Le processus de l'Union a été bloqué par la guerre de Gaza. La Konrad Adenauer Stiftung a organisé en collaboration avec le Centre des Etudes Méditerranéennes Internationales une conférence portant sur « les Relations Euro-méditerranéennes à l'échéance 2010 ». Où en sont aujourd'hui ces relations 15 ans après la déclaration de Barcelone et quelle évolution ont-elles connues ? L'ambassadeur Chef de la Délégation de l'Union Européenne en Tunisie, Adrianus Koetsenruijter a révélé a cette occasion que les relations ont évolué avec plusieurs pays, se situant dans un échange bilatéral, mais qu'il existe néanmoins des problèmes et qu'à ce stade il faut trouver les moyens pour avancer. Chafik Saïd, Professeur et Doyen honoraire de la faculté de droit et des sciences politiques de Tunis estime qu' « il existe un renouvellement, un dynamisme et une mutation dans les relations Euro-méditerranéennes. » Il est difficile d'envisager les problèmes dans le contexte de renouvellement, de dynamisme et de mutation continus dans lesquelles se trouvent les relations Euro-méditerranéennes et qui font qu'elles évoluent constamment. Il existe néanmoins du négatif et du positif. Autour du bassin, il y a encore des régions sous jacentes et d'autres en puissance et durant de longues périodes de l'histoire, la région a plutôt connu des compétitions et des guerres, la Méditerranée étant un passage important. Les complicités se succédaient aux confrontations, qui revenaient ensuite… mais tant qu'il y a eu un long passé méditerranéen, il y aura un avenir. Il est vrai aussi qu'il n'y a pas eu union depuis l'empire romain, mais aujourd'hui une union essaye de se construire avec la paix. Notons qu'il y a 700 millions d'habitants autour du bassin et que le trafic pétrolier est de 600 millions de tonnes et du coup représentant le tiers du trafic pétrolier. Par contre on remarque une baisse au niveau du trafic économique vu que l'Europe ne consacre que 2% de ses investissements dans les pays méditerranéens. D'un autre côté, il faut créer 40 millions de postes d'emploi durant les années à venir pour maintenir le même taux de chômage. Les relations se font et se défont Parmi les défis et problèmes que rencontre la région : les catastrophes naturelles, la criminalité et l'immigration clandestine. C'est pourquoi les relations s'inscrivent dans la perspective d'un défi global. Et depuis la déclaration de Barcelone, il y a 15 ans, les relations se font et se défont. Durant cette période, il y a eu l'évolution des concepts, la multiplication des initiatives comme les dialogues et forums organisés et l'étude du processus. Le ralentissement du processus de Barcelone, a par contre été accentué par l'élargissement des Unions en incluant l'Afrique Centrale, des candidats potentiels. Par contre, le conflit Israélo-palestinien reste une entrave pour la consolidation de l'Union, et l'Europe reste vulnérable aux problèmes de la criminalité et de l'immigration clandestine. L'évolution reste ainsi lente, mais persiste et se développe entre les tensions quelque part dans les pays méditerranéens, la bienveillance des Etats Unis et l'enthousiasme des pays du sud notamment le Maroc, la Tunisie et l'Egypte. Pour accélérer le rythme de l'évolution des relations euro-méditerranéennes et fonder une vraie union, il faudra refonder le système de Barcelone. Globalement, l'état des choses reste positif malgré les difficultés et l'union se concrétise peu à peu à travers des structures pour devenir une institution et tout laisse à penser qu'un jour il y aura une structure stable valorisant le partenariat oriental, le libre échange et l'intégration. Le concept adéquat à adopter dans ce contexte serait le concept du statut avancé. Il s'agit d'adopter un accord avec chaque partenaire selon sa propre évolution et ses spécificités. Les non dits freinent le processus Les objectifs des relations euro-méditerranéennes ont aussi évolué. Ceux de l'accord de Barcelone ont déjà été très ambitieux, incluant plusieurs volets ; sécuritaire, économique, politique, écologique, les ressources naturelles, de l'énergie solaire, la protection civile, le commerce… Il reste néanmoins beaucoup de non dit dans les déclarations de Barcelone comme le flux d'immigration qui constitue pourtant l'un des problèmes primordiaux de l'Europe. On n'évoque pas non plus les conflits, surtout le conflit Israélo-palestinien. Cela peut constituer des objectifs sous-jacents ou alors on évite ces sujets pour pouvoir avancer. Ici se pose la problématique concernant l'Union Euro-méditerranéenne : faut-il favoriser la sécurité avant le développement ou le contraire au cours de la construction de l'union ? N'oublions pas que la sécurité et les conflits politiques ont présenté les principaux obstacles… Dans le cadre de l'importance de la sécurité et des