Les réformes introduites dernièrement au système de l'orientation universitaire en Tunisie, dans le cadre du nouveau guide de l'orientation universitaire pour 2010, ont été suivies avec intérêt par les parties concernées, s'agissant, notamment, de la décision relative à la suppression des filières de l'enseignement supérieur de faible employabilité. Dans l'entretien suivant, Mme Sana Klai, qui enseigne l'entrepreneuriat et la création d'entreprise, à l'Institut supérieur des métiers du patrimoine de Tunis et à l'Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Humanités de Tunis, évoque les nombreuses conditions à remplir pour que l'enseignement de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprise devienne un important support à l'employabilité des diplômés du supérieur. *Le Temps : Comme beaucoup de vos collègues, dans votre situation, vous assurez l'enseignement de l'entrepreneuriat et de la création des entreprises, dans certains établissements universitaires. Cet enseignement de l'entrepreneuriat est récent et il a été institué pour renforcer l'employabilité des diplômés de l'enseignement supérieur. Comment appréciez-vous les réformes apportées dernièrement au système de l'orientation universitaire, en Tunisie, et décidées principalement par souci d'employabilité, à l'instar de la suppression de quelque 140 filières jugées sans horizons en matière d'emploi? Sana Klai -Ces nouvelles mesures sont à saluer pour l'esprit qui les a inspirées. Elles répondent à une préoccupation générale qui est d'offrir aux bacheliers et aux étudiants des divers établissements d'enseignement supérieur, des filières et des parcours d'enseignement favorisant une insertion professionnelle plus facile des diplômés de l'enseignement supérieur, que ce soit sous forme d'emploi rémunéré, ou à travers le travail indépendant grâce à la création d'entreprises. Pour ma part, j'apprécie l'importance grandissante accordée à la composante relative à la création d'entreprises, dans les stratégies nationales tendant à la résorption du chômage et la satisfaction des demandes d'emploi qui émanent à hauteur de 70%, de la part des diplômés du supérieur. Dans cette optique, il a été procédé à l'institution de l'enseignement de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprises, dans les divers établissements de l'enseignement supérieur, en tant que support à l'employabilité des diplômes universitaires, grâce à la diffusion de la culture du travail indépendant et l'initiation des étudiants aux procédés et mécanismes de création d'entreprises. Je suis heureuse de faire partie du corps des enseignants de cette discipline. Cependant, les enseignants et formateurs dans ce domaine viennent d'horizons divers. En ce qui me concerne, je suis gestionnaire et titulaire d'un mastère en études sociales quantitatives. Il n'y a pas une filière de l'enseignement supérieur spécialisée dans la formation des enseignants en matière d'entrepreneuriat et de création d'entreprises. Aussi, il importe de penser à la création d'une filière et d'une spécialité dans ce domaine, ayant pour tâche de former des enseignants et des formateurs en matière d'entreprenariat et de création d'entreprises. Une telle création exige l'élaboration d'un programme d'enseignement normalisé, de sorte qu'une fois sortis, les enseignants et les formateurs dispensent le même enseignement, alors qu'actuellement, chaque enseignant dispense la formation selon sa conception et sa vision propre. Or, la nature de l'enseignement de l'entrepreneuriat détermine beaucoup la diffusion et l'enracinement de ce concept. * Quelles sont, à votre avis, les conditions à remplir pour assurer le succès de cet enseignement, ou plutôt, de cette démarche, car il s'agit bien d'une démarche? -A mon sens, la réussite dans ce domaine exige un enseignement dynamique qui privilégie davantage l'aspect pratique et cherche à établir un contact permanent avec le monde des affaires et les opérateurs économiques, de manière à fournir aux étudiants l'opportunité d'apprécier la réussite professionnelle grâce au travail indépendant, de visu, et de s'inspirer directement des expériences des opérateurs économiques. Cet esprit guide mon enseignement. Je veille à multiplier les rencontres directes avec le monde des affaires et celles que j'ai organisées ont été très instructives. A cet égard, j'aimerais signaler la différence entre la culture de l'entreprise et la culture entrepreneuriale ou la culture de l'entrepreneuriat, qui sont souvent confondues. La culture de l'entreprise signifie l'adhésion des cadres et employés d'une entreprise donnée aux valeurs, idéaux et objectifs que cette entreprise défend. La culture entrepreneuriale signifie la culture relative à la création des entreprises et des nouveaux projets. Les deux volets sont intimement liés et méritent l'un et l'autre d'être renforcés. La pérennité et la prospérité de l'entreprise dépendant beaucoup de la mobilisation et de la mise à contribution de ses ressources humaines en vue de la concrétisation de ses objectifs. Autant les ressources humaines sont motivées, autant l'entreprise avance et progresse dans les meilleures conditions. Une démission des ressources humaines sonne le déclin de l'entreprise. La motivation revêt aussi une grande importance dans le domaine de la création d'entreprises. Outre les techniques de montage des projets, il faut développer l'esprit d'initiative et de risque. * Mais l'enseignement ne suffit pas à lui seul à assumer toutes ces taches. Qu'en pensez-vous ? - Effectivement, comme vous l'avez dit, l'action nécessite la participation active du tissu associatif sous toutes ses formes : associations, jeunes chambres, clubs spécialisés. Dans ce domaine, je me dois de signaler l'effort méritoire consenti par l'Association ‘'INJAZ'' au service de la diffusion de la culture entrepreneuriale en milieu scolaire et universitaire, à travers l'organisation de compétions nationales à ce sujet. Il faut aussi œuvrer à faire connaître les nombreuses structures d'appui et de financement mises en place par l'Etat dans ce domaine, au profit des diplômés du supérieur, en particulier. On ne naît pas opérateur économique et chef d'entreprise. L'entrepreneuriat et l'esprit entrepreneurial s'apprennent et s'acquièrent, à condition de savoir les enseigner et les diffuser, comme il se doit. L'expérience encourageante des pays développés en matière d'enseignement de l'entrepreneuriat peut être, pour nous, une utile source d'inspiration.