Nous avons assisté, samedi dernier, au spectacle de Brahim Bahloul qui clôturait la semaine « Ahazij Tounissiyya » organisée par la maison de la culture Ibn Rachiq. Le concert est né du travail de recherche, de réhabilitation et d'innovation entrepris par le musicien sur un héritage musical tunisien et nord-africain mésestimé. Brahim Bahloul et sa troupe nous offrirent un spectacle original et très vivant qui permit à la cinquantaine de spectateurs présents de redécouvrir et d'aimer à nouveau le genre musical rural. L'effort créatif était manifeste au niveau des instruments de musique utilisés par l'ensemble (saxophone, pieux en bois et pilons pour accompagner flûte, tambours et tambourins) et également au niveau des costumes évoquant à la fois la campagne et les plateaux berbères. Le travail scénographique mérite à son tour une mention spéciale, tout comme l'humour froid de Brahim Bahloul qui, à chaque intervention, s'offrait une cible quelconque. Dans l'une de ses pointes ironiques, il fit allusion au maigre cachet que lui réservait la maison Ibn Rachiq pour son spectacle de samedi. C'est par là que nous avons commencé notre entretien avec Hamadi Mezzi, directeur de l'espace, dans lequel ce dernier dresse, entre autres, un premier bilan de « sa » semaine musicale. Le Temps : Que pensez-vous de ce clin d'œil lancé à votre adresse par Brahim Bahloul sur les questions financières ? -H.M. Tout le monde connaît la modestie de nos moyens financiers et sait que sans mon charisme personnel et les bonnes relations que j'entretiens avec les artistes, ces derniers n'auraient jamais accepté de se produire à Ibn Rachiq pour des cachets dérisoires en comparaison de ceux qu'ils touchent ailleurs. En effet, alors qu'ils perçoivent un minimum de 5000 dinars par soirée en se produisant dans d'autres manifestations, ici, ils acceptent mes conditions et jouent parfois bénévolement comme c'est arrivé lors de la quinzaine de « Masrah Edhad ». Cette fois, à l'occasion de la semaine des « Mélodies tunisiennes » (« Ahazij Tounissiyya »), les cachets n'ont que très rarement excédé les 1000 dinars et ce, en dépit des sacrifices tangibles que les artistes invités ont consentis. Mais dans ces conditions, ne prenez-vous pas un nouveau risque en organisant très prochainement (du 26 août au 3 septembre) la deuxième édition du festival du « oud », dans la mesure où cette manifestation pâtira comme la précédente, de la désaffection du public ? - Ecoutez, les deux manifestations ne peuvent pas se tenir en dehors de Ramadan. Pour ce qui est du Festival du oud, j'espère que la deuxième édition connaîtra un meilleur sort qu' « Ahazij Tounissiyya » au niveau de l'affluence, parce qu'elle s'inscrit dans une tradition que nous continuerons à instaurer au fil des sessions. Mais si elle ne draine pas la foule, nous aurions fait mieux que de nous croiser les bras. Et c'est le public absent qu'il faudra blâmer, parce que les spectacles proposés ici sont bons et souvent même d'un excellent niveau artistique. Quelle explication donnez-vous personnellement de la désaffection constatée tout au long de la semaine des « Mélodies tunisiennes » ? - Il y a plus d'un facteur pour justifier l'absence ou plutôt la rareté des spectateurs : la chaleur qui sévit ces derniers jours, le mois de Ramadan, les vacances scolaires, le fait que beaucoup de familles soient encore sur les plages. Et puis, l'affluence, c'est un élément du spectacle que vous ne maîtrisez pas toujours : lorsque vous vous attendez à un bide, vous affichez complet. L'inverse est vrai aussi. Ce qui est certain, c'est qu'avec la sponsorisation des manifestations, nous aurions pu accueillir plus de monde et nous épargner bien des soucis financiers, notamment à propos des cachets. Espérons que ce sera le cas, à l'avenir ! Le spectacle de Brahim Bahloul programmé à la clôture de la semaine « Ahazij Tounissiyya » se présente comme une tentative, très réussie et très courageuse à nos yeux, de réhabiliter un patrimoine oublié, à savoir la musique répandue dans les milieux ruraux et qui repose sur des instruments comme le tambour, la flûte, la « zokra » et sur la voix généreuse du « ghanney ». Qu'en pensez-vous? - En effet, nous avons voulu honorer cet autre genre musical qui, au même titre que les genres dits citadins, relève de notre mémoire culturelle et artistique collective. Le spectacle de ce soir tout comme celui d'Abderrahmane Chikhaoui intitulé « Tourathiyyat » dénotent un effort de recherche et d'innovation louable et témoignent d'une volonté manifeste d'exploiter les multiples ressources qu'offre cet inépuisable patrimoine ancestral, relativement ignoré et sous-estimé. Parlez-nous des prochaines manifestations programmées à Ibn Rachiq ? - Après le festival du « oud », nous observerons une pause, parce que cela coïncidera avec la fin de Ramadan, l'Aïd, et la rentrée scolaire. Certaines familles reprendront assurément la route vers les plages. Il n'empêche que nous pensons à programmer une rétrospective cinématographique en avant-goût des prochaines J.C.C. En Octobre, nous prévoyons une grande manifestation théâtrale en l'honneur des jeunes artistes dramatiques. La Tunisie célèbre, je vous le rappelle, l'année internationale de la jeunesse ! Qu'en est-il de votre pièce « Droit de réponse » et de l'adaptation promise du « Roi Lear » de Shakespeare? - « Droit de réponse » vient d'achever une tournée dans plusieurs gouvernorats du pays : Le Kef, Médenine, Tataouine, Gafsa, Sousse. Retour au bercail maintenant, puisque nous la rejouerons à Ibn Rachiq demain mercredi 25 Août à partir de 22 heures. Mon adaptation du « Roi Lear » progresse bien. Le premier jet du texte est déjà terminé ; mon épouse Faouzia- je veux dire mon premier critique- en est satisfaite. Je m'accorde pour l'heure un petit répit mais je le reprendrai à coup sûr après le mois saint. Entretien conduit par : Badreddine BEN HENDA