systèmes politiques dans la marche tranquille du processus de l'union, la normalisation politique au Liban, les élections européennes y ont beaucoup participé, seulement les éléments culturels peuvent énormément rapprocher les pays du bassin. Nous ne devrions pas nous contenter de vivre autour, mais d'y vivre ensemble. Andera Amato, Président IMED, (Rome Italie) « il faut passer de la notion du partenariat au Co-développement » « Pour bien avancer, il faut évoquer les critiques politiques. La déclaration de Barcelone tourne autour d'un mot : le Co-développement qui a été refusé, oublié et dénaturé à Barcelone. La déclaration de Barcelone ne l'a pas pris en considération pourtant il y a eu tout un travail dessus précédant la déclaration. Ce travail s'est basé sur un mot d'ordre : terminer avec les mots de coopération et transformer la notion d'aide au développement au Co-développement. Chaque pays devrait en effet poursuivre son développement de son côté en parallèle à un travail collectif portant sur les intérêts et objectifs communs. Il faut coopérer avec les pays en voie de développement pour les aider dans leur processus de développement. Cela viserait à construire une grande région stratégique mondiale et ne pourrait se faire sans le Co-développement. Les voies du Co-développement incluent l'intégration comportant les marchés, l'économie, l'intégration territoriale et la convergence qui porte sur la révision et la promotion du système politique. L'intégration porte également sur l'aide entre l'Europe et les autres pays méditerranéens et le renforcement du tissu de l'infrastructure entre eux. Quant à la convergence, elle devrait être dans le sens où chacun revoit ses politiques pour mettre en œuvre une nouvelle politique convergente. Et le Co-développement doit cerner la macro et micro économie, l'environnement, le social plus que la simple aide financière. La déclaration de Barcelone a par contre seulement poursuivi dans la voie de l'intégration concernant les marchés et non pas l'économie ni le territorial. Et concernant la convergence, elle est intervenue uniquement avec une aide financière limitée. Notons que lors de la première décennie du processus le total de l'aide des aides de l'Union Européenne à tous les pays de la méditerranée constitue le quart de l'aide des Etats Unis à l'Egypte et le huitième de l'apport financier américain à Israël. Or, l'aide financière sans la convergence politique saborde la naissance d'une vraie union. Elle ne conduit pas non plus à un équilibrage dans les pays dévalorisés, et ne vise pas une politique industrielle dans le sud du bassin. Ainsi le Co-développement fut mis à l'écart. Cela a conduit à une baisse dans le niveau du partenariat et la déclaration de principe de Barcelone n'a pas été suivie de décisions concrètes ni de vrais dispositifs. Il existe par contre quelques progrès régionaux, mais qui ne représentent pas vraiment un apport bilatéral, chose qui manque à tout le processus de Barcelone. Le problème consiste dans la différence entre la mythologie politique et la réalité. La première doit être suivie par des décisions et des programmes. C'est pour cela que tous parlent de l'échec de la déclaration de Barcelone, mais en réalité la déclaration en soi, ne comprenant pas le Co-développement, a maintenu ses décisions et ses dispositifs. Ces derniers sont le libre échange, l'aide financière même avec limites. La déception reste au niveau de la mythologie et pour y remédier, il faut créer un rééquilibrage dans le système de gouvernance et des grands projets structurés. Il existe depuis 20 ans un modèle économique à cercles concentriques : l'Europe forte, ensuite l'Europe la moins forte, puis le voisin de l'Est pour finir par l'Afrique. Le moment est arrivé aujourd'hui pour passer aux cercles olympiques de méso régions afin de renforcer le système de développement et d'équilibrage. Il faudra imaginer un processus de développement poly centriques qui implique des dualités de pays ou des parties entières de l'Union Européenne et des parties de l'ASE, incluant également un cercle baltique, un cercle Euro-central, un cercle oriental et un cercle méditerranéen. Sur le plan politique la réalité des choses est autre que le fait d'avoir instauré des institutions. La réalité est que le processus de l'Union a été bloqué, notamment par la guerre de Gaza. Seulement pourquoi le conflit Israélo-palestinien n'a pas réussi à saboter le projet par le passé ? La réponse est que si le conflit pèse aujourd'hui, c'est parce que l'Union est plus faible aux dépens du partenariat. Elle veut comporter 47 pays en y ajoutant l'Union Européenne et il existe encore des candidats potentiels. Cela minimise le poids de l'Union Européenne comme seul interlocuteur et à 47 pays il devient plus dur de fixer une seule politique.