait bon cœur contre mauvaise fortune. Son départ du journal " Echaâb " fin 1978, faisait suite à ces " Harbouchas " (pilules) qui étaient difficiles à avaler par le gouvernement de l'époque.
Quelques années plus tard, ce chevalier de la plume incontesté et incontestable reprenait du service à la TAP où ce genre journalistique (clins d'œil et autres pilules) ne figurait pas dans son lexique. Mohamed Guelbi se rabattait sur le quotidien " Assabah " et pendant de longues années, il émerveillait bien des Tunisiens par la concision de son style, la pertinence des thèmes évoqués et l'habilité avec laquelle il pointait le mal.
Ces " Harbouchas " et autres " Lamhas " qui se comptent par centaines étaient accompagnés par combien de cigarettes, par combien de bouffées ? Dieu seul le sait.
Peu avant la retraite, il devait être opéré. Le mal est là. Bien installé. Lancinant. L'opération réussie lui donna un répit de quelques années. Affaibli, il reprenait petit à petit. Sans la cigarette, sa campagne de toujours. Ces " Lamhas " étaient-elles moins pertinentes. Bien au contraire !
Dans ces billets Mohamed Guelbi rejoignait Jules Renard qui disait que " les mots ne doivent être que le vêtement, sur mesure rigoureuse, de la pensée ".
Par Mohamed BERGAOUI


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