Nul ne peut ignorer aujourd'hui que le cinéma tunisien vit la période la plus sombre de son histoire. Une histoire qui ne date pas d'hier comme certains le croient puisque le premier film de fiction tunisien et arabe était «Ain al-Ghazal» de Shamama Chikly date de 1924, bien avant « Layla » de l'Egyptienne Aziza Amir.... Il va sans dire que l'Egypte dispose d'une industrie quand nous – pour des raisons multiples – nous nous sommes cantonnés dans l'amateurisme dans tous ses sens. De 1924 jusqu'à 2010, la Tunisie n'a produit environ que 150 films de long métrage fiction quand l'Egypte grâce à son industrie en a produit plus de 5000. Certes, on ne peut comparer « la plaine du Kef au bourg de Siliana », mais force est de remarquer que nous avons raté là une occasion, comme d'autres occasion pour que notre cinéma se transforme en industrie. Et si nous pointons de l'index la misère de notre cinéma national, nous ne désignions nullement l'esthétique de l'image, l'argument discursif, la direction d'acteur, la direc-tion de la photo, l'étalonnage, le mixage et tutti quanti de ce qui fait la technique de l'image et du son… Loin s'en faut, de l'avis des professionnels internationaux, nos films sont d'une qualité technique irréprochable et maints films aujourd'hui reconnus ont été développés de la SATPEC à et montés chez nous quand les laboratoires Gammarth, devenus LTC Gammarth, étaient les plus importants au Maghreb, dans le monde arabe et sur le continent… Pourquoi ont-ils perdu leur âme, là c'est une autre paire de manche… Le talon d'Achille Le père du cinéma africain Tahar Chériaa, au moment de son bras de fer en 1969 avec les grandes sœurs américaines (les majors compagnie) croyait dur comme fer qu'il est possible d'avoir une immunité cinématographique grâce à la « géo-culture » qu'il entendait dans sa dimension maghrébine et africaine… Si la dimension africaine est mortenée avec la défunte FEPACI (fédération panafricaine des cinéastes), la dimension maghrébine est devenue le talon d'Achille du cinéma tunisien. Bien plus, une malheureuse concurrence a fait en sorte que l'essor du cinéma marocain tant dans l'infrastructure (Studios et Cie) que dans les prestations de services pour les films étrangers, cet essor s'est fait au détriment du cinéma tunisien… et du coup, la production nationale marocaine a eu le vent en poupe (15 films/an)… Le cinéma algérien, pour cause d'insécurité et de délabrement de l'infrastructure, a émigré grosso modo vers la France… les cinéastes algérien pour être sont obligés à « faire survivre leur art à travers les aides du CNC (Centre national du cinéma français), des réseaux de connivence et des chaînes TV européennes qui appliquent, à la limite du code de l'indigénat, une politique d'intégration. Avec l'obligation non écrite de la perte d'une partie de son âme restée dans le terroir originel. » écrivait le critique Ab-dou B… Quant aux deux autres pays maghrébins, la Mauritanie et la Jamahiriya, le cinéma y demeure une primeur et chaque film est une hirondelle qui annonce un printemps qui ne vient jamais… Dans ce tableau, le cinéma tunisien a pu profiter pour un court temps de la présence au Maroc d'un homme de talent, M. Noureddine Sail lorsqu'il était à la tête de 2M ou maintenant à la tête du CCM ou de Chawqi Hamraoui lorsqu'il était à la tête de la télévision algérienne et ce pour avoir des participations algérienne et marocaines dans des productions tunisiennes. Le dernier film tunisien en date qui fait grâce à l'une de ces aides est celui de A. Ben Ammar… En revanche, la Tunisie n'a pas déboursé un kopeck pour un film marocain ou algérien… L'Arlésienne Les disparités en tout genre entre les cinq pays maghrébins ne sont un secret pour per-sonne. Et si l'UMA est un vœu pieu… l'unité culturelle entre les pays maghrébins est une Arlésienne… Ailleurs, la constitution d'ensemble est un chemin vers le bout du tunnel, chez nous, le non-Maghreb est une réalité tangible… Imaginons un film (tunisien) coproduit entre les trois pays du Maghreb central… Et si nous pensons que le cinéma est une industrie, nos treize salles conjuguées avec ce qui en reste en Algérie et les trois cents salles marocaines, il y a là un marché juteux tant au niveau du capital qu'au niveau de l'expression, fut-elle d'un niveau commercial… Mais, les vents ne soufflent pas selon le désir des barques… et ces barques sont nos cinéastes emportés par une politique cinématographique nationale encore timide en matière de production d'images. Le non-Maghreb n'est pas encore chiffré au niveau culturel… mais la facture est forcément salée au niveau du cinéma et de la production télévisuelle… L'absence de ce cinéma de nos grands et petits écrans est en réalité une tragédie… car, le jour où la télévision tunisienne a diffusé des films algériens et marocains, le public n'a pas forcément adhéré. Et c'est normal puisqu'il est gavé « d'orientalitudes »… Mais pourquoi n'a-t-on pas maintenu cette expérience? va savoir !